Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
I

Irlande (suite)

L’Irlande du Nord


Le pays, sa formation et ses institutions

L’Irlande du Nord comprend 6 comtés de la province d’Ulster qui restèrent fidèles à la couronne britannique lorsqu’en 1921 (traité de Londres) les 26 comtés du Sud quittèrent le Royaume-Uni et s’érigèrent en une République libre d’Irlande.

Les 6 comtés forment la partie de beaucoup la plus riche, la plus développée, la plus urbanisée, la plus densément peuplée de l’île. Leur superficie totale, à peine 14 000 km2, ne représente guère que le sixième de la superficie de l’île, mais abrite 1 500 000 habitants, le tiers de la population totale de celle-ci.

Ces avantages ne peuvent s’expliquer par les caractères physiques de la région. La moitié de l’Irlande du Nord est composée de massifs anciens comme les monts Sperrin (point culminant, 672 m), les monts de Armagh, les monts Mourne (850 m) et des plateaux basaltiques d’Antrim (altitude maximale, 500 m). Ces hauteurs venteuses, fraîches et humides (plus de 1 200 mm de pluies par an), couvertes de landes, de tourbières et de plantations de conifères, sont presque désertes. De plus, une bonne partie des plaines (pourtour du lough Neagh, vallées du Lagan, du Blackwater, de la Bann, du Foyle, du Erne) sont encombrées de collines morainiques (drumlins) peu fertiles et de creux marécageux.

Les privilèges de l’Irlande du Nord s’expliquent surtout par les circonstances historiques. Les rois d’Angleterre et le régime républicain de Cromwell au xviie s. y encouragèrent l’implantation de colons protestants, anglais et écossais, qui devaient tenir en respect la masse indigène restée fidèle au catholicisme. Ces nouveaux venus, plus riches, plus instruits, plus audacieux que les ruraux catholiques, lancèrent les premières entreprises industrielles et commerciales. De l’Écosse toute proche (un détroit large de 20 km sépare l’Irlande de la péninsule de Kintyre) arrivèrent aussi des métallurgistes au xixe s. : c’est à eux que l’on doit la création des chantiers navals de Belfast. Enfin, le gouvernement de Londres s’est fait un devoir, depuis la partition, d’aider cette province éloignée qui fait toujours partie du Royaume-Uni.

Ces avantages relatifs ne doivent pas masquer le fait que l’Irlande du Nord est nettement moins prospère que le reste du Royaume-Uni ; le taux de chômage y est constamment le double (ou plus) du taux moyen national ; le niveau de vie moyen, bien que plus élevé que dans la république voisine, est inférieur à celui de la Grande-Bretagne. Et surtout, les tensions socio-politiques entre la majorité protestante et la minorité catholique mettent en danger l’existence même de l’Irlande du Nord.

L’Irlande du Nord a un gouvernement régional depuis la partition ; c’est la seule région du royaume qui soit dans ce cas. Un gouverneur représente le souverain britannique. Le Parlement local se compose de deux chambres : une Chambre des communes (52 membres), élue par le peuple, et un Sénat (24 membres), qui comprend les maires des deux principales villes (Belfast et Londonderry) et des personnalités élues par les communes ; ce Parlement vote les lois et le budget régionaux. Le gouvernement réside dans le beau palais de Stormont, construit aux frais du royaume. Huit ministres (le Premier ministre et les ministres de l’Agriculture, du Travail, du Commerce, des Finances, de l’Éducation, de la Santé et de l’Intérieur) dirigent les affaires régionales.

L’Irlande du Nord a en outre une députation (12 membres) au Parlement « impérial » de Londres. Cette députation est choisie selon une procédure assez complexe : le suffrage est universel, mais, pour éviter les doubles votes, il est fonction du lieu de travail. Les chômeurs ne votent donc pas et, comme il y a beaucoup plus de catholiques que de protestants parmi ces derniers, la communauté catholique est sous-représentée à Westminster. Le gouvernement britannique garde la charge des Douanes, des Affaires étrangères, de la Défense, du Fisc et de la Poste. Ce partage des attributions politiques entre Londres et Belfast, accepté par la communauté protestante, se heurte à la méfiance ou à l’hostilité de la communauté catholique.


La population

L’hostilité entre catholiques et protestants est entretenue par l’inégalité sociale et politique des deux communautés. Les protestants constituent 63 p. 100 du total de la population, mais se subdivisent en plusieurs groupes : presbytériens d’origine écossaise (28 p. 100), anglicans (24 p. 100), méthodistes (5 p. 100) d’origine anglaise et une centaine d’autres dénominations protestantes (6 p. 100). Tous ces groupes protestants font bloc contre les catholiques (35 p. 100 de la population). Les protestants se rassemblent à Belfast et dans les deux comtés de Down et Antrim, c’est-à-dire dans le tiers oriental de la région située à proximité de la Grande-Bretagne, alors que les catholiques ont la majorité numérique dans les comtés ruraux de l’Ouest et dans certains quartiers de Belfast.

Le statut social des protestants est en moyenne supérieur à celui des catholiques. La direction des entreprises industrielles et commerciales, les hauts postes administratifs sont en général détenus par les premiers. La proportion des enfants catholiques dans les effectifs scolaires diminue à mesure que leur âge augmente (42 p. 100 dans l’enseignement primaire, 27 p. 100 dans le secondaire, 22 p. 100 dans le supérieur), car beaucoup abandonnent leurs études faute de moyens financiers.

Le taux de natalité des catholiques dépasse sensiblement celui des protestants, et le taux de mortalité des deux communautés est à peu près le même, 10 p. 1 000. La proportion des catholiques devrait donc augmenter par simple accroissement naturel ; pourtant, elle se tient toujours aux environs de 35 p. 100 depuis un demi-siècle. Cette stabilité tient au fait que les catholiques, plus pauvres, plus chargés de famille, moins citadins, sont davantage touchés par l’émigration que les protestants. La moitié des émigrants sont des catholiques : ils se dirigent surtout vers la Grande-Bretagne, les États-Unis et le Canada.