Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
I

ictère (suite)

Attitude pratique

En présence d’un ictère, après un examen clinique soigneux, il importe de pratiquer des épreuves de laboratoire. En effet, le « profil » biologique d’un ictère est souvent pur au début et permet un diagnostic exact. Si les examens sont demandés avec retard, le retentissement de l’ictère sur les diverses fonctions hépatiques ne permettra plus d’obtenir un diagnostic étiologique de manière formelle.

Il faut d’abord voir s’il s’agit de bilirubine libre ou conjuguée. Dans le premier cas, on recherche des signes d’hémolyse ; dans le second, on interroge les épreuves de lyse hépatique (dosage des transaminases, du fer sérique), les épreuves d’inflammation (tests de floculation, électrophorèse des protides), les épreuves de rétention biliaire (dosage du cholestérol, des phosphatases).

En fonction de ces résultats initiaux et de l’orientation diagnostique qu’ils auront permise, on pourra s’aider d’autres tests biologiques, de radiographies ou d’endoscopies* afin d’appliquer, en fonction du diagnostic retenu, le traitement le mieux adapté, tantôt médical, tantôt chirurgical.

J.-C. Le P.

 G. Albot, F. Poilleux et coll., les Ictères (Masson, 1962). / I. Pavel et S. Campeanu, Physiopathologie des ictères (Masson et Budapest, 1970).

idéologie

Au sens neutre, ensemble de représentations dans lesquelles les hommes vivent leur rapport à leurs conditions d’existence : la culture, le mode de vie, les idées, les valeurs et les goûts, conscients et inconscients, d’un individu, d’une classe ou d’une formation sociale. On doit au marxisme* le sens péjoratif de « fausse conscience, méconnaissance de l’ordre réel, discours apologétique de l’ordre social ».


En assimilant l’un à l’autre le sens de conscience sociale vécue et celui de mystification, le marxisme semble signifier que nous sommes voués à vivre dans l’illusion. Il rejoint ainsi les trois humiliations infligées, selon Freud*, au narcissisme humain par les découvertes scientifiques de Darwin*, de Copernic* et par la théorie de l’inconscient. Le marxisme renvoie la conscience et l’affectivité aux effets de l’économie, effets nécessairement méconnus. Le moi dans la structure du psychisme et l’idéologie dans la structure sociale ont bien la même fonction. Pas plus qu’on ne peut juger un individu d’après ce qu’il pense de lui-même, dit Marx, on ne peut juger une époque sur sa conscience. Sont seules déterminantes en dernière analyse les contradictions entre les forces productives et les rapports de production. Il convient de distinguer ces contradictions réelles, telles que la science les analyse, et « les formes juridiques, politiques, religieuses, artistiques, philosophiques, bref les formes idéologiques dans lesquelles les hommes prennent conscience de ces conflits et les mènent jusqu’au bout ». La science rompt avec l’idéologie, mais ne la dissout pas : on continue, après Copernic, à voir le Soleil tourner autour de la Terre immobile ; on continue, après Freud, à méconnaître notre inconscient et, après Marx, à vivre dans la perspective de notre perception, de nos besoins et de nos passions, dans la subjectivité.

Cela restera vrai, même si disparaissaient les classes et la nécessité de justifier les privilèges de la classe dominante. Le mensonge de l’idéologie n’est pas dû en effet à la décision concertée de la classe dominante d’imposer sa domination. C’est parce qu’un système social impose une représentation permettant son maintien, et donc le pouvoir de la classe dirigeante, que « l’idéologie dominante est celle de la classe dominante » (Marx). La « conscience de classe » n’est pas décidée librement par chaque classe sociale. Chaque classe, selon sa place, sa fonction et ses intérêts, vit dans une idéologie particulière, participe à sa manière de l’idéologie du système. Ainsi la classe ouvrière se comporte-t-elle selon une idéologie contradictoire, compromis variable entre la défense de ses intérêts dans les limites du système et la négation radicale du système, sa propre négation. Lors même qu’elle se veut révolutionnaire, elle peut continuer à penser et à justifier son projet dans les termes et les valeurs de l’adversaire : travail, expansion, ordre moral. Une société sans classes ne connaîtrait pas la nécessité de masquer l’égoïsme de la classe au pouvoir, mais ne rendrait pas pour autant l’histoire transparente à l’homme, puisque les lois de la subjectivité continueront à travestir la causalité de l’économie. Trois raisons y sont essentielles. D’abord, la perception porte sur des phénomènes et non pas sur les rapports qui en constituent l’essence réelle. Ainsi la division du temps de travail de l’ouvrier en temps de travail payé et en temps non payé (salaire et plus-value) est-elle invisible. Ensuite, la cause n’agit pas en personne, mais seulement à travers ses effets : l’inconscient à travers les symptômes que sont les rêves, les actes manqués et les lapsus ; l’économie à travers le droit, la politique et autres superstructures. C’est pourquoi la perception prend l’effet pour la cause, met la conscience au principe du psychisme et le sujet au centre de l’histoire. Enfin, l’homme pense en vue de ses objectifs pratiques et non pas à partir de la connaissance de ce qui le détermine à agir. Spinoza* y avait déjà vu la racine de l’illusion de liberté. Louis Althusser distingue ainsi la science de l’idéologie, « système d’idées dans lequel la fonction pratico-sociale l’emporte sur la fonction de connaissance ». Mais on doit à Bachelard* la définition la plus rigoureuse de leur opposition : « La science s’oppose absolument à l’opinion. L’opinion a, en droit, toujours tort. L’opinion pense mal, elle ne pense pas. Elle traduit des besoins en connaissances. En désignant les objets par leur utilité, elle s’interdit de les connaître. »