Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
I

Irving (Washington) (suite)

Dès 1815, à la fin de la guerre, il part pour l’Europe pour un séjour qui durera dix-sept ans, fréquentant en particulier Walter Scott et Thomas Moore. Brillant causeur, il est reçu partout comme l’« homme de lettres américain ». La faillite de l’entreprise familiale l’oblige à vivre de sa plume. Irving écrit en 1819-20 une suite de récits folkloriques et de notes de voyage, The Sketch Book of Geoffrey Crayon, Gent., dont le morceau le plus célèbre, le seul texte universellement connu en Amérique et qui fait partie du folklore national, est l’histoire de Rip Van Winkle, caractéristique du problème de l’identité américaine.

Rip Van Winkle, colon américain d’origine hollandaise, s’endort avant la guerre de l’Indépendance et se réveille vingt ans plus tard, étranger dans un monde nouveau. Texte ambigu, plein de nostalgie pour l’époque coloniale. Étranger médusé en son propre pays, Rip n’a finalement qu’une seule raison de se réjouir de la guerre de l’Indépendance : pendant son sommeil, sa femme est morte, et il est libéré de sa tyrannie.

Le succès du Sketch Book conduit Irving à publier d’autres récits de la même veine : Bracebridge Hall ; or The Humorists (1822), puis Tales of a Traveller (1824) sur ses séjours en Allemagne, en Italie et à New York. Attaché à l’ambassade américaine à Madrid, Irving compose une biographie de Christophe Colomb (A History of the Life and Voyages of Christopher Columbus, 1828), significative de son intérêt pour les origines de l’Amérique, puis A Chronicle of the Conquest of Granada (1829).

Il rentre en Amérique en 1832. Considéré comme l’« écrivain américain officiel », il voyage dans l’Ouest, descend l’Ohio et le Mississippi, qu’il évoque dans de nouveaux récits de voyage : A Tour on the Prairies (1835), Astoria (1836), The Adventures of Captain Bonneville (1837). Mais il n’y discerne pas les bases d’une inspiration nouvelle, typique de l’Amérique. De même, il ne distingue pas le génie de Poe, de Cooper, de Hawthorne, de Melville. Il écrit une vie de son écrivain anglais préféré, Oliver Goldsmith (1849), et une longue biographie de George Washington (1855-1859).

Classique de tempérament, trop anglicisé, bon styliste, mais formé à la rhétorique classique et à l’esprit des salons européens, Washington Irving est à la fois, paradoxalement, le dernier écrivain de la période coloniale et le premier homme de lettres américain. Sa notoriété peut le faire considérer comme un pionnier de la littérature américaine. Mais sa manière et son inspiration restent anglaises.

J. C.

 S. T. Williams, The Life of Washington Irving (New York, 1935, 2 vol.). / Van W. Brooks, Makers and Finders, t. I : The World of Washington Irving (New York, 1951). / E. Wagenknecht, Washington Irving (New York, 1962). / W. L. Hedges, Washington Irving, an American Study, 1802-1832 (Baltimore, 1965).

Isabelle Ire la Catholique

(Madrigal de las Altas Torres 1451 - Medina del Campo 1504), reine de Castille de 1474 à 1504.


Fille de Jean II de Castille et d’Isabelle de Portugal sa seconde épouse, Isabelle vit longtemps dans la pieuse retraite d’un couvent d’Ávila et n’en sort qu’après la mort de son frère Alfonso, en juillet 1468. Le 19 septembre suivant, elle signe avec son autre frère, Henri IV de Trastamare, le traité de Guisando, par lequel ce dernier souverain la reconnaît héritière de la couronne de Castille au détriment de sa propre fille Jeanne (1462-1530), ignominieusement surnommée la Beltraneja par les partisans du marquis de Villena, qui attribuent sa paternité au favori du roi, Beltrán de la Cueva. Ne pouvant être mariée contre sa volonté, mais n’ayant pas le droit de prendre époux sans l’aveu du roi en vertu de ce traité, elle décide pourtant, à l’instigation de l’archevêque de Tolède et de Jean II d’Aragon, de s’unir à l’héritier de la couronne aragonaise, le prince Ferdinand, à Valladolid le 19 octobre 1469. Villena, déçu dans ses ambitions paternelles, se rapproche alors des Mendoza, parents par alliance de Beltrán de la Cueva ; en même temps, il incite Henri IV à reconnaître en 1470 la légitimité de Jeanne la Beltraneja et à la fiancer à son tour à Charles de Guyenne, frère de Louis XI, qui redoute pour son royaume les conséquences de la fatale union aragono-castillane.

Mais, rétablie dans ses droits par Henri IV lors de l’entrevue de Ségovie en décembre 1473, Isabelle lui succède le 11 décembre 1474 et se fait aussitôt couronner reine de Castille dans cette même ville.

Ferdinand d’Aragon émet aussitôt la prétention de recueillir seul l’héritage castillan, mais l’archevêque de Tolède, Alfonso Carrillo, et le cardinal d’Espagne, Pedro González de Mendoza, imposent un compromis en vertu duquel les lettres royales, la monnaie et les sceaux porteront double signature, double effigie ou écartèlement des armes des deux royaumes, la justice appartenant conjointement aux deux époux ou à celui des deux qui est seul présent en Castille, tandis que l’Administration reste le domaine propre de la reine.

Jaloux des faveurs accordées par la souveraine au cardinal d’Espagne, l’archevêque de Tolède rejoint alors le parti de la Beltraneja, que son oncle et tuteur, Alphonse V de Portugal, veut épouser pour régner aussi en Castille. Malgré son appui, malgré celui que leur accorde de nouveau Louis XI par le traité du 8 septembre 1475, les adversaires d’Isabelle sont finalement vaincus à Toro en mars 1476 par Ferdinand d’Aragon, qui bénéficie par ailleurs de la défection de Louis XI, obtenue par Jean II d’Aragon au prix de la cession du Roussillon. Accordant aux Grands leur pardon par la paix de Madrigal en avril 1476, Isabelle entreprend de pacifier l’Andalousie, tandis que Ferdinand rétablit l’ordre dans la région de Zamora, avant de remporter une ultime victoire sur les partisans de la Beltraneja dans la plaine d’Albuera le 24 février 1479. La reine de Castille, dont le pouvoir est consolidé par ailleurs par la naissance d’Isabelle en 1470, puis par celle du prince héritier Jean en 1478, contraint ses compétiteurs à renoncer à leur prétention à la couronne de Castille par le traité d’Alcáçovas du 9 septembre 1479.

Roi d’Aragon depuis le 19 janvier précédent, Ferdinand II* joue désormais un rôle prépondérant dans la réorganisation institutionnelle du royaume de Castille.