Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
I

Iran (suite)

Le renouveau politique de l’Iran et le triomphe des langues aryennes (xive-viie s.)

Nos sources historiques (d’origine assyrienne) ne connaissent guère que la bordure occidentale de l’Iran. Or, les trouvailles archéologiques pour cette période se limitent pratiquement au nord-ouest du bloc iranien. Il faut donc partir de la situation constatée à des époques plus tardives et en particulier au temps de l’Empire achéménide (vie-ive s.) pour reconstituer l’évolution de l’ensemble de l’Iran au moment de l’arrivée des porteurs de la poterie grise. La rareté des vestiges dans l’est et le sud de l’ensemble iranien laisse supposer de longues migrations de groupes pastoraux qui vont repeupler le pays. Il en résulte pour l’Iran tout entier un nouvel équilibre économique : il comporte désormais plus d’éleveurs itinérants que de cultivateurs, mais le nombre de ces derniers a également augmenté avec les progrès de l’irrigation, qui utilise maintenant la technique du qanāt (galerie souterraine recueillant les eaux qui se sont infiltrées dans les régions hautes et seront utilisées plus bas).

Le nord-ouest de l’Iran offre, depuis la fin du IIe millénaire, un tableau plus complexe où l’on remarque d’abord les innovations. Cette région est la première de l’Asie occidentale, sinon de l’ensemble du monde, à connaître un large emploi du cheval de selle, et la société y est dominée par une aristocratie guerrière de cavaliers. Des forteresses, des palais et des bourgades également fortifiés contrôlent les campagnes. La poterie peinte a généralement cédé la place à la poterie grise, qui lui est supérieure par l’élégance des formes. D’innombrables bronzes, dont les plus célèbres sont ceux du Luristān (style typique, xiie-viie s.), et des vases d’or et d’argent attestent une richesse qui doit reposer, comme aux millénaires précédents, sur l’exploitation des mines locales et sur le commerce des matières premières rares, mais qui semble avoir retrouvé le haut niveau atteint deux mille ans plus tôt.

Innovations et progrès ne doivent pas cacher la persistance des traditions régionales : le décor des plaques votives et des vases illustre une mythologie où le bouquetin, le cerf, le serpent, les signes du zodiaque continuent à jouer un rôle important ; et, lorsque l’on croit y reconnaître l’apparition de divinités aryennes de l’époque achéménide, on n’est jamais sûr que ce soit des figures tout à fait nouvelles dans le panthéon de l’Iran. Cette continuité relative s’explique par le fait que les nouveaux venus, dont l’origine et l’identité nous échappent à peu près totalement, ont, à leur arrivée dans l’ouest de l’Iran, du fait de leur genre de vie errant, un certain retard sur les indigènes, qui sont, depuis des millénaires, en contact avec les grandes civilisations de la Mésopotamie et de la Susiane. Aussi n’ont-ils guère marqué les arts locaux de cette période que par la vitalité nouvelle qui résulte de l’accroissement de la population et du renforcement de la hiérarchie sociale. Que ce soit l’art d’Amlash ou de Marlik (« tombes royales » du Gilān, sur le littoral sud-ouest de la Caspienne) ou celui du Luristān, les trouvailles de Hasanlu (ville située au sud du lac de Rezāyè et détruite vers 800) ou de la tombe de Ziwiyé (un peu plus au sud), partout c’est un mélange de thèmes de la tradition locale et d’éléments mésopotamiens réinterprétés par les indigènes ; et là-dessus, à partir du ixe s., se font sentir les influences artistiques des grands États voisins, l’Assyrie et l’Ourarthou.

L’invasion dans le nord-ouest de l’Iran s’est donc accompagnée, pendant des siècles, d’une assimilation des différents groupes d’envahisseurs par les indigènes ; mais finalement, comme le montre la progression des noms aryens mentionnés par les Assyriens du ixe au viie s., l’élément aryen l’emporte sur le plan linguistique, favorisé sans doute par la plus grande simplicité de structure des langues indo-européennes, qui éliminent leurs rivales plus anciennes. Et les derniers envahisseurs de la période, les cavaliers cimmériens et scythes, qui sont arrivés de la steppe Pontique à partir de la fin du viiie s., sont expulsés ou se fondent dans la masse aryenne dès que celle-ci, vers la fin du viie s., rejette leur domination.


L’Iran convoité par les impérialismes (ixe-viie s.)

La richesse renouvelée de cette région attire d’abord les troupes de l’Assyrie*, dès que cet État a retrouvé son équilibre et arrêté l’invasion araméenne (fin du xe s.). Les Assyriens ne se contentent plus de piller les agglomérations ou de terroriser les éleveurs de la montagne ; ils occupent des districts du Zagros et y fondent des forteresses. En 843, l’armée assyrienne rencontre pour la première fois des Aryens dans cette région : ceux du pays de Parsoua (Perses), au sud-ouest du lac de Rezāyè, et le peuple des Madaï (Mèdes), qui occupe tout le centre du Zagros. Peu après (817), les scribes mentionnent plus au sud le pays de Parsoumash (dans l’Elam montagneux, à l’est de Suse) ; les Perses sont sans doute en train de se déplacer, et le Parsoua du lac de Rezāyè n’est bientôt plus qu’un nom, qui disparaît après le viiie s. Bientôt, les Assyriens multiplient leurs expéditions chez les Madaï à un point tel que l’on pense qu’il s’agit simplement de razzias de chevaux pour la remonte de leur cavalerie.

À la fin du ixe s., profitant de la crise interne qui affaiblit l’Assyrie, les rois de l’Ourarthou (État qui a son centre dans la cuvette du lac de Van) imposent leur domination aux petits royaumes riverains du lac de Rezāyè, dont le plus important est celui des Mannéens, des indigènes préaryens installés au sud-est du lac. Mais, dans la seconde moitié du viiie s., les Assyriens reparaissent en force et refoulent les Ourarthéens ; les fidèles d’Assour réduisent le Parsoua en province assyrienne et dominent le royaume des Mannéens ; leurs armées atteignent la région d’Ecbatane (la future capitale des Mèdes), et leurs rois reçoivent les tributs des fractions de ce peuple, y compris les voisins du mont Bikni (sans doute le Demāvend, au nord-est de Téhéran). Au viie s. encore, Assourahiddin (Assarhaddon) [680-669] envoie ses troupes chez les Mèdes jusqu’aux abords de la cuvette centrale de l’Iran, mais déjà les Cimmériens et les Scythes sont apparus en pays mannéen et menacent les forteresses assyriennes dont la réputation est grande.