Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
I

Inde (suite)

Au pays tamoul, les plus anciennes œuvres des Pallava (capitale Kāñcī) sont de petits sanctuaires rupestres śivaïques, et c’est seulement après le début du viie s. qu’apparaît, à Mahābalipuram*, l’originalité du style. Temples rupestres (les ratha) et sculptures pariétales révèlent une architecture différente (surtout par ses toitures) de celle de l’Inde centrale et septentrionale ainsi qu’une sculpture plus sobre et plus calme, utilisant un répertoire iconographique un peu particulier. La fin du viie s. et le viiie s. sont caractérisés par l’édification de vastes temples appareillés (Kailāsanātha, Vaikuṇṭha Perumāl de Kāñcī ; temple du rivage de Mahābalipuram...), qui paraissent avoir exercé une certaine influence sur l’architecture contemporaine du Deccan (Paṭṭaḍakal, Kailāsa d’Ellorā...). Il ne reste que peu de peintures de style pallava (Paṇṇamalai, début du viiie s.) ; les plus célèbres, celles de Śiṭṭaṇavāśal, d’inspiration jaina, sont attribuées pour l’essentiel au ixe s.


L’art médiéval

Profondément marquée par l’histoire politique, l’évolution artistique est caractérisée dès la fin du viiie s. par la multiplication des écoles régionales, au particularisme accusé. Ces écoles auront une durée très variable, en raison de la poussée musulmane et de la conquête progressive de la plus grande partie du territoire par l’islām. Au début du xive s., la fondation de l’empire de Vijayanagar fera du Sud le conservatoire des traditions brahmaniques, rôle que maintiendront, même après sa chute (1565), les dynasties locales (Nāyak de Madurā [auj. Madurai]...).

À partir de la fin du viiie s. et grâce au zèle religieux de dynasties locales éprises d’art, cultivées et souvent rivales, de véritables styles régionaux ne tardent pas à se constituer, styles dont l’habituelle et facile distinction entre arts du Nord et arts du Sud ne reflète qu’imparfaitement la réelle diversité. L’architecture affirme sa primauté tout en livrant ses surfaces à un décor sculpté de plus en plus envahissant. Les fondations rupestres disparaissent devant une architecture construite, maîtresse de ses techniques et qui, soucieuse de grandeur, ne résistera guère à l’attrait du colossal et de la surcharge décorative, dans une recherche de virtuosité annonciatrice de décadence... D’une manière générale, le contraste entre architectures du Nord et du Centre et architecture du Sud (styles dravidiens) s’affirme dans la composition du temple. Les premières tendent à donner au sanctuaire des dimensions de plus en plus considérables. Doté d’une toiture de plus en plus élevée, à la silhouette curviligne franchement accusée (śikhara), le sanctuaire sera précédé d’une succession de salles antérieures à toitures pyramidales (Liṅgarāja de Bhubaneswar*, v. 1000). Le temple du Sud, au contraire, reste fidèle aux toitures pyramidales de l’architecture des Pallava et, si, dans une première phase (art coḷa ou choḷa), le sanctuaire (vimāna) tend à acquérir des dimensions colossales (Brihadīśvara de Tanjore, vers 1000), il retrouvera des proportions plus modestes sous les Pāṇḍya, qui attacheront plus d’importance aux enceintes dotées de pavillons d’accès (gopura), dont le caractère monumental s’affirmera rapidement (Cidambaram, gopura est, xiiie s.). Dans la phase la plus tardive (style de Madurā), où le temple devient souvent immense, les enceintes se multiplient (on en compte jusqu’à sept concentriques, avec vingt et un gopura, au temple de Viṣṇu de Srirangam, xve-xvie s.), et la taille des gopura, gigantesques à l’enceinte extérieure, décroît en se rapprochant du sanctuaire, lui-même de dimensions réduites.

Entre ces tendances extrêmes prennent place des styles locaux plus ou moins originaux. Tandis qu’au Cachemire* le temple, échappant à l’influence de l’architecture contemporaine, ignore le śikhara et les salles sur piliers pour faire revivre du viiie au xiiie s. des formules où resurgissent des traditions gāndhāriennes (Mārtand, temple de Sūrya, viiie s.), l’Ouest (Gujerat, Kāthiāwār, Rājasthān...) attache une importance particulière aux plans étoiles, aux couvertures en coupoles encorbellées et aux arcs polylobés (Moḍhera, temple de Sūrya, xie s. ; temples jaina de mont Ābū, début du xie s.). Au Mysore, l’art des Hoysala (env. 1050 - env. 1345) associe dans des temples au décor exubérant l’héritage des traditions chālukya et pallava. Ces temples, souvent fort complexes, sont caractérisés par leurs plans étoiles, la multiplication des sanctuaires, une tendance à l’horizontalité, due à la silhouette trapue — ou à l’absence — du śikhara. Cette architecture trouvera ses ultimes prolongements dans le style de Vijayanagar (Hampi : temple de Viṭṭhala commencé en 1513).

La sculpture a acquis un rôle considérable du fait de l’importance prise par le décor figuratif, traité le plus souvent en très haut relief dans tous les temples, quelles que soient les écoles. On peut admettre que les images de culte s’inspirent le plus souvent (spécialement dans l’art du Nord-Est) de cette technique, même lorsque les images ne sont que de modestes statuettes de bronze (bronzes bouddhiques de l’école de Nālandā). Comme les monuments eux-mêmes et en dépit de leur perfection, les images sont fort loin de l’idéal classique. Une tendance à la stylisation, qui frise parfois la sécheresse, se traduit pour les idoles par un hiératisme assez froid et pour les figures du décor architectural assez souvent par une sensualité très intellectuelle (Khajurāho*). Un goût très vif pour la multiplication des parures, sculptées dans le moindre détail, est aussi caractéristique de l’art médiéval. L’originalité et l’intérêt des écoles du Sud apparaissent surtout dans l’art du bronze, avec des images de divinités d’un remarquable équilibre (Śiva dansant...) et d’une grande sobriété (styles choḷa et pāṇḍya). Généralement plutôt médiocres, les figures associées à l’architecture révèlent dès la période pāṇḍya un certain dessèchement et des tendances conventionnelles (Kumbakonam...).