Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

accélérateur de particules (suite)

Mais les propriétés focalisantes de l’alternance des gradients ont aussi donné naissance à une nouvelle génération de cyclotrons. Dès 1938, L. H. Thomas montrait que l’on pouvait obtenir, malgré l’effet de relativité, un temps de parcours constant de l’orbite parcourue dans un cyclotron : en introduisant une variation azimutale du champ magnétique, au moyen de pièces polaires en forme de secteurs, les orbites ont la forme de festons, et la variation azimutale introduit des forces de rappel compensant l’effet défocalisant d’une croissance radiale du champ magnétique, qui assure la condition de résonance. On accélère ainsi des faisceaux continus et intenses de protons, de deutons, d’ions hélium et d’ions lourds dans des cyclotrons dénommés, au choix, isochrones, à focalisation par secteurs, à variation azimutale de champ, à crête en spirale.

Dans le domaine des basses énergies, les cyclotrons sont ainsi devenus des instruments hautement précis, flexibles, intenses, tel le cyclotron de Grenoble, capable d’accélérer jusqu’à 50 MeV un faisceau continu de 100 μA de protons. Associés à des systèmes convenables de transport magnétique du faisceau, ils peuvent concurrencer les accélérateurs électrostatiques pour la résolution en énergie, en atteignant des énergies inaccessibles à ces derniers. Ils se prêtent bien à des expériences sur les particules polarisées grâce au couplage avec les nouvelles sources d’ions polarisés par les méthodes d’injection axiale ou trochoïdale.

À plus haute énergie, dans le domaine que seuls atteignaient précédemment les synchrocyclotrons, les cyclotrons sont particulièrement recherchés, notamment comme sources intenses de particules secondaires, neutrons et surtout pions et muons. C’est le cas pour le cyclotron en construction à Zurich (Suisse), où un cyclotron isochrone de 70 MeV injecte un faisceau de 100 μA dans un cyclotron isochrone en anneau à 8 secteurs magnétiques en spirales, qui porte ce faisceau à une énergie de 500 MeV.

Il faut aussi mentionner que le principe d’alternance des gradients a été appliqué au transport des faisceaux de particules accélérées et aussi à la focalisation des particules le long des accélérateurs linéaires, en faisant se succéder des lentilles magnétiques alternativement convergentes et divergentes, notamment des lentilles quadrupolaires associées par deux (doublets) ou trois (triplets).


Les nouvelles générations d’accélérateurs

Malgré les grands progrès accomplis dans notre compréhension de la structure de la matière grâce aux faisceaux de particules accélérées à des énergies de plusieurs dizaines de gigaélectrons-volts, malgré les nouveaux résultats qu’apportera la mise en service des accélérateurs aujourd’hui en construction ou en projet dans le domaine de 200 à 300 GeV, il sera sans nul doute nécessaire de poursuivre l’exploration du monde des particules élémentaires au-delà de 1 000 GeV.

Une partie des informations peut être recueillie en organisant des collisions entre deux faisceaux de particules accélérées au lieu d’utiliser l’impact sur une cible au repos. C’est l’avantage des anneaux* de particules, qui permettent, dès à présent, de disposer dans le système du centre de gravité d’énergies supérieures à 1 000 GeV, mais ces dispositifs n’offrent pas toutes les possibilités qu’assure la production d’un véritable faisceau accéléré à 1 000 GeV ou au-dessus.

Les méthodes actuelles de construction des accélérateurs conduiraient à des systèmes de taille gigantesque, dont le coût serait une part appréciable du budget d’États importants. La coopération internationale ou même mondiale ne permet que de reculer un peu la limite.

En effet, la construction d’accélérateurs linéaires se heurte à la valeur assez modeste du champ électrique maximal praticable avec les techniques actuelles : les 3 km de l’accélérateur à électrons de Stanford, dont l’énergie maximale serait de 40 GeV, ne peuvent raisonnablement pas être portés à 75 km pour atteindre 1 000 GeV ! De même, les accélérateurs circulaires sont amenés à présenter des diamètres toujours croissants, car la courbure de la trajectoire des particules ne pourrait être augmentée que si l’on augmentait en rapport l’intensité du champ magnétique, ordinairement limitée aux environs de 1,5 à 1,8 tesla, à cause de la saturation du fer.

Il faut donc envisager de nouveaux procédés d’accélération ou, à défaut, reculer encore les limites des procédés actuels. Les procédés utilisant la propriété de supraconductivité de certains matériaux aux très basses températures sont déjà en cours d’application pour la construction d’éléments d’accélérateurs ; mais il semble bien que ce soient les procédés d’accélération collective ou cohérente, dont la mise au point demandera sans doute encore quelques années, qui soient susceptibles d’apporter le changement décisif espéré.


Applications de la supraconductivité

La supraconductivité va permettre de supprimer les pertes ohmiques soit dans les cavités accélératrices où est établi un champ de radiofréquences, soit dans les bobinages destinés à produire un champ magnétique. Les progrès récents dans la technologie des matériaux supraconducteurs (essentiellement à base de niobium) y contribuent grandement.

• Accélérateurs linéaires supraconducteurs. Si, actuellement, il n’existe pas encore de démonstration effective de ce système, un accélérateur à électrons de 2 GeV est cependant en construction à Stanford. Les accélérateurs linéaires supraconducteurs présenteront sans doute un grand intérêt pour l’accélération de protons (projet en étude à Karlsruhe) et d’ions lourds à des énergies de l’ordre du gigaélectron-volt. Mais les premières applications sont relatives aux électrons.

Le fait essentiel est le peu de puissance HF nécessaire pour produire un champ accélérateur donné. La valeur de ce champ est néanmoins limitée théoriquement par le champ magnétique critique — au-delà duquel cesse la supraconductivité — et peut-être plus bas, par les risques d’échauffement sous l’impact des électrons arrachés aux parois des cavités. Il n’est ainsi pas possible de dépasser 50 à 70 MV/m et, en fait, dans les projets raisonnables, on se limite à un champ électrique de 33 MV/m ; mais cette valeur est obtenue avec une puissance HF crête limitée à 20 kW pour 12 m de section à comparer aux 20 à 25 MW appliqués à la même longueur de section dans un accélérateur classique actuel. Le gain de puissance HF ramené à la même énergie des électrons accélérés est ici de l’ordre de 25 000. En fait, il n’y correspond pas une économie équivalente à cause de la consommation de puissance par l’installation cryogénique, qui maintient le matériau à l’état supraconducteur : la puissance à fournir pour les compresseurs d’hélium est égale à celle qui est prévue pour alimenter les klystrons. Le gain de puissance HF est cependant suffisant pour autoriser le fonctionnement d’un accélérateur linéaire supraconducteur en continu et non pas par brèves impulsions : le cycle utile peut être de 100 p. 100 ; si la puissance consommée pour la réfrigération apparaît comme excessive, ce cycle utile peut être réduit, mais reste néanmoins très grand par comparaison avec celui des accélérateurs linéaires classiques.