Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
I

Iraq (suite)

La période ottomane

Les Turcs Ottomans occupent Bagdad en 1534, assurant leur domination sur la Mésopotamie jusqu’au début du xxe s. Toutefois, l’établissement des Ottomans sur les rives du Tigre et de l’Euphrate n’est pas chose facile. Outre la lutte menée contre les Persans pour la possession de l’Iraq, les Ottomans ne peuvent conserver ce pays qu’en reconnaissant une certaine autonomie aux gouverneurs de Bagdad. Et, pour mieux le contrôler, ils le divisent en cinq circonscriptions administratives (Mossoul, Bagdad, Bassora, Chahrizor et al-Ḥasā), dirigées chacune par un gouverneur. Aux xviie et xviiie s., ces gouverneurs, appuyés par les troupes en garnison dans les villes, se dégagent quelque peu de l’emprise du pouvoir central ottoman à la faveur de son affaiblissement. Le gouverneur de Bassora va même jusqu’à acheter vers 1612 sa charge, qui devient héréditaire dans sa propre lignée jusqu’en 1668. Celui de Bagdad, porté au pouvoir par la garnison, conclut, pour renforcer sa position, un traité avec le souverain iranien ‘Abbās Ier. Il favorise ainsi la domination en 1623, par les Persans, de sa ville et de tout l’Iraq central. Les Ottomans ne rétablissent leur situation dans l’ancienne capitale ‘abbāsside qu’en 1638. Mais leur position reste encore faible en Iraq, étant donné l’agitation et l’indiscipline des troupes de la garnison de Bagdad. Il faut attendre Hasan paşa Eyüplü et son fils Ahmed paşa, qui assurent successivement le gouvernement de Bagdad de 1704 à 1747, pour assister au rétablissement de la souveraineté ottomane en Mésopotamie. D’origine géorgienne, ces derniers administrent leur province avec l’aide des mamelouks géorgiens. Leur autorité dépasse le cadre de leur circonscription pour atteindre celle de Bassora. Après 1724, le rôle joué par Ahmed paşa dans les diverses campagnes menées contre les Persans lui vaut une certaine autonomie vis-à-vis du Sultan ottoman. Cette conjoncture profite également à la famille Djalīlī, qui constitue à Mossoul une véritable dynastie de gouverneurs. Cependant, les Persans parviennent à assiéger Bagdad et Mossoul, respectivement en 1734 et en 1743. Ahmed maintient néanmoins sa domination sur l’ancienne capitale ‘abbāsside, et un accord est même conclu avec les Persans en 1746. À sa mort, en 1747, Bagdad reste, malgré le Sultan ottoman, sous la domination des mamelouks. Ceux-ci entrent de nouveau en lutte contre les Persans, qui leur enlèvent Bassora en 1776. Les mamelouks récupèrent cette ville en 1779 et étendent même, sous le règne de Büyük Süleyman paşa (1780-1802), leur autorité sur Chahrizor. Mais, dès la fin de xviiie s., ils se heurtent aux Wahhābites, qui, à partir de la péninsule Arabique, visent l’occupation de l’Iraq. Les attaques des Wahhābites vont jusqu’au sac de Karbalā’, mais le régime des mamelouks n’est pas pour autant abattu. Ce n’est qu’en 1831 que le sultan Mahmud II met un terme à leur domination en Iraq, qui passe de nouveau sous l’autorité directe des Ottomans.

L’Iraq entre alors dans une nouvelle phase historique, marquée par des réformes de type occidental et une progression de la pénétration européenne. Midhat paşa, gouverneur ottoman de 1869 à 1872, applique à l’Iraq la loi des vilāyets et la loi foncière, réformes à caractère occidental destinées à moderniser les structures administratives de l’empire, à étendre et à consolider la propriété privée. La première permet l’établissement d’une administration provinciale de type européen, et la seconde favorise la transformation des terres collectives en propriétés individuelles. La modernisation touche également en Iraq les moyens de communication. Pour développer les relations avec l’Inde, on améliore la route de l’Euphrate et on introduit en Mésopotamie le transport fluvial moderne. En 1861, on inaugure les communications télégraphiques entre Bagdad et Istanbul. Les Ottomans établissent même des projets de construction de voies ferrées. Mais ils ne réalisent en Iraq que la petite ligne Bagdad-Sāmarrā. Il est vrai que la Grande-Bretagne, soucieuse de la sécurité de son immense colonie des Indes, s’oppose à la construction, avec l’aide de l’Allemagne, d’un chemin de fer entre l’Anatolie et le golfe arabo-persique.


La pénétration britannique

L’Iraq est en effet trop près de l’Inde pour laisser indifférents les Britanniques. Dès la fin du xviiie s., ceux-ci commencent à s’intéresser au golfe arabo-persique, qui représente pour la Grande-Bretagne un intérêt stratégique, économique et politique. C’est ainsi que, en 1763, Bassora devient un centre de commerce britannique et le siège d’une agence de la Compagnie des Indes orientales. Si l’Angleterre néglige d’abord Bagdad, assez loin du golfe, elle installe un résident permanent dans cette ville en 1798 à la suite de l’expédition de Bonaparte en Égypte.

Cependant, sa position en Iraq est encore faible lors de la déclaration de la Première Guerre mondiale. L’intérêt stratégique que présente alors ce pays détermine les Anglais à l’enlever à leurs adversaires ottomans. Ils occupent Bassora en 1914, Bagdad en 1917, mais se heurtent à la résistance de Mossoul, qui se prolonge jusqu’à la fin de la guerre et la défaite de l’Empire ottoman. La phase ottomane est alors achevée, et l’Iraq passe à la fin de 1918 sous la domination de la Grande-Bretagne. Celle-ci renforce sa position, en obtenant en 1920 de la Société des Nations un mandat sur ce pays.


Le mandat britannique

L’occupation britannique va exacerber le sentiment national irakien. Déjà au début du xxe s., des nationalistes irakiens avaient entrepris, assez timidement il est vrai, de secouer le joug des Ottomans, et la Grande-Bretagne avait exploité, pendant la Première Guerre mondiale, le nationalisme arabe contre les Turcs. Les Britanniques se présentaient alors comme les libérateurs des Arabes et promettaient même la constitution, après la guerre, d’un État arabe indépendant. Ces promesses et les principes wilsoniens sur la liberté des peuples à disposer d’eux-mêmes renforcèrent le nationalisme irakien, qui préconisa l’indépendance totale du pays. Mais l’établissement du mandat britannique avait trahi ces espoirs.