Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
I

Israël (suite)

L’urbanisation

En effet, 89 p. 100 de la population juive vit aujourd’hui dans les villes, et le taux d’urbanisation atteint encore 82 p. 100 si l’on prend en compte la population arabe. L’État d’Israël a sans doute le plus fort taux d’urbanisation de la planète. Ce trait est ancien. En 1922 déjà, 80 p. 100 de la population juive vivait dans les villes.

Le tiers de cette population urbaine habite la conurbation de Tel-Aviv, et près de la moitié dans le « Grand Tel-Aviv », qui, dans un rayon de 12 à 20 km à partir du centre de la ville, comporte de nombreuses autres agglomérations. La croissance des autres grandes agglomérations de Jérusalem et de Haïfa a été, en revanche, freinée par leur situation proche des frontières. Haïfa, dont la conurbation a atteint 300 000 habitants en 1967 contre 200 000 en 1952, a souffert de la perte de la plus grande partie de son arrière-pays, resté à l’extérieur des frontières d’Israël, alors que les premières phases de la colonisation juive avaient fait de cette bourgade insignifiante au début du siècle, accolée aux pentes est du mont Carmel, un grand port et un puissant centre industriel, fondé surtout sur l’industrie chimique ; l’agglomération avait rejoint au nord de la baie la vieille cité d’Acre (auj. ‘Akko).

Les autres centres urbains sont, pour le plus grand nombre, d’anciens centres agricoles de la plaine côtière, où le processus d’urbanisation s’est le plus souvent déclenché pendant la période immédiatement consécutive à l’indépendance, en raison de l’installation massive de camps de nouveaux immigrés. Mais depuis le milieu des années 50 a été introduite une urbanisation planifiée, qui s’efforce de développer des centres urbains en dehors du cœur de la plaine côtière, dans les régions marginales de la Galilée ou du Sud, soit à partir de petits centres arabes antérieurs, soit même à partir de créations de toutes pièces. Telles sont notamment : Eilat (ou Elath), port d’Israël sur la mer Rouge, au fond du golfe d’‘Aqaba ; Ashdod, port au sud de Tel-Aviv ; Ashkelon, dans le sud de la plaine côtière ; Beer-Shev‘a, capitale du Néguev (77 000 hab.), qui n’était au début du siècle qu’un simple poste militaire ottoman édifié pour contrôler les tribus bédouines.


Les étapes de la colonisation et les aspects régionaux du peuplement

Le problème de la répartition harmonieuse de cette population sur un territoire restreint domine en effet tout l’aménagement d’Israël. La population s’était d’abord concentrée dans la partie centrale de la plaine côtière de Palestine, large de 15 à 20 km, abordée la première par les colons juifs d’Europe orientale. Ceux-ci avaient trouvé dans ces terres plates, souvent marécageuses et alors abandonnées à la suite des ravages des Bédouins, un milieu ressemblant aux grandes plaines de leur contrée d’origine et où ils se « naturalisèrent » facilement. Après la Première Guerre mondiale, la colonisation pénétra dans le Sharon, partie septentrionale de la plaine côtière, dans les vallées de Jezre‘el (ou plaine d’Esdrelon) et du Ḥarod, entre les monts de Galilée et la Samarie, puis dans la dépression du Houleh (ou Hula), dans le fossé du Jourdain et enfin dans les hautes vallées de la Galilée occidentale. Toutefois, en 1936, il n’y avait encore que 10 p. 100 de la population en Galilée et dans les vallées intérieures du Nord, 12 p. 100 dans les monts de Judée et à Jérusalem et 78 p. 100 de la population étaient encore concentrés dans le centre de la plaine côtière.

La colonisation ne s’étendit réellement au sud de la plaine côtière et au Néguev septentrional qu’après la fondation de l’État d’Israël. Les Britanniques avaient découragé les Juifs de s’installer dans le Néguev, et ceux-ci, avant l’indépendance, n’avaient pénétré que dans l’extrême nord de la région, essentiellement autour de Beer-Shev‘a et dans la plaine côtière, où onze établissements agricoles avaient été installés par surprise, en pleine nuit, dès 1946. L’État d’Israël, en revanche, s’appliqua immédiatement à la colonisation systématique de ce qui était sa plus grande réserve d’espace. Un tiers seulement des 60 000 Bédouins qui le peuplaient avait regagné le pays après la guerre de 1948. Plus de cinquante centres agricoles furent alors installés dans la partie septentrionale du Néguev (recevant encore autour de 150 mm d’eau en moyenne), essentiellement au nord et à l’est de Beer-Shev‘a, avec une pointe jusque dans les hauteurs du Néguev central. Des stations expérimentales sont apparues au sud, sur la route d’Eilat. Peuplés essentiellement de colons issus du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord, les villages du Néguev sont surtout des mochavim, la rude discipline des kibboutzim étant apparue trop rigide pour ces nouveaux venus. Les mochavim comptent ainsi ici 57 p. 100 de la population rurale, et les kibboutzim 24 p. 100 seulement, proportions respectivement supérieure et inférieure à celles du reste du pays. Encore les kibboutzim datent-ils presque tous de la première période de l’installation. Fondée sur une culture céréalière extensive avec dry-farming, cette colonisation agricole, malgré des rendements qui ne dépassent pas 9 quintaux à l’hectare, fournit néanmoins plus de la moitié des céréales récoltées en Israël. Elle ne pouvait, cependant, assurer à elle seule l’occupation d’une région aussi ingrate. La mise en valeur du Néguev est fondée aujourd’hui sur les activités industrielles et urbaines. Les phosphates, la potasse de la mer Morte, l’argile à céramique fournissaient des bases non négligeables. À côté de Beer-Shev‘a se sont fondées des villes nouvelles : Dimona (22 500 hab. ; industries textiles, centre nucléaire) et ‘Arad (pétrochimie) à l’est, sur le plateau qui domine la mer Morte, ainsi qu’Eilat à l’extrême sud, sur la mer Rouge. La colonisation du Néguev est ainsi la pièce maîtresse d’un effort d’aménagement et de redistribution régionale visant à mettre en place une répartition plus harmonieuse de la population. Ainsi, dès 1960, la part de la plaine côtière centrale était tombée à 70 p. 100 du total contre 10 p. 100 dans le Sud et le Néguev, 10 p. 100 dans les monts de Judée et à Jérusalem, 10 p. 100 encore dans la Galilée et les vallées intérieures du Nord. En 1970, le centre côtier n’avait plus que 63,7 p. 100 de la population, contre 14 p. 100 en Galilée, 8,7 p. 100 dans les monts de Judée et à Jérusalem, 13,5 p. 100 dans le Sud et le Néguev. Ce réaménagement est d’autant plus indispensable que les densités dans la plaine côtière centrale doivent dépasser 1 000 habitants au kilomètre carré en 1980 d’après les prévisions les plus réalistes.