Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
I

Inde (suite)

En août, élection de V. Giri à la présidence de la République. En novembre, le président du parti du Congrès fait prononcer l’exclusion du parti de Mme Indira Gāndhī. Néanmoins, celle-ci conserve la majorité au Parlement. Ces événements entraînent la scission du Congrès entre un « Nouveau Congrès », favorable à Mme Indira Gāndhī, et un « Vieux Congrès », ou Congrès de l’opposition, favorable à la tendance de S. Nijalingappa et de S. Morarjī Desai.

1970

Situation très troublée : violences et instabilité politique au Bengale, où le mouvement naxaliste (pro-chinois) multiplie ses actions. Campagne d’occupation de terres, traduisant une intense agitation paysanne.

1971

En mars, spectaculaire victoire du Nouveau Congrès de Mme I. Gāndhī. Une insurrection visant à proclamer l’indépendance de la république du « Bangla Desh » (v. Bengale) est écrasée par les troupes d’Islāmābād, dont la répression entraîne l’exode vers l’Inde de près de 10 millions de réfugiés. Cette situation amène un nouveau conflit armé entre le Pākistān et l’Inde (déc.) : la victoire complète de l’Inde à l’est prélude à l’installation d’un gouvernement autonome à Dacca.


Population et économie


Une masse sous-alimentée

Au recensement de 1971, l’Inde comptait 547 millions d’habitants. Cette population vit mal : la sous-consommation est massive, aussi bien pour les produits alimentaires que pour beaucoup de biens de consommation durable.

Des évaluations sérieuses chiffrent la part des sous-alimentés de 25 à 35 p. 100 environ de la population. Encore cette part est-elle celle de la sous-alimentation vraie (c’est-à-dire au déficit de la ration alimentaire en calories). La malnutrition (déséquilibre qualitatif de la ration) semble affecter un pourcentage égal de la population.

Pour expliquer la malnutrition, il faut tenir compte de plusieurs facteurs : l’insuffisance de la production certes, mais aussi des données culturelles. Le déficit en protéines animales (assurant seulement 96 p. 100 de la ration alimentaire) est plus marqué que dans d’autres pays aussi pauvres. Cette situation a deux causes. Il y a d’abord de nombreux végétariens (sans doute un peu plus de la moitié de la population). En outre, la plupart des non-végétariens ont des réticences à consommer la viande des bovins, alors que ceux-ci font l’objet de l’élevage le plus actif, à la fois pour des raisons culturelles et parce que les bovins fournissent travail, lait, fumier (le troupeau indien n’est pas « totalement inutile », comme on l’a écrit souvent). Les seules viandes que l’on accepte de consommer (volailles, poissons, chèvres et moutons) sont produites en petites quantités et restent chères. Le facteur culturel joue ainsi de façon complexe, et il est certain que la religion a un rôle important.

La sous-alimentation n’est que l’aspect le plus spectaculaire de la « misère indienne », qui s’exprime dans bien d’autres sous-consommations. Le vêtement est correct, mais beaucoup marchent pieds nus, et les saris ou les dhotis de coton n’offrent pas toujours une protection contre les nuits froides (relativement nombreuses dans le nord du pays). Le logement est aussi très insuffisant. Dans les campagnes, les maisons sont souvent surpeuplées, et l’entassement atteint des proportions effrayantes dans les villes. Dans beaucoup de villages, quelques « riches » seulement ont des meubles ; la bicyclette et le transistor sont des produits de luxe. Plus grave peut-être encore est la médiocrité de certaines infrastructures. On voyage assez facilement grâce à un réseau dense de chemins de fer et d’autobus ruraux, mais au prix, ici encore, d’un entassement spectaculaire. Le nombre des villages électrifiés est d’environ 100 000 sur un total nettement supérieur à 500 000. Malgré des progrès spectaculaires dans la lutte contre quelques maladies naguère très répandues, la protection sanitaire est encore très insuffisante, et l’espérance de vie est tout juste supérieure à cinquante ans (elle n’était, il est vrai, que de trente et un ans en 1941...).

Il n’est pas évident que la prospérité de quelques-uns puisse être donnée comme explication simple de la misère du plus grand nombre. L’éventail des revenus reste relativement limité (par rapport à ce qu’il est dans bien des pays sous-développés et même industriels), ce qui montre bien que la situation est assez grave : une redistribution des ressources existantes ne suffirait pas à assurer à tous un niveau de vie décent. Ainsi, pour les campagnes, on a calculé qu’une redistribution égalitaire des terres, limitant l’exploitation juste au-dessus du minimum de viabilité économique, laisserait subsister une centaine de millions de ruraux au-dessous de la limite de pauvreté grave. Il n’est pas facile de préciser les causes de ce décalage entre population et ressources ; il est possible, cependant, de montrer comme il s’est progressivement établi.


L’établissement de la situation actuelle

Il semble bien que les voyageurs européens du xviiie s. n’aient pas été frappés par la misère de l’Inde, ce qui signifie qu’elle n’était pas pire que celle des populations européennes de l’époque. Les paysans indiens devaient, certes, être assez pauvres, mais guère plus que leurs contemporains de France ou d’Angleterre. C’est donc dans le courant du xixe s. que l’écart s’est accentué et que les disparités actuelles ont dû se créer.

Or, jusqu’en 1920, la croissance démographique a été assez lente : le décalage entre population et production est donc dû surtout à la très lente croissance de cette dernière. On dispose de chiffres précis depuis 1860, chiffres qui sont parlants. Alors que de 1870 à 1910, la population européenne augmente de 45 p. 100, celle de l’Inde ne connaît qu’une augmentation de 19 p. 100. L’Inde n’avait en 1921 que 248 millions d’habitants contre 236 en 1891. Cette relative stagnation est due à un maintien de taux élevés de mortalité, qui restent du même ordre que les taux de natalité (autour de 40 p. 1 000). D’autre part, comme toujours dans ce genre de situation, il y eut des crises fréquentes, avec surmortalités importantes, dues aux famines et aux épidémies (entre 1911 et 1921, il y eut ainsi une baisse de la population).

Pendant cette même période, la production connut une stagnation nette dans le domaine des grains, si bien que les disponibilités individuelles par tête baissèrent de près de 10 p. 100 entre 1896 et 1920.

Une expansion des cultures commerciales et de la production industrielle, plus rapide que celle de la population, n’a pu compenser cette stagnation des productions alimentaires.