Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
I

Inde (suite)

Pendant la saison des pluies, l’irrigation régularise d’abord la culture kharīf par rapport à la culture sous pluie (dans toutes les régions, le riz peut souffrir si les pluies s’arrêtent pendant quelques jours, et il est utile de l’irriguer si l’on peut) et permet aussi de substituer une culture kharīf exigeante en eau à une autre qui l’est moins, et qui serait seule possible sous pluie. Par exemple, dans les régions moyennement humides, le riz irrigué peut remplacer les millets sous pluie ou encore la canne à sucre peut se substituer aux millets ou à l’arachide (la canne à sucre est d’ailleurs une culture pérenne).

Pendant la saison sèche, l’irrigation a un rôle plus évident encore. Dans bien des régions à hiver totalement sec et à sols peu profonds, l’irrigation est le seul moyen de produire une culture rabi. Malheureusement, les disponibilités en eau sont alors plus faibles, et l’irrigation joue un rôle moins important pour le rabi que pour le kharīf.

On peut classer les techniques d’irrigation de différents points de vue. D’abord selon leur degré d’efficacité ou, plus exactement, selon l’ampleur de la correction qu’elles apportent aux données naturelles.

Les canaux d’inondation distribuent simplement les hautes eaux des fleuves pendant la saison des pluies. Ils sont une forme de submersion dirigée. Les canaux, en général courts, partent de barrages de dérivation très simples.

Les canaux pérennes distribuent l’eau des rivières à écoulement d’hiver et d’été (rivières, du piémont himalayen notamment). Ils doivent être conçus de façon à détourner les hautes et les basses eaux, et ils sont donc un peu plus difficiles à construire. Il faut des ouvrages de tête plus importants (barrages de dérivation capables d’élever le plan d’eau) et les canaux doivent être un peu plus longs. Certains fonctionnent en été comme canaux d’inondation, avec de forts débits, et ont moins d’eau en hiver, si bien qu’ils permettent d’irriguer des régions plus restreintes ou des plantes moins exigeantes en eau. Les grands domaines des canaux des deux types ci-dessus sont le Pendjab (Panjāb) et certains secteurs de la plaine du Gange.

Les tanks sont de petits réservoirs, de quelques centaines de mètres de long et peu profonds. Ils ont été construits surtout dans l’Inde du Sud. Ils sont remplis par les pluies et quelques écoulements détournés vers eux pendant la saison humide ; une partie de l’eau est utilisée immédiatement pour régulariser l’apport d’eau. Les tanks permettent, par exemple, de cultiver du riz dans des régions où les averses sont trop espacées pour permettre sa culture sous pluie ; pendant les jours secs, l’eau du tank est utilisée pour maintenir le niveau d’eau de la rizière. Les tanks sont en grande partie vides quelques semaines après la fin des pluies. Ils permettent, cependant, d’achever la culture kharīf dans de bonnes conditions. Quelquefois, il reste assez d’eau pour faire une culture rabi, mais en général seulement sur une superficie restreinte et pour une plante ayant peu de besoins d’eau. Ainsi, un tank permettra, par exemple, de cultiver 30 ha de riz en kharīf et 10 ha de millets en rabi. Les tanks réalisent ainsi une médiocre correction du calendrier climatique à la fois dans le temps et dans l’espace.

Les puits utilisent les réserves en eau du sol. Leur valeur économique est très différente selon qu’il s’agit de puits traditionnels, peu profonds et avec des systèmes de levage peu efficaces, de puits peu profonds, mais équipés de pompes, ou enfin de puits tubes, c’est-à-dire de puits profonds, fonctionnant grâce à une pompe électrique ou à moteur Diesel. Les puits peuvent être utilisés en rabi comme en kbarīf ; ils permettent une excellente correction dans le temps, mais chaque ouvrage irrigue une superficie limitée. Ils sont souvent utilisés en association avec un autre type d’irrigation : par exemple, on pratique l’irrigation rabi avec un puits et l’irrigation kharīf avec l’eau moins chère qui vient d’un tank ou d’un canal d’inondation.

Certains canaux distribuent l’eau des grands réservoirs. Ces grands réservoirs, retenus par des barrages importants, réalisent évidemment une correction maximale — dans le temps puisqu’ils permettent de reporter l’eau non seulement de la saison sèche à la saison humide, mais aussi d’une année sur l’autre — et dans l’espace puisqu’ils couvrent de grandes superficies. Malheureusement, leur construction est très coûteuse. Peu de grands barrages-réservoirs avaient été édifiés par les Britanniques, car la technologie était moins avancée qu’aujourd’hui et aussi parce qu’on avait alors adopté des critères de rentabilité assez exigeants. C’est donc depuis l’indépendance qu’ont été construits les barrages les plus importants, comme celui de Bakhra, qui a permis de rendre pérenne une partie des canaux du Pendjab, et ceux des grands fleuves de la péninsule (Hirakud sur la Mahānadi, Nagarjunasagar sur la Kistnā, etc.).

On peut aussi classer les ouvrages d’irrigation selon leur ampleur. À cet égard, on opposera les travaux modestes de « petite irrigation » (puits, tanks, canaux d’inondation) et les grands travaux (réseaux pérennes complets, grands réservoirs). Ces grands travaux coûtent très cher et demandent une initiative gouvernementale. On pense souvent que c’est là un inconvénient majeur. Mais il faut reconnaître qu’ils permettent seuls d’aménager certaines régions. Il semble que, maintenant, on lance moins de grands programmes et que l’on cherche à mettre en œuvre les potentiels d’irrigation déjà créés, ce qui ne va pas sans difficulté, vu que les paysans doivent dépenser de l’argent et des efforts pour utiliser l’eau et qu’il n’est pas toujours facile de les y inciter.

La répartition de l’irrigation est inégale, puisqu’elle intéresse plus de 60 p. 100 de la surface agricole dans certaines régions et moins de 5 p. 100 dans d’autres.