Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
I

Iran (suite)

Si c’est sans doute la ville d’Ourouk, en Sumer, qui invente, pour la gestion économique du domaine de sa divinité, le sceau de forme cylindrique (v. 3600), puis les chiffres et l’écriture, Suse ne tarde pas à adopter ces innovations (à partir de 3300) en leur imprimant sa marque : sa glyptique est originale par sa décoration, et son écriture (appelée protoélamite) diffère de celle de la basse Mésopotamie. Certaines de ces techniques se répandent dans le pays dont Suse fait partie et qui a la même langue et la même culture, l’Elam*, qui sera toujours son originalité entre la Mésopotamie et l’Iran. Au-delà de cet Elam qui comprend, outre le bassin de la Susiane, le demi-cercle de montagnes qui le borde à l’est et qui peut couvrir 300 000 km2 dans le sud-ouest de l’Iran et s’étendre jusqu’à 600 km à vol d’oiseau de Suse, les relations commerciales de la grande cité élamite assurent, comme le montrent des découvertes toutes récentes, la même diffusion : le cylindre, les chiffres et l’écriture protoélamites sont utilisés, dès avant la fin du IVe millénaire, à Tepe Sivalk (ou Sialk) [près de Kāchān], à la limite du désert central, et à Tepe Yahyā (entre Kermān et le détroit d’Ormuz), situées respectivement à 375 km et à 900 km à vol d’oiseau de Suse.

L’influence élamite et l’activité des communautés de l’intérieur de l’Iran aboutissent à la formation d’agglomérations importantes, sinon de villes, sur les grands itinéraires qui contournent le désert central et le désert de Lut, et il se forme dans la moitié sud-est de l’ensemble iranien une civilisation locale qui influe à son tour sur celle des villages du Baloutchistan pakistanais.


Le commerce, les guerres et les migrations (v. 3000-1400)

Un autre produit de valeur s’ajoute alors à ceux qui sont déjà fournis par l’Iran : l’étain, indispensable pour la fabrication du meilleur bronze et dont une part au moins est importée de cette région par les États du Proche-Orient ; dès 2500, le Luristān (Lorestān), riche en minerais, travaille pour le compte des cités mésopotamiennes et échange avec elles les techniques concernant cet alliage.

Cependant, si mal connue que soit, pour l’Iran, la période qui va de 3000 à 1400 environ, on y décèle un recul des centres commerciaux du Centre et du Sud, et la disparition de l’écriture après 2500. L’apparition d’une grande civilisation dans la vallée de l’Indus*, à partir de 2700 environ, aurait dû accroître le volume des échanges qui traversaient l’Iran, mais, en fait, on ne constate de progrès que sur la voie maritime, dont les escales se situent surtout en Arabie, et sur la route terrestre septentrionale qui passe par la steppe turcomane (à l’angle sud-est de la Caspienne) et par la cuvette du lac de Rezāyè. Et lorsque, vers 1750, les villes de la civilisation de l’Indus disparaissent, vraisemblablement victimes d’une crise interne, il se produit un déclin brusque des escales du golfe Persique et, dans tout l’Iran, une nette diminution des villes et des habitats.

Faut-il attribuer la responsabilité de cette décadence aux guerres et aux migrations de la période ? Dès l’apparition des textes historiques (v. 2600), on note le conflit, qui ne cessera plus, entre les Élamites et les États mésopotamiens ; lutte pour la prédominance en Asie occidentale ou pour le contrôle des routes commerciales, ou simplement entreprises de pillage contre les cités adverses ? À partir du premier Empire mésopotamien, gouverné par la dynastie d’Akkad* (v. 2350-2200), on remarque le grand nombre de campagnes dirigées contre les peuples du centre du Zagros (Loulloubi, Gouti), qui sont moins riches et moins évolués que les Élamites et les Mésopotamiens. Là encore, on ne sait si les rois du pays des Deux-Fleuves pratiquent l’impérialisme politique ou économique ou opèrent des guerres défensives contre les montagnards qui convoitent les richesses des cités de la plaine. Les Loulloubi infligent de terribles défaites aux rois d’Akkad, et bientôt les Gouti imposent leur domination à une partie du bas pays, dont ils seront finalement expulsés. L’empire de la IIIe dynastie d’Our (v. 2133-2025) consacre la majeure partie de ses campagnes aux peuples du Zagros avant de succomber devant une coalition de ces ethnies dirigées par un roi élamite. Au millénaire suivant, l’Amorrite Shamshi-Adad Ier (v. 1816-1783), maître de la haute Mésopotamie, et les rois assyriens des xive, xiiie et xiie s. guerroient dans les mêmes montagnes et souvent contre les mêmes peuples que les souverains mésopotamiens de l’âge précédent.

Plus heureuses dans leurs tentatives d’invasion, d’autres ethnies venues de l’Iran ont réussi à s’installer durablement au cœur des grandes civilisations du Proche-Orient. Dès le milieu du IIIe millénaire, les Hourrites*, sortant des massifs de l’Anatolie orientale au nord-ouest de l’Iran, commencent la progression qui les répand d’abord à travers la haute Mésopotamie. Au IIe millénaire, les Kassites*, venant du Zagros central, réussissent à s’installer en Mésopotamie (v. 1740), puis à Babylone, où leurs rois règnent de 1595 à 1153 environ. Plus au nord, des Aryens, appartenant à cette unité linguistique et culturelle qui donnera au Ier millénaire les Iraniens et les Indiens de la plaine Indo-Gangétique, se mêlent à des groupes hourrites, à qui ils fournissent des dynasties, et se répandent, à partir du xvie s., en Anatolie orientale, en haute Mésopotamie et dans le couloir syrien, avant de réunir ces régions dans l’empire du Mitanni ; et il est tentant de supposer que ces précurseurs des populations iraniennes du Ier millénaire av. J.-C. sont passés par l’Iran avant d’entrer en contact avec la civilisation du pays des Deux-Fleuves.

À l’inverse, nous ignorons généralement le nom des populations que l’archéologie nous montre circulant dans cet Iran où l’usage de l’écriture a cessé, au cours du IIIe millénaire, avant d’être arrivé au stade des textes lisibles mentionnant des individus et des pays. Il en est ainsi des groupes venus d’Anatolie orientale et de Transcaucasie, dont la poterie grise se répand au IIIe millénaire en Azerbaïdjan et dans le centre du Zagros. Une autre poterie grise est fabriquée dès le IVe millénaire dans la steppe turcomane. Alors que les populations commencent à abandonner cette riche région agricole (au début du IIe millénaire), peut-être sous l’effet du dessèchement, une variante de la poterie grise locale se manifeste. Elle revêt des formes nouvelles, qui se répandent vers l’ouest, atteignant, à partir du milieu du IIe millénaire, les abords de la cuvette centrale de l’Iran, puis de l’Azerbaïdjan et la partie septentrionale du Zagros, région où les Assyriens verront apparaître, au ixe s., des peuples à langue aryenne, les Perses et les Mèdes. Certains archéologues voient donc l’origine de ces ethnies historiques dans les habitants de la steppe turcomane au IVe millénaire, mais c’est oublier que les invasions font boule de neige et, entraînant nomades et sédentaires, mélangent les cultures et les peuples jusqu’au moment où des communautés stables se reforment.