Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
I

Italie (suite)

• La division s’installe dans les villes où les partisans de l’empereur (gibelins) s’opposent aux guelfes, partisans du pape (v. guelfes et gibelins). De plus, aux grands marchands, maîtres du magistrat local, s’oppose le peuple, avide de participer à la vie municipale. Ces troubles favorisent les desseins des ambitions : podestats, condottieri, bientôt dynasties de princes.

• Frédéric II est finalement vaincu ; son rêve d’unifier l’Italie meurt avec lui (1250). Son bâtard, Manfred (1254-1266), tente bien, à partir de la Sicile, de reprendre le terrain perdu. Charles d’Anjou, appelé par la papauté, le bat et le tue (1266), avant de se débarrasser de Conradin, le prétendant gibelin (1268). Mais le Français, avec l’appui du parti guelfe, domine à son tour Rome et la majeure partie de l’Italie.


La désagrégation territoriale

• Très vite, l’impérialisme de Charles* d’Anjou mécontente les populations du sud de l’Italie. Abandonnés par la papauté, et tandis que le parti guelfe se désagrège, les Angevins sont finalement éliminés — après la révolte des Vêpres siciliennes (1282) — par le roi d’Aragon, qui, en 1302, est officiellement maître de la Sicile et de la Sardaigne. Les Angevins doivent se contenter du royaume de Naples.

L’influence papale en Italie décline. Le règne de Boniface VIII (1294-1303) est, de ce point de vue, caractéristique.

• Au sein de la curie, les cardinaux français et italiens se déchirent. En 1309 et jusqu’en 1376, la papauté s’installe à Avignon*. L’Italie est sans tête, Rome est une cité sans âme.

• Roi de Naples, Robert d’Anjou (1309-1343) est investi par la papauté d’une espèce de souveraineté sur l’Italie du Nord (Toscane). Mais les gibelins l’emportent en Italie centrale, tandis que Robert tente vainement de reconquérir la Sicile (1325). Cependant, Robert d’Anjou participe à la pré-Renaissance italienne, protégeant notamment Boccace* et Pétrarque*.

• Partout se forment des seigneuries puissantes, héréditaires, qui menacent les dernières grandes communes. Chaque cité, livrée à elle-même, cherche à agrandir son territoire au détriment de ses voisines.

• Le Grand Schisme d’Occident (1378-1417) — en amenuisant encore l’influence papale — rend plus sensible le morcellement de l’Italie.


Féodalisme et anarchie dans les Deux-Siciles et les États de l’Église

• Tandis que les Aragonais se maintiennent en Sicile et en Sardaigne, le royaume de Naples, après la mort de Robert d’Anjou (1343), connaît une histoire mouvementée. La succession de Jeanne II (1414-1435), notamment, provoque une guerre entre Aragon et Anjou. Les Aragonais triomphent, réunissent Sicile et Naples en un royaume des Deux-Siciles (1442).

• À la mort d’Alphonse V le Grand (1458), les deux royaumes sont de nouveau séparés : la Sicile reste au roi d’Aragon ; Naples (Sicile péninsulaire), à un bâtard d’Alphonse V, Ferdinand Ier, ou Ferrante (1458-1494), qui doit repousser les derniers assauts des Angevins et faire face aux révoltes de l’instable noblesse de son royaume. Il meurt, au moment où le roi de France, Charles VIII, héritier de la maison d’Anjou, prépare l’invasion de la péninsule.

• Dans les Deux-Siciles, sous les Aragonais, se perpétuent un féodalisme sclérosant et une économie archaïque qui contrastent avec le dynamisme des cités et des seigneuries du nord de la péninsule.

• L’installation des papes à Avignon, puis le Grand Schisme aggravent l’anarchie dans les États de l’Église. La tentative d’unification de Cola di Rienzo échoue en 1354. Quand la papauté restaurée réintégrera ses États romains (1417), ceux-ci, comme les Deux-Siciles, resteront marqués par l’archaïsme politique et économique.

• Les papes du xve s. participeront, comme mécènes, au développement artistique et culturel lié à la Renaissance* italienne, mais ils achèvent de ruiner le prestige de la papauté par leur vie mondaine, voire scandaleuse, leur népotisme et les procédés qu’ils emploient pour reconquérir leurs États, infestés de tyrans locaux.


Républiques et seigneuries

• Au xiiie et au xive s., le commerce méditerranéen et la redistribution des produits orientaux sont toujours aussi fructueux. Bénéficiant des progrès de la construction navale, les bateaux italiens vont jusqu’à Bruges. L’atmosphère de prospérité favorise l’essor de l’humanisme et de l’art, riches bourgeois et princes se comportant en mécènes généreux.

• Très tôt, l’Italie est traversée par de nouveaux courants de pensée. Ce pays riche est hanté par la pauvreté évangélique, et, à côté des disciples de saint François d’Assise (v. frères mineurs), pullulent les hétérodoxes, les sectaires, qui rompent plus ou moins avec l’Église officielle : spirituels — que défend Joachim* de Flore —, cathares, vaudois... L’Inquisition* n’arrête pas complètement ce courant. D’autre part, les contacts avec l’Orient musulman et l’atmosphère de gain facile contribuent au relâchement des mœurs.

• Gênes*, Venise*, Milan*, Florence* sont les quatre cités qui dominent l’économie italienne.

• La Savoie*, qui accroît ses possessions piémontaises, devient aussi un duché sous Amédée VIII (1416).


Prestige et faiblesses

• Mais cette Italie prospère et rayonnante repose sur des bases politiques fragiles. Des ligues innombrables se forment et se détruisent au gré des intérêts. La papauté, restaurée dans Rome, abandonne sa politique globale en Italie. L’Italie du Sud reste aux mains de dynasties étrangères.

• Dans le Nord, la paix de Lodi (1454), si elle introduit pour la première fois dans l’histoire la notion d’équilibre entre puissances voisines et préfigure une possible « unité italienne », ne met pas fin aux luttes entre cités oligarchiques et princes. L’habitude de faire appel à l’étranger (Aragon, Habsbourg, France) va bientôt livrer la péninsule aux ambitions extérieures.