Hutus (suite)
La subordination des Hutus à l’égard des Tutsis était à la fois foncière et pastorale. En fait, l’appropriation de la terre par le groupe des pasteurs permet l’exploitation des agriculteurs. Celle-ci se manifestait par un système de dépendance et de clientèle entre groupes familiaux hutus et groupes familiaux tutsis. Cette relation n’était pas répandue partout, mais elle justifiait idéologiquement la domination politique des Tutsis. Cette relation personnelle, ubuhake, attache un client, umugaragu, à un patron, she buja. Le Hutu offre ses services à un homme supérieur en prestige et en richesse, et celui-ci lui concède des têtes de bétail et lui accorde sa protection. Mais le bétail reste la propriété du patron (Tutsi), et le client (Hutu) n’en a que l’usufruit. Les Hutus devaient aussi un certain nombre d’autres services : en échange d’une tenure foncière, ils devaient des prestations vivrières en haricots et en sorgho ; ils devaient réparer et tenir en état les huttes et les abris de leur patron. Les Hutus, installés sur le domaine foncier d’un Tutsi, avaient des obligations différentes et devaient deux jours de travail sur cinq à titre de corvée (ubuletwa).
Mais cette relation de dépendance foncière ou pastorale n’empêchait pas les Hutus de disposer de vaches personnelles, et, d’autre part, il y avait aussi des Tutsis dans la clientèle de la minorité tutsi dominante.
Il n’existait pas de division sexuelle du travail agricole ; cependant, les femmes n’avaient pas le droit de s’occuper du bétail. Les Hutus cultivaient le sorgho, le mil, le maïs, le manioc, certains légumes et entretenaient des bananiers. Le système de parenté était fondé sur une organisation clanique patrilinéaire et patrilocale. Les Hutus étaient divisés en treize ou quinze clans (ubwoko), qui comprenaient aussi des groupes des autres castes.
Les croyances religieuses sont centrées autour d’Imana, à la fois dieu créateur et dieu suprême. Bien qu’il soit personnifié, Imana n’est pas responsable de l’ordre social des choses. Il existe également un culte de l’esprit des morts (bazimu), qui vise à apaiser leur méchanceté et à annuler leurs effets néfastes. Certains de ces esprits, les imandwa, jouent un rôle tout à fait particulier et s’intègrent avec le mythe de Ryangombe à un culte initiatique : le kubandwa. Ce système de croyance implique l’existence de devins qui interprètent la volonté d’Imana et identifient les esprits des morts. La sorcellerie, par contre, est entièrement maléfique.
La position de l’ethnie hutu a considérablement changé avec la situation d’indépendance. Elle a dirigé une véritable révolution sociale qui a renversé au Ruanda la domination politique, économique et sociale de l’ethnie tutsi. Cette lutte sociale s’est marquée par une élimination des réseaux de dépendance que la colonisation belge avait contribué à consolider. Il est donc difficile aujourd’hui de décrire les Hutus comme une caste, et le système social ruandais comme une féodalité (interprétation de J. J. Maquet).
Après l’indépendance du Burundi (1962), la rivalité entre les Hutus, majoritaires dans le pays, et les Tutsis se manifeste avec une violence accrue, malgré les tentatives d’administration commune, aboutissant à des massacres systématiques, notamment en avril-mai 1972 et au début de 1973, et entraînant l’exode de populations, notamment des Hutus, vers le Zaïre et la Tanzanie.
J. C.
➙ Burundi.
J. J. Maquet, le Système des relations sociales dans le Ruanda ancien (Tervuren, 1955).