Irving (Washington) (suite)
Dès 1815, à la fin de la guerre, il part pour l’Europe pour un séjour qui durera dix-sept ans, fréquentant en particulier Walter Scott et Thomas Moore. Brillant causeur, il est reçu partout comme l’« homme de lettres américain ». La faillite de l’entreprise familiale l’oblige à vivre de sa plume. Irving écrit en 1819-20 une suite de récits folkloriques et de notes de voyage, The Sketch Book of Geoffrey Crayon, Gent., dont le morceau le plus célèbre, le seul texte universellement connu en Amérique et qui fait partie du folklore national, est l’histoire de Rip Van Winkle, caractéristique du problème de l’identité américaine.
Rip Van Winkle, colon américain d’origine hollandaise, s’endort avant la guerre de l’Indépendance et se réveille vingt ans plus tard, étranger dans un monde nouveau. Texte ambigu, plein de nostalgie pour l’époque coloniale. Étranger médusé en son propre pays, Rip n’a finalement qu’une seule raison de se réjouir de la guerre de l’Indépendance : pendant son sommeil, sa femme est morte, et il est libéré de sa tyrannie.
Le succès du Sketch Book conduit Irving à publier d’autres récits de la même veine : Bracebridge Hall ; or The Humorists (1822), puis Tales of a Traveller (1824) sur ses séjours en Allemagne, en Italie et à New York. Attaché à l’ambassade américaine à Madrid, Irving compose une biographie de Christophe Colomb (A History of the Life and Voyages of Christopher Columbus, 1828), significative de son intérêt pour les origines de l’Amérique, puis A Chronicle of the Conquest of Granada (1829).
Il rentre en Amérique en 1832. Considéré comme l’« écrivain américain officiel », il voyage dans l’Ouest, descend l’Ohio et le Mississippi, qu’il évoque dans de nouveaux récits de voyage : A Tour on the Prairies (1835), Astoria (1836), The Adventures of Captain Bonneville (1837). Mais il n’y discerne pas les bases d’une inspiration nouvelle, typique de l’Amérique. De même, il ne distingue pas le génie de Poe, de Cooper, de Hawthorne, de Melville. Il écrit une vie de son écrivain anglais préféré, Oliver Goldsmith (1849), et une longue biographie de George Washington (1855-1859).
Classique de tempérament, trop anglicisé, bon styliste, mais formé à la rhétorique classique et à l’esprit des salons européens, Washington Irving est à la fois, paradoxalement, le dernier écrivain de la période coloniale et le premier homme de lettres américain. Sa notoriété peut le faire considérer comme un pionnier de la littérature américaine. Mais sa manière et son inspiration restent anglaises.
J. C.
S. T. Williams, The Life of Washington Irving (New York, 1935, 2 vol.). / Van W. Brooks, Makers and Finders, t. I : The World of Washington Irving (New York, 1951). / E. Wagenknecht, Washington Irving (New York, 1962). / W. L. Hedges, Washington Irving, an American Study, 1802-1832 (Baltimore, 1965).