Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Anatolie (suite)

Ces indications montrent que l’Anatolie, qui avait toujours été morcelée, du fait de son relief, en zones culturelles relativement différenciées, reste au IIe millénaire divisée en unités linguistiques de toutes tailles. Qu’ils soient, au tournant des IIIe et IIe millénaires, arrivés en Anatolie ou parvenus à la position de classe dirigeante, les groupes de parlers indo-européens se sont fondus rapidement avec les peuples anatoliens appartenant à d’autres types linguistiques, et les langues des textes de Hattousha sont surtout indo-européennes par leur structure, leur vocabulaire étant en majorité emprunté à des langues d’autres sortes.


Le royaume hittite (xviiie-xiie s.) et les peuples contemporains du reste de l’Anatolie

Les fouilles de Kanesh ont révélé le palais d’un prince, Anitta (avant 1740), que les Hittites de l’époque impériale considéraient comme le fondateur de leur puissance. Mais il y a, dans l’état actuel de la documentation, un hiatus entre la dynastie d’Anitta, originaire de la ville de Koushshar, et celle qui, au xviie s., est installée dans Hattousha, qui sera la capitale de l’Empire jusqu’à la destruction de ce dernier. L’État de Hattousha, qui ne domine guère en Anatolie que la Cappadoce, la Cilicie, le Taurus et l’Anti-Taurus, devient très vite un empire composite tourné vers la domination du couloir syrien, plus riche et plus évolué que la péninsule anatolienne.

Mais si les Hittites* doivent être traités, pour cette raison, dans un article particulier, l’étude de l’Anatolie au IIe millénaire doit signaler les États et les peuples qui étaient leurs contemporains dans la péninsule. À l’est, sur l’Euphrate supérieur, ce sont de petits royaumes hourrites, dépendant de l’empire du Mitanni (xve-xive s.), puis de l’Assyrie (xiiie s.). Au nord, dans la chaîne Pontique, vivent les Kaska, des Barbares qui en sont encore à la phase des villages indépendants et ne cessent de venir piller le pays hittite. Au centre et au sud-ouest, on a du mal à localiser de façon précise les États, en majorité louwites (dont le principal est l’Arzawa), que les rois de Hattousha tenteront à plusieurs reprises de soumettre. Au nord-ouest, Troie VI (v. 1850-1280) est une cité importante, sans relation avec les Hittites et uniquement tournée vers le monde mycénien. Ses mégara appartiennent à cette école architecturale des modestes palais de l’Ouest anatolien, dont les archéologues qui les ont fouillés veulent à tout prix qu’ils aient influencé Cnossos. À la sixième ville ruinée par un séisme, succède Troie VII a (v. 1280-1240), qui semble bien avoir été pillée et brûlée à la suite d’un siège, et qui serait donc l’Ilion d’Homère.

Bien avant cette date, les côtes de l’Anatolie avaient attiré les marchands de l’Égée : les Minoens de Crète ont surtout recherché les escales sur la route qui les menait en Syrie et ont fondé à Milet et à Ialysos (auj. près de Trianta, Rhodes) des comptoirs qui ont duré de 1550 à 1450 environ. Ils sont remplacés par les Mycéniens de la péninsule hellénique, qui, plus nombreux et plus hardis, se sont cependant installés de préférence dans le même secteur sud-ouest de l’Anatolie, fondant des établissements autonomes (Milet, Müsgebi et Assarlik, sur le continent ; Ialysos, Calymnos et Cos, dans les îles), où l’on retrouve souvent leurs tombes caractéristiques en tholos. Quant aux vases mycéniens, ils ont été livrés en abondance sur toute la côte méditerranéenne de Troie à Tarse, et quelques exemplaires sont même parvenus sur le littoral du Pont et à l’intérieur de l’Anatolie. Cette géographie des trouvailles ne favorise pas la fameuse hypothèse du caractère mycénien ou achéen (comme dit Homère) du royaume de Ahhiyawa, qui fut en conflit avec les Hittites au xiiie s. ; en tout cas, on ne peut pas le placer dans la péninsule.


Le déracinement des peuples (xiiie-xiie s.) et les siècles obscurs (v. 1200-900)

Les civilisations anatoliennes du IIe millénaire disparaissent dans une catastrophe qui frappe l’ensemble du Proche-Orient. Le mouvement des Peuples de la mer et du Nord, comme disent les textes de l’Égypte — le seul État méditerranéen qui ait survécu à l’épreuve —, entraîne des groupes venus les uns du Sud-Est européen et de l’Égée, les autres du pourtour anatolien, que les Hittites n’avaient jamais soumis. Les premières populations errantes déracinent et emmènent avec elles les sédentaires, dont elles ont ravagé les terres ; les cités sont incendiées, les petits royaumes d’Anatolie et l’Empire hittite lui-même disparaissent au début du xiie s. Certains des Barbares responsables de ce désastre vont ensuite attaquer la haute vallée du Tigre : les Assyriens, qui les arrêtent là, nomment les Kaska, sortis de la chaîne Pontique, et les Moushki (sans doute un groupe phrygien basé dans le Taurus). Mais, en dehors de ces confins, l’historien ignore tout du destin de l’Anatolie après le passage des envahisseurs. Le secret de l’aciération du fer, pratiquée dès le xve s. en haute Cilicie et constituant un monopole pour les rois hittites, est divulgué à la faveur du déplacement des populations ; mais, ce progrès excepté, les siècles obscurs après 1200 correspondent dans la péninsule à un recul de la civilisation et sans doute, pour autant que l’on puisse le savoir, à un retour à la vie pastorale.


Civilisations et États d’Anatolie avant la conquête perse (ixe-vie s.)

Vers 900, le Proche-Orient commence à se relever de la terrible crise, et, au contact de la Mésopotamie et de la Syrie, plus avancées, de nouvelles organisations politiques commencent leur essor en Anatolie. Ce sont d’abord le royaume d’Ourarthou, aux confins de la Turquie et de la Transcaucasie soviétique actuelles, et les petits royaumes « néo-hittites » de Syrie septentrionale et du Sud-Est anatolien ; un peu plus tard, la prédominance en Anatolie passe à des peuples situés plus à l’ouest, les Phrygiens, puis les Lydiens, au voisinage desquels s’affirment des unités culturelles de moindre importance. (V. Hittites.)