Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
I

Italie (suite)

• D’autre part, le danger ottoman se précise : les Turcs ravagent le Frioul et occupent Otrante (1480). Venise recule pas à pas devant eux en Méditerranée. Mais l’installation des Turcs sur les ruines de l’empire d’Orient a comme conséquence bénéfique en Italie — et de là en Europe — la pénétration d’une culture héritée de l’Antiquité par l’intermédiaire des émigrés byzantins.


Le temps de l’immobilisme et des étrangers (xvie-xviiie s.)


Les ambitions françaises

• Fascinés par le rayonnement artistique de l’Italie, mais profitant de son morcellement, les Valois — transportant dans la péninsule l’antagonisme franco-espagnol — tentent de mettre la main sur elle. Ce sont les guerres d’Italie (v. art. spécial), marquées par un très complexe jeu d’intrigues.

• De 1494 à 1516, les « descentes » françaises se succèdent. Charles VIII* — héritier des Anjou — se fait proclamer « roi de Naples, de Sicile et de Jérusalem ». Mais une coalition, noyautée par l’Espagne, le force à s’en aller (1495). Louis XII*, lui, vise le Milanais, dont il s’empare en 1500, avant d’entrer à Naples. L’Espagne et Jules II — animateur d’une Sainte Ligue — le contraignent à renoncer à ses conquêtes. François Ier, après Marignan (1515), se rend maître du Milanais, mais, après le désastre de Pavie (1525), Charles Quint l’oblige à lâcher Naples et Milan. Plus tard, le roi de France s’allie aux princes italiens contre l’empereur, qui fait saccager Rome (1527).

• Henri II*, époux de Catherine de Médicis, reçoit de nombreux émigrés florentins — mercenaires, financiers —, mais sa lutte contre Charles Quint se déroule loin de la péninsule italienne.

• Par le traité du Cateau-Cambrésis (1559), la France — qui reçoit les Trois-Évêchés (Metz, Toul, Verdun) — renonce à ses prétentions en Italie. Celle-ci tombe sous la coupe espagnole.

• Et, cependant, c’est en ces temps de luttes et d’humiliation (xvie s.) que l’Italie atteint le sommet de la Renaissance*. Le toscan s’affirme comme la langue littéraire du pays.


L’Italie espagnole (xviie s.)

• Les Habsbourg d’Espagne sont, depuis l’abdication de Charles Quint (1556), les maîtres directs du Milanais, de Naples et de la Sicile, où l’autorité des vice-rois est sans contrepartie. Le Milanais se replie sur lui-même, et Milan connaît la décadence. Les royaumes de Naples et de Sicile sont lourdement imposés par Madrid (180 millions de ducats en un siècle) ; la vie économique y reste archaïque ; les États y sont supprimés en 1642 ; l’oppression y provoque des soulèvements populaires, notamment celui de Masaniello (1647) à Naples et la révolte de Messine (1674).

• Jusqu’en 1598, l’Espagne a contrôlé en fait toute la péninsule sur le plan militaire comme sur le plan culturel : l’Inquisition et, la Contre-Réforme ont favorisé un conformisme intellectuel et spirituel qui — à contre-courant de la Renaissance — allait jusqu’à persécuter les esprits libres, tel Galilée*.

• Au xviie s., l’influence de la France — qui, sous Richelieu notamment, fait de l’Italie le centre de son action antiespagnole — grandit dans la péninsule, et la maison de Savoie*, qui monte, vit d’abord dans l’orbite de la France ; puis, avec Victor-Amédée II (duc en 1675), elle rompt avec les Français, adhérant aux alliances forgées contre Louis XIV : Turin est assiégé par les Français (mai-sept. 1706) ; mais, en 1713, le duc — qui est du camp des vainqueurs — obtient le titre de roi.

• Les petits États déclinants de Parme-Plaisance (les Farnèse), de Modène-Reggio (les Este), de Mantoue-Montferrat (les Gonzague) sont aussi au xviie s. dans l’orbite française. La république aristocratique de Lucques et surtout la république de Gênes restent sous l’influence espagnole : Gênes, port du Milanais, est bombardée par les Français en 1684, et son doge doit aller faire amende honorable à Versailles.

• En Toscane, les derniers Médicis président à la décadence florentine ; seul Ferdinand II (grand-duc de 1621 à 1670) s’efforce de prolonger l’œuvre humaniste de ses prédécesseurs et encourage l’Accademia del Cimento, fondée en 1657 par son frère Léopold.

• Onze papes se succèdent de 1605 à 1721 ; deux seulement émergent : Urbain VIII (1623-1644), un mécène ami de Galilée, qu’il laisse d’ailleurs condamner ; Innocent XI (1676-1689), qui tient tête à Louis XIV, lequel, de maintes façons, pratique en Italie et à Rome une provocante politique de prestige. Les États pontificaux sont toujours ravagés par le népotisme, l’anarchie (banditisme) et la misère, qui contraste avec le luxe des puissants.

• La sérénissime république de Venise est, elle aussi, décadente, étant épuisée par ses luttes contre les Turcs et les Habsbourg, qui rognent son empire (Candie [Crète*], Morée...) ; sa flotte marchande souffre de la prépondérance atlantique. Le conservatisme politique de l’aristocratie va jusqu’à la vénalité : on vend l’inscription au Livre d’or et l’entrée au Grand Conseil.

• La découverte de l’Amérique, l’avancée des Turcs ont fortement touché l’économie de l’Italie. Si celle-ci reste un centre de redistribution de l’or espagnol et le fournisseur du continent en denrées de luxe, elle ne participe que modestement à la mise en place d’une économie moderne de capitalisme bourgeois.

• La vie sociale se fige. Les rapports villes-campagne demeurent fondés sur la rente foncière ; l’artisanat de qualité ne peut équilibrer une économie marquée par la prépondérance d’une agriculture de subsistance (latifundia).

• Le déclin démographique est net : de 12 millions en 1500, la population tombe à 11 millions en 1700. Le paupérisme (surtout dans le Sud), la délinquance, les ravages des épidémies (plaine du Pô) sont des fléaux endémiques.