Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
I

islām (suite)

Sculpture

Avant les découvertes récentes et l’analyse plus approfondie du matériel, nous connaissions surtout la sculpture figurative médiévale par les textes. Rares sont en Occident les œuvres postérieures aux époques omeyyades et ‘abbāssides : quelques reliefs fāṭimides, les lions de la fontaine de l’Alhambra, des cuves andalouses des xe-xive s. Mais plusieurs grandes écoles voient le jour en Orient. Entre 1050 et 1150, les Rhaznévides sculptent sur marbre danseuses, mercenaires et, avec plus de talent, animaux réels ou fantastiques (musées de Rhaznī et de Kaboul). À partir de la même époque et jusque vers 1275 (?), l’Iran seldjoukide produit, en nombre, des statuettes en stuc, et l’on connaît plusieurs bas-reliefs sur pierre qui semblent provenir de la région de Hamadhān. Au Daguestan, jusqu’à une date sans doute plus récente (1390?), les sculpteurs ornent des plaques et surtout des tympans à deux lobes de personnages et d’animaux admirablement stylisés, mais encore proches des modèles. En haute Mésopotamie (région de Diyarbakir), la sculpture, qui se maintenait gauchement, se trouve revivifiée par l’invasion des Turcs. Ceux-ci introduisent en Anatolie une école féconde dont on garde des centaines d’œuvres, souvent encore en place sur les monuments. Ces sculptures, apparentées à celles d’Arménie et de Géorgie, rayonnent sur la Mésopotamie (porte du Talisman à Bagdad, aujourd’hui disparue) et sur la Syrie (porte aux dragons d’Alep) ; elles influencent peut-être le Mamelouk Baybars (pont du Caire). Au xve s., la sculpture figurative, après avoir donc connu une assez longue époque de prospérité, semble tomber dans l’oubli. On peut négliger les quelques rares œuvres produites par les Ottomans, voire celles des Séfévides ; Il faudra, par contre, accorder plus d’attention à sa résurgence dans l’Inde moghole : mais nous la connaissons encore trop peu.


Peinture

Tout nous incite à croire que la peinture murale, qui fut très en faveur chez les Omeyyades et les ‘Abbāssides, ne disparut pas avec eux, ainsi que le prouvent certains textes, quelques fragments iraniens ou égyptiens, les plafonds de la chapelle Palatine de Palerme, et les découvertes récentes, et d’importance capitale, qui furent faites en Afghānistān, à Lachkari Bāzār (xie s.). Les témoignages restent cependant trop peu nombreux avant l’époque séfévide, qui voit dans les palais d’Ispahan une nouvelle et belle floraison.

C’est détachée de tout lien avec la peinture murale que naît en islām la miniature*, sans doute au xie s. Pratiquée d’abord en Égypte et en Iraq, elle conquiert dans ce dernier pays ses titres de noblesse (école de Bagdad). Plus tard, et malgré la brève éclosion d’une école mamelouke égyptienne, ses centres principaux se fixent en Iran, successivement à Tabriz, Chirāz, Harāt, Boukhara, Tabriz de nouveau, Qazvin et Ispahan. L’influence exercée par l’Iran sur l’école turque semble prépondérante, malgré les emprunts de celle-ci, au xve s., à l’Italie et à l’Asie centrale. Elle l’est plus nettement encore sur l’école indienne des Grands Moghols, fondée par des peintres iraniens attirés à Delhi par Humāyūn. Pourtant, Turcs et Indiens sauront ne pas demeurer esclaves des leçons reçues, les premiers grâce à un sens narratif accentué, les seconds, plus vigoureusement, par l’interrogation des traditions nationales.


Les arts mineurs


Métaux

Les arts du métal, bronze, cuivre, argent, sont parmi les plus anciens de l’islām et parmi les plus constants. Bien que, dès les premiers siècles, les productions se signalent un peu partout par leur qualité (aiguières en bronze du Fayoum, Égypte, viiie s), il semble acquis que les ateliers de l’Iran oriental (Khorāsān) exercent une incontestable suprématie au moins jusqu’au xie s. et peut-être plus tard. Ils ne cesseront leur activité qu’après les invasions mongoles du xiiie s., et il se peut qu’on leur doive (fuite des artisans) la formation de la grande école dite « de Mossoul », illustrée principalement à Damas ou au Caire (bassin d’ibn al-Zayn, Louvre), puis la renaissance iranienne du Fārs (cuivres). À côté de brûle-parfum léontomorphes, les bronziers et les dinandiers produisent des chaudrons, des aiguières, des chandeliers, des coffrets, des bassins, des plateaux abondamment décorés d’épigraphie, d’animaux, de scènes de chasse et de cour. Les personnages sont le plus souvent représentés dans des médaillons par incrustations d’argent ou de cuivre, selon une technique dont on discute l’origine, mais qui remonte peut-être au viiie s. Par réaction contre l’esprit iranisant de cet art, l’Égypte choisit un décor abstrait. Quant à l’Espagne, elle laisse une importante et fort belle série de brûle-parfum et d’aquamaniles zoomorphes (xiie-xiiie s.), aux formes très stylisées et d’une remarquable qualité (lion et paon aquamaniles du Louvre, griffon du campo santo de Pise).


Ivoires

Le travail de l’ivoire est ancien et d’un extrême raffinement, mais semble avoir surtout intéressé les pays musulmans d’Occident, l’Espagne, la Sicile et l’Italie du Sud. Cependant provient d’Égypte une série de plaquettes sculptées sur deux plans dans un style apparenté à celui des bois fāṭimides. De beaux olifants italiens ont un style difficile à identifier, dans lequel on ne sait pas toujours ce qui revient à Byzance ou à l’islām (huchet de Saint-Hubert, musée Crozatier du Puy). Les pièces les plus caractéristiques sont des coffrets cylindriques à couvercle hémisphérique et des boîtes rectangulaires destinés à recevoir bijoux, parfums, onguents. Elles présentent sur toute leur surface un décor ciselé en relief assez fort, à éléments géométriques, et des médaillons polylobés contenant des scènes de chasse ou de cour (pyxide d’al-Murhīra, 968, Louvre). Au xiie s., les coffrets sont revêtus d’une simple décoration au trait noir, rehaussée de dorures, où l’on perçoit l’influence des tissus et des mosaïques.