Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
I

Inde (suite)

L’Assam, marche orientale de l’Inde, peut, d’une autre façon, illustrer les forces centrifuges qui remettent en cause la cohésion de l’Union indienne. Depuis l’indépendance, les nombreuses communautés tribales montagnardes de cet État ont demandé, parfois en menant de véritables guérillas, la création d’États tribaux largement autonomes ; d’où la Constitution du Nagaland en septembre 1962 et celle du Meghalaya en avril 1970.


Les grandes lignes de la politique extérieure

Pour tout ce qui concerne le conflit du Cachemire, les relations indo-pakistanaises et la création du Bangla Desh, consulter les articles Cachemire et Pākistān.

Si l’on excepte la question du Cachemire et ses conséquences sur la diplomatie, la politique extérieure peut se ramener à trois fondements idéologiques.

• Neutralisme. L’Inde répugne à s’inféoder à l’un quelconque des deux blocs, ce qui lui a permis de jouer un rôle utile de médiateur en Corée (1950-51), en Indochine (1954), au Laos (1961) et d’entretenir des rapports cordiaux à la fois avec les États-Unis, la Grande-Bretagne et l’U. R. S. S., qui désavoua publiquement la politique chinoise vis-à-vis de l’Inde en 1962.

• Pacifisme. Mis à part l’occupation de Goa par l’armée indienne en décembre 1961, il ne s’est pas démenti et a fait de l’Inde un des champions du désarmement. Ce n’est qu’en 1970 que, sous la pression de certains partis politiques, le gouvernement de Mme Gāndhī a accepté « d’étudier le coût de la fabrication d’une arme atomique ».

• La solidarité afro-asiatique. Humanisée par l’amitié personnelle entre J. Nehru et G. A. Nasser, elle a été portée au plus haut niveau lors de la conférence de Bandung (avr. 1955), où Nehru se posa en leader politique et surtout moral de l’Asie, et où l’amitié sino-indienne, fondée sur la non-ingérence et la coexistence pacifique, atteignit son point culminant. En hindī, cela s’exprimait par la formule Hindī Cinī bhāi bhāi, ce que l’on peut approximativement traduire par « Indiens et Chinois sont frères ».

Malheureusement, le conflit avec la Chine et l’aggravation du conflit avec le Pākistān à propos du Cachemire allaient faire subir des entorses à cette belle rigueur idéologique.


Le conflit sino-indien

En mars 1959, une révolte antichinoise au Tibet amena le dalai-lama (chef spirituel du bouddhisme) à se réfugier en Inde. L’accueil chaleureux qu’il y reçut indisposa Pékin, et, dès lors, les choses ne tardèrent pas à se gâter. Quelques mois après, des troupes chinoises franchissaient la frontière indienne (la fameuse ligne McMahon), occupant 35 000 km2. Les événements ne s’aggravèrent véritablement qu’en octobre 1962. Très vite, les Chinois s’emparèrent d’une bonne partie du Ladakh et menacèrent bientôt la vallée du Brahmapoutre et les régions pétrolifères de l’Assam. La gravité de la situation obligea Nehru à demander d’urgence une aide militaire aux États-Unis et à l’U. R. S. S. Aussi brusquement qu’ils étaient passés à l’attaque, les Chinois offrirent le cessez-le-feu et un retrait de leurs troupes. Depuis, les troupes adverses campent sur leurs positions. Intérêts stratégiques ou économiques, les hypothèses ne manquent pas pour expliquer l’attitude chinoise. Faute de renseignements précis, on peut admettre la volonté chinoise de briser par le moyen d’une humiliante reculade le leadership moral de l’Inde en Asie ; pour la Chine, depuis 1958, l’Inde avait viré de bord et se trouvait maintenant dans le camp impérialiste.

Le problème du Bengale-Oriental allait détériorer encore un peu plus les relations sino-indiennes.

Le soutien accordé par l’Inde à la ligue Awami de cheikh Mujibur Rahman, accusé par Pékin de collusion avec l’impérialisme, la guerre indopakistanaise, la constitution du Bangla Desh (Banglā Deś), peu à peu reconnue par la plupart des grandes puissances, furent autant de motifs de tension entre les deux géants de l’Asie.

Néanmoins, ces événements ne doivent pas faire oublier la réalité indienne. Même si cela peut sembler paradoxal, la guerre indo-pakistanaise a été une aubaine pour Mme Gāndhī : n’a-t-elle pas provoqué l’unanimité derrière le Premier ministre de tous les partis politiques et n’a-t-elle pas apporté une pause dans les antagonismes sociaux ?

Maintenant, la situation se décante, et le gouvernement se retrouve devant son problème : gagner la bataille du développement. C’est en termes d’amélioration économique et sociale que Mme Gāndhī peut asseoir durablement son autorité. Toute autre solution ne serait qu’éphémère, et vite les troubles économiques, sociaux et politiques qu’a connus le Bengale* en 1970 risqueraient de faire tache d’huile. Pour livrer et gagner ce combat, Mme Gāndhī a derrière elle un immense capital de confiance, et ce n’est déjà pas si mal.

Des efforts considérables ont été faits : scolarisation importante, politique de contrôle des naissances, qui, au-delà de toute idéologie, est pour ce pays une nécessité impérieuse. Des projets sont en voie de réalisation : ainsi se prépare sous la direction du professeur V. A. Sarabhai un programme révolutionnaire de généralisation de l’enseignement par télévision ; la révolution verte ouvre de nouvelles perspectives à l’agriculture. La tâche est, certes, immense, mais les moyens peuvent être mis à sa mesure. Deux chiffres peuvent détruire l’impression d’une Inde stagnant dans sa misère : en 1941, l’espérance de vie en Inde était de trente-deux ans, en 1971, elle est passée à cinquante-deux ans. Par rapport aux pays industrialisés, le retard est considérable, et les progrès enregistrés le sont tout autant. Reste encore pour l’Inde à faire sauter le verrou que constitue le système des castes et la condition des anciens intouchables, sans qu’il faille pour autant remettre en question toutes les valeurs traditionnelles de la société indienne.

Contrairement à Gāndhī, qui voyait dans le système des castes une organisation harmonieuse de la société et ne condamnait que l’intouchabilité, Nehru et beaucoup de leaders congressistes ont dénoncé un système à leurs yeux archaïque et oppressif.

La Constitution en vigueur depuis 1950 a codifié ces vues. Elle a aboli toute distinction reposant sur la notion de caste et supprimé l’intouchabilité : dorénavant, appliquer aux ex-intouchables certains des interdits traditionnels qui les frappaient est devenu un délit aux yeux de la loi.