Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
I

Irlande (suite)

Le gouvernement de coalition, pour prendre de vitesse De Valera, modifia la Constitution : le 21 décembre 1948, l’Éire devenait la république d’Irlande et cessait de faire partie du Commonwealth (où elle ne jouait plus aucun rôle depuis 1937). Le gouvernement Attlee s’inclina, mais, devant l’inquiétude des protestants d’Irlande du Nord, Londres signifia que l’Irlande du Nord faisait toujours partie du Royaume-Uni, et que seul le Parlement de Belfast aurait à décider du sort de l’Ulster. Cette déclaration était un coup très dur pour l’Irlande, qui avait toujours tenu à assimiler le ressort du Parlement de Dublin à l’ensemble de l’Irlande.

Les relations anglo-irlandaises devinrent fort mauvaises, sans que cela renforçât la cohésion du gouvernement : lorsque le ministre de la Santé publique, Noel Browne, présenta un projet d’organisation de la santé publique et de la sécurité sociale qui parut à la hiérarchie catholique une menace pour le monopole de fait dont elle jouissait dans ce domaine, Costello préféra céder aux évêques. Browne démissionna, et le gouvernement tomba (1951).

De 1951 à 1973, le Fianna Fáil eut le pouvoir, si l’on excepte une courte interruption de 1954 à 1957. Tour à tour, De Valera (1951-1954 et 1957-1959), Sean Lemass (1959-1966), puis John Lynch (1966-1973) dirigèrent le gouvernement. Ils réussirent à faire sortir l’Irlande de son isolement en restaurant de meilleures relations avec la Grande-Bretagne, en entrant à l’O. N. U. (1955), puis dans le Marché commun (1972-73), mais ils s’appliquèrent aussi à redonner à l’Irlande le dynamisme économique qu’elle possédait après la Première Guerre mondiale. Les programmes d’expansion économique lancés en 1958 et en 1964 y contribuèrent puissamment, de grands efforts étant faits pour attirer en Irlande les capitaux étrangers et permettre l’industrialisation rapide du pays.

Mais depuis 1969 se pose de nouveau avec acuité la question de l’Ulster. Le gouvernement irlandais se trouve devant une situation difficile : car s’il est loin d’approuver les actions de l’IRA, dont il a fait arrêter les leaders de l’aile extrémiste en mai 1972, il n’en est pas moins prêt à soutenir les revendications des catholiques de l’Irlande du Nord et à plaider la cause de l’unité de l’Irlande.

Aux élections du 28 février 1973, la coalition des partis de l’opposition (Fine Gael et parti travailliste) l’a emporté sur le Fianna Fáil, et Liam Cosgrave (fils de W. T. Cosgrave et chef du Fine Gael) a formé en mars un gouvernement de membres du Fine Gael et de travaillistes. Mais, en juin 1973, c’est le candidat du Fianna Fáil, Erskine Childers, qui a succédé à Eamon De Valera à la tête de l’État.

J.-P. G.

 D. Gwynn, The Irish Free State, 1922-1927 (Londres et New York, 1928). / D. MacArdle, The Irish Republic (Dublin, 1946). / E. Curtis, A History of Ireland (Londres, 1950 ; 10e éd., 1965). / E. de Valera, Ireland’s State (Dublin, 1951). / B. Inglis, The Story of Ireland (Londres, 1956). / C. Woodham-Smith, The Great Hunger Ireland (New York, 1962 ; trad. fr. la Grande Famine d’Irlande, 1845-1849, Plon, 1965). / R. B. McDowell, The Irish Administration, 1801-1914 (Londres, 1964). / J. C. Beckett, The Making of Modern Ireland (Londres, 1966). / C. Chaline, le Royaume-Uni et la république d’Irlande (P. U. F., coll. « Magellan », 1966). / T. P. Coogan, Ireland since the Rising (Londres, 1966). / T. W. Moody et F. X. Martin (sous la dir. de), The Course of Irish History (Cork, 1967). / D. Fennell, The Changing Face of Catholic Ireland (Londres, 1968). / G. Langrod et M. Clifford-Vaughan, l’Irlande (L. G. D. J., 1968). / R. Fréchet, Histoire de l’Irlande (P. U. F., coll. « Que sais-je », 1970). / J. Guiffan, J. Verrière et P. Rafroidi, l’Irlande, t. I : Milieu et histoire (A. Colin, coll. « U 2 », 1970).


L’économie de la république d’Irlande


L’agriculture

Phénomène rare en Europe occidentale, elle fournit encore davantage d’emplois que l’industrie. Pourtant, les conditions naturelles ne la favorisent guère : 30 p. 100 de la superficie totale sont incultes (tourbières, marécages, crêtes montagneuses raclées par les glaciers, plateaux karstiques). Le reste souffre d’une pluviosité surabondante qui lessive les sols et d’étés trop frais pour une bonne maturation des céréales. Aussi, la « verte Erin » est-elle le domaine de l’herbe ; la prairie permanente ou temporaire couvre 85 p. 100 de la surface agricole utile.

L’élevage est la principale activité agricole et revêt des formes variées. L’élevage des ovins domine en montagne et sur les plateaux calcaires secs. L’élevage naisseur des bovins est répandu dans la province de Connacht (ou Connaught) [le quart nord-ouest de l’île], la plus éloignée des grands marchés. L’élevage laitier dans le Munster (la partie sud-ouest de l’île) est souvent organisé en coopératives qui se chargent de transformer le lait en poudre, en beurre, en fromage, en lait condensé, etc. Cet élevage est souvent associé à celui du porc à bacon. L’élevage bovin d’embouche est pratiqué dans l’arrière-pays de Dublin, à partir de bovins nés sur place ou achetés dans l’Ouest. L’effectif total du troupeau est très élevé, compte tenu des dimensions du pays : 4 500 000 bovins, 4 500 000 ovins, 1 million de porcs.

Les cultures n’ont d’importance que dans la province de Leinster (au sud-est du pays), relativement sèche et ensoleillée. On y produit le blé, l’orge, la pomme de terre, les racines fourragères. On cultive la betterave à sucre autour des quatre sucreries nationalisées de Carlow, Thurles, Mallow et Tuam.

La structure agraire résulte des efforts accomplis depuis 1891, d’abord par le gouvernement de Londres, puis par celui de la République pour faire accéder les petits paysans à la propriété de leur exploitation. De nos jours, 80 p. 100 des exploitations sont en faire-valoir direct ; le fermage se maintient sur les grandes exploitations d’embouche du Centre-Est. La dimension des exploitations est trop faible, surtout dans l’Ouest, pour assurer aux familles rurales autre chose qu’un niveau de vie de subsistance ; la moitié ont moins de 12 ha ; 40 p. 100, de 12 à 40 ha ; 10 p. 100 seulement ont plus de 40 ha. Des regroupements s’imposent, ainsi que la création d’emplois industriels et tertiaires pour absorber l’excédent de population rurale.