Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
I

Indiens (suite)

Organisation sociale et vie matérielle

Les Araucans vivaient en petits villages dispersés, établis sur le bord des rivières (surtout dans la zone picunche) ou dans les vallées de l’intérieur. Le village araucan était constitué d’une dizaine de maisons de planches ou de claies enduites de torchis, au toit de chaume et groupées à proximité des terrains de culture ; chacune de ces maisons abritait une famille étendue de descendance patrilinéaire. L’ensemble des chefs de famille reconnaissait l’autorité d’un « cacique », dont la charge était héréditaire. Lors des guerres — et cela se produisit souvent durant la lutte contre les Blancs —, plusieurs de ces communautés, généralement autonomes, se regroupaient, temporairement ou non.

Les tâches agricoles, semailles et récoltes, étaient effectuées par l’ensemble de la population du village, réuni en groupe coopératif, le mingaco. Dès l’époque précolombienne, le lama et le cochon d’Inde étaient domestiqués ; les Européens introduisirent le bétail (bovin et ovin) ainsi que le cheval. L’artisanat (poterie, métallurgie, tissage et vannerie) a subsisté jusqu’à nos jours dans les réserves de la région du Bío-Bío ; le travail de l’argent, développé à partir du xviiie s. et inspiré de motifs européens, continue d’être pratiqué.


Religion

La religion araucane est actuellement très influencée par le catholicisme, mais il semble qu’à l’époque précolombienne les tribus aient adoré un dieu suprême créateur. Le chaman, à la fois guérisseur, sorcier et devin, possède un grand prestige ; il préside aux cérémonies qui jalonnent le cycle saisonnier.

D. L.

 J. Steward (sous la dir. de), Handbook of South American Indians (New York, 1946-1950 ; 5 vol.). / J. Steward et L. Faron, Native Peoples of South America (New York, 1959). / T. J. O’Leary, Ethnographic Bibliography of South America (New Haven, 1963). / J.-A. Vellard, Civilisations des Andes (Gallimard, 1963). / J.-C. Spahni, les Indiens de la Cordillère des Andes (Soc. continentale d’éd., 1967). / R. Jaulin, la Paix blanche. Introduction à l’ethnocide (Éd. du Seuil, 1970). / E. M. Fell, les Indiens. Sociétés et idéologies en Amérique hispanique (A. Colin, 1973).


Les littératures indiennes de l’Amérique du Nord

Évoquée quelquefois par les anciens missionnaires, la littérature indienne nord-américaine a, depuis les vingt dernières années du xixe s., été systématiquement recueillie par des ethnographes professionnels. L’un des plus célèbres de ceux-ci est Franz Boas*, qui s’attacha surtout aux mythes et aux contes de la côte nord-ouest du Pacifique.

Il s’agit de littérature orale ; d’où des variantes de forme, des différences de versions ou la réunion d’épisodes venant de plusieurs récits ; ce ne sont pourtant que variations mineures. La récitation de très longs mythes aux cours des cérémonies est parfois facilitée par des pictographies sur rouleaux d’écorce (Ojibwas du nord du Minnesota) ; de même, lors de prières complexes, des peintures de sable coloré sont exécutées par les Navahos du Nouveau-Mexique : elles représentent les esprits impliqués dans l’action magique et ont d’ailleurs une efficacité.


Mythes et contes

On distingue d’ordinaire entre mythes et contes, quoique la démarcation paraisse parfois difficile à tracer. On admet, néanmoins, que le mythe a toujours un caractère sacré et que sa véracité ne fait pas de doute. Les faits qu’il relate se situent dans un passé millénaire, antérieur au monde des hommes ou à son tout début. On ne saurait le réciter de jour sans offenser les esprits, et on ne doit le faire aussi qu’à une saison déterminée. Le mythe est réactualisé dans des buts magico-religieux par des rituels périodiques ; textes, chants, danses les accompagnant mettent alors en scène les étapes de la vie de grands héros civilisateurs : les Algonquins* évoquent ainsi les exploits du lièvre blanc, Nanabhozo, qui tua et ressuscita son jeune frère et fonda la société secrète du Mide (ou Midewiwin), destinée à restaurer la santé des malades et à écarter les maladies futures de tous les membres de la tribu.

Le conte, beaucoup plus bref, est considéré tantôt comme véridique, tantôt comme imaginaire. Les vieillards le narrent l’hiver aux enfants pour les former moralement et les instruire : « La lune, dit un conte thompson du Canada, était autrefois un Indien dont la figure brillait autant que celle du soleil. Il [la lune est de sexe masculin] vivait avec sa jeune sœur, qui s’est un jour assise sur lui et l’a obscurci. Les nuages sont la fumée de sa pipe ; quand le temps est très clair et que la lune commence à fumer, les nuages arrivent. » Comme dans les mythes, chants ou dialogues coupent souvent le récit et lui donnent l’accent de la vie : « Vieille femme peinte en rouge, nous venons vous demander votre fille [en mariage] ; nous vous donnerons une vallée remplie de bisons », chantent à l’araignée rouge, dans un conte pawnee, les quatre fils du chef des bisons ; une des chansons suivantes promet du tabac à l’araignée.

Selon mythes et contes, le premier monde peuplé d’animaux de taille géante, agissant et parlant comme des hommes, fut détruit par un déluge. Un animal fut rescapé grâce à son astuce : ainsi, chez les Thompsons, le coyote s’est métamorphosé en une bûche qui a flotté jusqu’au retrait des eaux. Puis le coyote a épousé les arbres ; de cette union descendent les Indiens. D’après les mythes navahos, les animaux-ancêtres vivaient sous terre. Guidés par l’araignée, ils émergèrent en un lieu sacré souvent mentionné dans les prières. Le héros culturel varie dans les diverses aires géographiques : lièvre au sud-est, corbeau sur la côte nord-ouest du Pacifique, coyote vers l’intérieur, dans les plaines, en Californie, etc. Après le déluge, il plongea, ramena de la boue, avec laquelle il créa la terre et souvent aussi le premier homme.

Il a parcouru l’univers bouleversé et l’a remis en ordre ; il a détruit les monstres qui l’infestaient (Nanabhozo, par exemple, tua le serpent à cornes grâce à l’aide des deux oiseaux-tonnerre). Le même héros a dérobé le feu (la lumière) aux êtres puissants qui le détenaient. Le lièvre trouva ceux-ci en train de danser autour du feu et se joignit à eux ; s’approchant de plus en plus, il reçut une étincelle sur sa fourrure, puis s’enfuit. Le corbeau (mythes tlingits et tsimshians de la côte nord-ouest) a volé jusqu’au ciel, s’est transformé en brindille. Avalé par la fille du soleil, il l’a fécondée et a pu renaître sous forme humaine. Il supplia alors son grand-père de le laisser jouer avec les balles qui contenaient les étoiles et la lumière. Répandant l’intérieur de la première balle, il emporta la seconde en reprenant son apparence d’oiseau. Le mythe ajoute que : pendant le parcours, le corbeau, affamé, mangea beaucoup, puis, ayant eu très soif, but beaucoup. Urinant, il créa mers et lacs.