Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
I

islām (suite)

Verrerie

La production la plus ancienne (viiie-ixe s.) offre des bouteilles, des flacons et des vases entièrement nus. Mais bientôt le goût musulman va imposer la plus grande variété de décors : moulé, estampé, meule, gravé ou taillé. Malgré la qualité des objets ainsi réalisés (aiguières fāṭimides à « taille oblique » imitant les cristaux de roche sculptés), la renommée des verriers musulmans tient avant tout à la découverte, faite sans doute en Égypte au xiie s. et rapidement introduite en Syrie, de l’application de dorures et d’émaux polychromes. Les lampes de mosquée en verre émaillé qui sont alors fabriquées font oublier les anciennes lampes métalliques ; les vases et les gobelets deviennent l’objet des commandes simultanées des Chinois et des Européens. Au xive s., les ateliers d’Alep et de Raqqa sont ruinés par Tīmūr Lang (Tamerlan), qui déporte les artisans à Samarkand sans parvenir à y fonder une école. La technique de remaillage est abandonnée, et c’est à des procédés moins originaux que les époques ultérieures ont recours (école séfévide).


Tissus

La place acquise par les Iraniens, bien avant l’islām, sur la « route de la soie » explique la prépondérance orientale dans l’art des tissus. Les grands ateliers d’Iran, de Syrie et d’Égypte gardent aux premiers siècles de l’islām les traditions sassanides (tissu au « maître des animaux », xe s., Louvre), hellénistiques ou coptes. Ce n’est que progressivement que le décor évolue : il devient plus touffu, et de longués inscriptions couvrent les étoffes. Aux époques plus récentes, les fabriques séfévides et ottomanes offrent une production abondante, qui fait bien mesurer le chemin parcouru. Les tisseurs iraniens, qui travaillent en collaboration avec les peintres, auxquels ils demandent des cartons, subissent l’influence de la miniature, dans un art raffiné aux coloris délicats. Les Turcs dessinent à grande échelle, avec plus de vigueur, les motifs des « quatre fleurs », des « sequins » et des « lèvres de Bouddha » enfermés dans des réseaux de mandorles (caftans impériaux de Topkapı à Istanbul). Ils exercent un grand attrait sur leurs collègues italiens.


Tapis

Il n’est pas douteux que les tapis ont une grande ancienneté dans le monde turco-iranien, comme l’ont prouvé les fouilles de Pazyryk, dans l’Altaï, et leurs précieux spécimens datant des débuts de l’ère chrétienne. Nous savons qu’ils décoraient mosquées et palais à l’époque omeyyade. Néanmoins, les plus anciens tapis islamiques que nous possédons ne sont pas antérieurs au xiiie s. Ils proviennent d’Anatolie et paraissent refléter des concepts d’Asie centrale. Il n’est donc pas impossible que les tapis noués, les tapis de haute laine (par opposition au tapis tissé, le kilim ou sumak, toujours fabriqué par les peuples musulmans) aient été introduits dans le Proche-Orient par les Turcs. Ils montrent un goût certain pour le décor abstrait, mal à l’aise dans ses limites, et répondent bien ainsi aux idéaux des artistes musulmans. Vers le xve s., alors que les Mamelouks demeurent fidèles à la géométrie, les ornements floraux font leur apparition en Turquie : ainsi, les arts égyptiens et anatoliens semblent diverger, mais l’expansion ottomane dans le Bassin méditerranéen impose aux pays riverains un style officiel uniforme. À cette époque, le monde iranien affirme sa pleine personnalité et crée ses prestigieux ateliers. Sous les Séfévides, ceux-ci donneront leurs plus grands chefs-d’œuvre, des pièces à motifs figuratifs et floraux. Leur influence sera considérable sur les pays voisins : ainsi sur l’Inde moghole. Malgré une décadence évidente, les tapis persans, noués à la main, sont encore aujourd’hui les rares objets dans lesquels l’art islamique se survit.


Céramique

Nul art mineur n’occupe une place plus grande dans le monde de l’islām et n’en est plus représentatif que celui de la céramique. Nulle part au monde, peut-être, la céramique n’a été plus riche, plus variée, plus splendide. Des origines de l’islām jusqu’à nos jours, elle fournit une inépuisable variété d’objets. Ceux-ci sont habituellement classés d’après les principaux centres de découverte, ce qui n’est pas totalement satisfaisant, les pièces semblant avoir beaucoup voyagé.

Les séries les plus archaïques (viiie-xiie proviennent de sites iraniens (Rayy [auj. Rey], Suse), mésopotamiens (Sāmarrā) et égyptiens (Fusṭāṭ). Ces œuvres présentent déjà les techniques les plus diverses : décor gravé sur engobe et sous couverte, décor fait sur émail et enfin lustre métallique obtenu par une seconde cuisson en atmosphère réductive, à l’aide d’oxydes de cuivre et d’argent posés sur une pièce déjà décorée ; sans doute découvert à Sāmarrā, le procédé a été très employé par l’Égypte jusqu’aux Mamelouks et exporté en Espagne.

Dans la première époque, les traditions anciennes se survivent partout. Aux xe et xie s., Nichāpur et Samarkand renouvellent le style, parfois avec soumission à l’art des Tang : décor concentrique sur engobe crème, dans une gamme limitée de couleurs ; motifs géométriques, épigraphiques et animaliers. En Iran, les productions dites « gabri » (dans la région de Zendjan), qui conservent les modes sassanides, et celles d’Amol se présentent d’une autre façon : personnages hiératiques, animaux très stylisés. À l’époque seldjoukide, l’Iran atteint à la perfection (Rayy, Kāchān, Sāvè). Alors l’artiste montre sa prédilection pou rie décor figuratif (série dite « minā’i », faite au « petit feu »), et l’on commence à appliquer la céramique sur les monuments. L’apport chinois, déjà très sensible, se renforce après l’invasion mongole (Solṭānābād). Sous les Ottomans, des pièces très siliceuses, avec vitrification poussée de l’émail (dites de Rhodes, d’Iznik ou de Damas), sont ornées de grands bouquets de fleurs mêlés aux nuages chinois. La coloration en rouge tomate, très caractéristique des pièces du xvie s., coïncide avec l’époque d’apogée de l’école et son rayonnement sur les pays méditerranéens (Tunisie, xviie s.). Chez les Séfévides, le lustre métallique réapparaît dans des ateliers qui connaissent une grande variété de techniques, de formes et de décors. En Occident, les céramiques hispano-moresques forment un groupe homogène (centres à Málaga, xiiie-xve s., et à Valence, apogée au xve-xvie s.) : outre de grands vases à arabesques, les ateliers (Manises) produisent de larges plats d’abord très orientalisants, puis au décor plus proche de la nature, fréquemment timbrés en leur centre de belles armoiries.

J.-P. R.