Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
I

Ike no Taiga (suite)

Né près de Kyōto d’une famille assez simple, Taiga ne connut jamais l’aisance des « lettrés » chinois. On raconte que, dès son enfance, il aurait exécuté des éventails illustrés pour gagner sa vie. Comme il montre, très jeune, des dons pour la calligraphie, ses parents le confient au monastère du Mampuku-ji pour parfaire son éducation. Cette formation de calligraphe marque toute son œuvre : elle se retrouve dans la ligne nerveuse ou souple qui constitue l’ossature de ses compositions, les calligraphies expressives qui accompagnent bon nombre de ses peintures et la facilité avec laquelle il emploie des techniques différentes.

Taiga commence sa carrière de peintre dans le style Tosa, puis un recueil de peintures de l’époque Ming, le Hasshu Gafu (« les Huit Albums de Peinture »), lui révèle l’idéal esthétique des lettrés. Un des premiers adeptes du mouvement bunjin-ga, Yanagisawa Kien (1704-1758), lui apprend alors la technique chinoise et peut-être aussi la shitō-ga (peinture au doigt très en vogue en Chine sous les Qing [Ts’ing]), qui permet à l’artiste d’exprimer directement, sans pinceau, sa spontanéité profonde.

Cependant, si beaucoup d’œuvres de jeunesse portent la marque du style nan-ga, bien d’autres démentent cette influence et témoignent de la formation extrêmement diverse de Taiga. Dès 1746 et pendant plus de dix ans, celui-ci parcourt le pays et fait l’ascension de montagnes célèbres pour comprendre plus intimement la nature. Ce contact direct lui inspire de nombreuses « vues réelles » (shin-kei) des plus beaux sites du Japon. Ce sont, en fait, des interprétations personnelles où le peintre se détache des paysages à la chinoise et retrouve une émotion lyrique proprement japonaise. D’autres courants l’attirent, comme les effets décoratifs de l’école Sōtatsu*-Kōrin* et même la peinture occidentale, qu’il découvre en 1748. Sous l’influence de celle-ci, Taiga développe son sens de la composition et accentue ses effets de lumière et de profondeur dans les paysages.

Peu avant quarante ans, il éblouit par la vigueur et la souplesse de son style. La paire de paravents sur fond d’or exécutée vers 1760-1770 (Musée national de Tōkyō) fournit un exemple de cette synthèse étonnante des œuvres de la maturité. Toute la fantaisie du peintre apparaît dans le paysage à la chinoise, traité à l’encre, mais rehaussé de couleurs vives.

Le succès de Taiga et de son contemporain et ami Yosa Buson (1716-1783), avec qui il collabora à l’illustration de poèmes chinois, contribua à répandre rapidement le mouvement nan-ga dans tout le Japon.

F. D.

 CATALOGUE D’EXPOSITION : 150 Ans de peinture au Japon de Gyokudō à Tessai (xviiie-xixe s.) [Petit Palais, Paris, 1962].

Île-de-France

Ancienne province française, riche en souvenirs artistiques.


Formée à partir du domaine des premiers rois capétiens, elle occupe le centre du Bassin parisien et englobe dans ses limites historiques, assez floues, les départements actuels de Paris*, des Hauts-de-Seine*, de la Seine-Saint-Denis*, du Val-de-Marne*, de l’Essonne*, des Yvelines* et du Val-d’Oise* — en totalité —, ceux de Seine-et-Marne*, de l’Oise*, de l’Aisne* et d’Eure-et-Loir* — en partie.

Ni les témoins de la civilisation romaine, à Senlis et à Champlieu (Oise), ni ceux de l’époque mérovingienne, à Jouarre (Seine-et-Marne), ou carolingienne, à Soissons et à Beauvais, n’évoquent un passé particulièrement brillant. C’est à l’essor de la monarchie capétienne et au rayonnement de Paris que l’Île-de-France doit sa place privilégiée.

L’art roman fait ici modeste figure, car il s’est effacé devant l’apparition précoce de l’art gothique. On suit les progrès de la croisée d’ogives depuis le déambulatoire de Morienval (Oise), où ce procédé de voûtement fut essayé dès 1125, jusqu’aux édifices plus importants qui en consacrèrent bientôt le triomphe : Saint-Étienne de Beauvais*, l’abbatiale de Poissy et surtout celle de Saint-Denis*, commencée par Suger vers 1135. Fruit de ces expériences, la première architecture gothique s’épanouit alors. Ses caractéristiques principales — voûtes sexpartites, alternance des piles fortes et des piles faibles, présence de tribunes, souvent surmontées d’un triforium — ont marqué jusqu’au début du xiiie s. de grands édifices, tels que les cathédrales de Noyon, de Soissons*, de Laon*, de Senlis et de Meaux, la collégiale de Mantes, les abbatiales de Saint-Germer-de-Fly et de Saint-Leu-d’Esserent, sans compter beaucoup d’églises plus petites. Des statues-colonnes du type de Chartres* ornent les portails de Notre-Dame-du-Fort à Étampes et de Saint-Loup-de-Naud (Seine-et-Marne) ; celui de Senlis, sculpté vers la fin du xiie s., est d’un style plus libre.

Le règne de Philippe Auguste consacre le passage à la seconde architecture gothique, celle de la maturité. Avec ses traits essentiels — voûtes quadripartites, abandon des tribunes, tracé plus aigu des arcs —, on la voit illustrée par la cathédrale et les abbayes de Soissons, les compléments apportés à d’autres cathédrales, les abbayes cisterciennes, mutilées, des Vaux-de-Cernay, de Royaumont, d’Ourscamps (à Chiry-Ourscamps, Oise), de Longpont (Aisne), etc.

À partir du règne de Saint Louis, la tendance à l’évidement des parois et la recherche de l’élancement devaient inspirer, avec l’entreprise audacieuse de Beauvais et la transformation de Saint-Denis, les saintes chapelles de Saint-Germain-en-Laye*, de Saint-Germer-de-Fly, et de Vincennes ainsi que le chœur de Saint-Sulpice-de-Favières. Des vitraux à médaillons du type de Chartres subsistent çà et là. Les portails de Meaux, de Larchant, de Saint-Sulpice-de-Favières (Essonne) et surtout de Rampillon (Seine-et-Marne) sont autant de pages de sculpture dont la noblesse est tempérée d’élégance et d’humanité. Débordant sur le xive s., ce style marque aussi les statues de la Vierge à l’Enfant, comme la sculpture funéraire, présente surtout à Saint-Denis. Avec ses vitraux et ses statues, la chapelle de Navarre, dans la collégiale de Mantes, est un témoignage raffiné de l’art du xive s.