Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

accélérateur de particules (suite)

L’accélération synchrone présente un désavantage sérieux par rapport au principe du cyclotron : l’intensité du faisceau n’est plus débitée en continu, mais seulement au minimum de la modulation de la fréquence ou au maximum de la croissance du champ magnétique, l’injection ayant lieu au contraire à la valeur maximale de fréquence ou à l’amplitude minimale du champ magnétique.

Le cas le plus simple est celui du synchrotron à électrons, où, dès les énergies de quelques mégaélectrons-volts, les particules sont quasiment à une vitesse constante, égale à la vitesse c de la lumière, ce qui permet de conserver, sur une orbite circulaire de rayon bien défini, une fréquence constante du champ HF accélérateur. Le champ magnétique est modulé de façon cyclique ; l’accélération a lieu pendant un quart d’alternance, le champ magnétique ne servant ici que de guide pour maintenir l’électron sur son orbite et le gain d’énergie étant assuré par le champ électrique établi dans les cavités HF. La stabilité de phase est obtenue à condition que les électrons franchissent les cavités accélératrices à une phase telle qu’elles rencontrent le champ HF accélérateur au cours de sa décroissance. Ainsi ont été construits des synchrotrons à électrons de plusieurs centaines de mégaélectrons-volts.

Dans le cas des particules lourdes, tant que leur énergie totale n’est pas de beaucoup supérieure à leur énergie au repos, il est commode de moduler la fréquence du champ HF, à champ magnétique constant : le synchrocyclotron accélère des protons, des deutons, des ions d’hélium le long de trajectoires en spirales avec des oscillations stables autour de la phase d’équilibre. L’énergie n’est limitée que par l’extension du champ magnétique uniforme. Les synchrocyclotrons s’avérèrent très efficaces : dès 1946, le synchrocyclotron de Berkeley (États-Unis), de 184 pouces de diamètre, accélérait des deutons jusqu’à 190 MeV et des ions hélium jusqu’à 380 MeV. Puis les synchrocyclotrons ont constitué, des États-Unis à l’U. R. S. S. (Doubna), en passant par le Cern, un équipement de choix dans la gamme des énergies de protons de 300 à 700 MeV. Monter davantage en énergie, donc utiliser des diamètres encore plus élevés, paraissait difficile, compte tenu du poids et donc du coût des électro-aimants gigantesques de ces machines.

Au contraire, le principe du synchrotron à protons, s’il met en jeu des rayons d’orbites très élevés, ne comporte plus que des trajectoires à rayon très peu variable autour de l’orbite d’équilibre ; l’aimant a la forme d’un anneau. Ici, tant que l’énergie n’a pas atteint des valeurs très supérieures à celle de l’énergie au repos du proton (environ 1 GeV), la vitesse est variable, la fréquence aussi. Il y a donc à la fois croissance du champ magnétique et accroissement progressif de la fréquence. L’accord de ces deux modulations assure la stabilité de phase. L’accomplissement le plus spectaculaire de cette technique a été la construction des grands synchrotrons aux énergies de plusieurs gigaélectrons-volts ; citons notamment : le « cosmotron » de 3 GeV de Brookhaven (États-Unis) et son frère « Saturne » à Saclay (France), le « bévatron » de 6 GeV de Berkeley, le « synchrophasotron » de 10 GeV de Doubna (U. R. S. S.) et le « synchrotron à gradient nul » de 12 GeV d’Argonne (États-Unis). La course vers les plus hautes énergies restait cependant limitée là encore par le gigantisme de ces accélérateurs.


L’alternance des gradients de champ

Dans les synchrotrons ordinaires, le champ magnétique décroît radiale-ment et le faisceau oscille autour de la trajectoire d’équilibre, ce qui nécessite de laisser pour la chambre à vide une grande ouverture dans l’entrefer. Un procédé d’amélioration de la focalisation constitue un perfectionnement important, car il permettra de réduire l’entrefer, donc d’économiser beaucoup sur le poids du circuit magnétique.

C’est l’intérêt de la découverte faite par N. Christofilos (1950) et, indépendamment, par une équipe de Brookhaven en 1952 : à la traversée d’un gradient de champ magnétique, c’est-à-dire d’une zone où le champ est plus intense d’un côté que de l’autre, les trajectoires de particules chargées convergent ou divergent suivant le signe du gradient ; mais, à la traversée de deux gradients de signes opposés, le résultat global est une convergence.

L’application de ce procédé aux synchrotrons a permis d’accroître le rayon de l’orbite, donc l’énergie finale, au prix d’un certain gigantisme certes, mais relativement limité. C’est ainsi qu’a été atteinte pour les protons la zone des 30 GeV avec le synchrotron du Cern à Genève (rayon moyen, 100 m ; énergie maximale, 28 GeV) et le synchrotron de Brookhaven (énergie maximale, 30 GeV), puis a été battu le record d’énergie par le synchrotron de Serpoukhov (U. R. S. S.), en service depuis octobre 1967, avant 460 m de diamètre, accélérant à 70 GeV des impulsions de 1012 protons, répétées 7 à 8 fois par minute, tandis que se construit à Batavia (États-Unis) le synchrotron de 200 GeV (pouvant être porté à 500 GeV), dont l’orbite a un rayon moyen de 1 km, et que s’étudie le nouveau synchrotron européen. Dans ces dernières machines, l’orbite principale n’est occupée que par un faisceau déjà produit dans un synchrotron « élanceur ».

Pour les électrons, ce procédé a été appliqué d’abord dans le synchrotron de 6 GeV de Cambridge (États-Unis), d’environ 80 m de diamètre, puis dans les synchrotrons analogues de Hambourg (Allemagne), de Daresbury (Grande-Bretagne) et d’Erevan (U. R. S. S.), le record d’énergie de 10 GeV étant atteint par le synchrotron de Cornell (États-Unis). L’énergie finit par être limitée par les énormes pertes dues au « rayonnement synchrotron » émis par un électron soumis à une accélération radiale (sur une trajectoire de 30 m de rayon, un électron de 6 GeV perd environ 4,5 MeV par tour) et surtout parce que ces pertes provoquent des modifications de la quantité de mouvement des électrons, se traduisant par des oscillations entraînant les électrons hors de l’orbite d’équilibre.