Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
I

Iran (suite)

C’est à l’époque seldjoukide (v. Turquie), ou guère avant, qu’ont été construits les plus anciens monuments que nous connaissons bien. Déjà se fixent quelques-uns des caractères fondamentaux de l’art islamique iranien. Farouches défenseurs de l’orthodoxie, les Seldjoukides ont multiplié les madrasa (universités). Le plan qu’ils adoptent aussitôt pour ces édifices n’est autre que celui de la maison du Khorāsān, plan ayant déjà servi dans les palais rhaznévides (v. Afghānistān) : quatre iwāns, salles voûtées monumentales non closes d’un côté, se répartissent en croix sur les portiques de la cour centrale (Nichāpur, Tus). Cette formule connaît un tel succès qu’elle est sur-le-champ reprise pour les mosquées, presque sans changement. Celle de Golpāyegān (v. 1115), à haut tambour octogonal, calotte aplatie, et conservant le plus ancien miḥrāb d’Iran, celles de Zavvarè (1135-36) ou d’Ardestān (v. 1160), celle même d’Ispahan, la plus grandiose de la série, longtemps en chantier ou plusieurs fois remaniée, présentent moins d’importance pour l’histoire que celle de Neyriz (1164-65), venue d’un seul jet. Tous ces sanctuaires sont alors flanqués d’un nouveau type de minaret fait d’un fût cylindrique, sur base octogonale, terminé par un pavillon ouvert. Au xiiie s., le minaret, dont la masse s’est amincie de la base au sommet et dont le décor a évolué (galeries avec encorbellement de stalactites, effet chromatique obtenu par des frises épigraphiques en émail turquoise), va s’accoler en double exemplaire au-dessus du portail ou derrière l’iwān principal. L’art funéraire en même temps se développe suivant deux schémas directeurs différents. Certains mausolées continuent la tradition inaugurée à Bukhārā (Boukhara, Ouzbékistan) pour le tombeau sāmānide d’Ismā‘īl (xe s.). Ce sont de simples salles sous coupole portée par quatre piliers d’angles, plus vraisemblablement dérivées du tchahār-tāk (temple du feu) que de la yourte d’Asie centrale (tombe d’al-Rhazālī à Tus, v. 1111). D’autres, plus originaux, se présentent comme de hautes tours circulaires ou étoilées dont la couverture en coupole est masquée par un toit conique. On les a dits d’invention turque, bien que quelques-uns soient antérieurs aux invasions seldjoukides. Du moins, le plus grand nombre a-t-il été construit postérieurement à eux (Gombad-e Qābus dans le Gorgān en 1006, Gombad-e Pir ‘Alamdār à Dāmrhān en 1026, tombe de Mu’mina Khātun à Nakhitchevan [auj. en U. R. S. S.], en 1186).

Sous les dominations mongole et tīmūride, l’architecture fut sans doute très brillante en Iran, mais nous pouvons mal en juger. Le goût pour la fantaisie, qu’attestent les minarets plus élancés, les arcs brisés en carène, l’emploi de plus en plus généralisé des stalactites, se marie à celui du massif et du monumental (murailles de Tabriz). Du xive s., il ne reste qu’un nombre réduit d’œuvres : le tombeau d’Uldjāytū à Soltāniyè (1309), en très mauvais état de conservation, demeure, par la hardiesse de ses proportions, l’élégance de sa silhouette et sa brillante parure de céramique, une très heureuse réussite. La Grande Mosquée de Varāmin (1322), celle de Yeẓd (1375-1442) suivent le plan désormais accepté : cour à quatre iwāns dont celui du fond, le plus vaste, constitue l’entrée de l’oratoire, large salle à coupole encadrée de galeries couvertes en berceau. Au xve s., c’est hors des frontières actuelles de l’Iran qu’il faut chercher les chefs-d’œuvre de la renaissance tīmūride (Samarkand : tombe de Tīmūr Lang [Tamerlan], dite Gur-e Mir, 1405 ; Chāh-e Zendè). Cependant, en Iran proprement dit, le monument le plus personnel (absence de cour, particularités du plan) est la Mosquée bleue de Tabriz (1468), très délabrée, qui doit son nom à sa magnifique robe de céramique. Le plus prestigieux est la mosquée de Gohar Chādh (Djowhar Chādh) dans la ville sainte de Mechhed (1418), toute revêtue de faïences, dont la salle de prière porte une vaste coupole bulbeuse.

Ni la renaissance tīmūride ni la renaissance séfévide qui va lui succéder n’amènent, dans les formes et dans le décor, de véritable renouvellement. La Grande Mosquée de Sāvè ne nous apporte rien que nous ne connaissions déjà. Les mausolées élevés dans les mêmes temps à Soltāniyè, Chirāz ou Nichāpur ne modifient que par des détails les types traditionnels. Les grandioses constructions de Chāh ‘Abbās* à Ispahan* font sans doute atteindre à l’architecture une grande perfection, mais elles valent surtout par leur incomparable décor de céramiques et de peintures. La seule innovation réelle est le souci d’urbanisme qui inspire leur ordonnateur : les palais de ‘Alī Qāpu, de Tchehel Sutūn (des « Quarante Colonnes »), de Hicht Bihicht, les trois grands ponts, le bel agencement de la place Royale (Meydān-e Chāh), la grande avenue de Tchahār Bārh, les mosquées du Chāh et du Cheykh Lotfollāh (début du xviie s), plus tard la madrasa et le caravansérail Mādar-e Chāh (1710) constituent le plus prestigieux ensemble que le monde musulman nous ait légué.


La céramique

Tous les pays musulmans ont certes connu de grands et brillants ateliers de céramistes, mais c’est sans nul doute de l’Iran que proviennent les plus anciens objets ; c’est l’Iran qui a créé au cours des siècles, dans les techniques les plus variées, les pièces les plus belles. Le site archaïque de Suse ne laisse voir aucune solution de continuité avec les périodes antérieures et dévoile des rapports étroits avec l’Iraq et le Khorāsān. Aux xe et xie s., Nichāpur et Samarkand (aujourd’hui en U. R. S. S.) ont une importante production (souvent avec épigraphie) où l’on décèle l’influence de la Chine des Tang (T’ang) ; mais, à la même époque, les céramiques gabri et amol présentent d’autres modèles. Sous les Seldjoukides, l’art atteint sa plus complète maîtrise et le total raffinement dans les ateliers de Rey (Rayy), de Kāchān, de Sāvè, etc. L’influence chinoise y est de nouveau perceptible dans une série de pièces blanches d’une pâte fine ou dans celles à décor ajouré. Le goût pour les représentations figuratives s’accentue : animaux, personnages évoluent sur un fond de feuillages encadré souvent de bandeaux écrits. Les pièces minā’i, faites au petit feu, selon une technique inconnue en Europe avant le xviiie s., se rapprochent par leurs motifs de la miniature.