Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
H

hôpital (suite)

Le législateur de 1970 a prévu la coordination de l’activité hospitalière, c’est-à-dire la répartition harmonieuse sur l’étendue du territoire des établissements d’hospitalisation (qu’ils soient publics ou privés, qu’ils fassent ou non partie du S. P. H.) en fonction des besoins à satisfaire. Pour cela, il a prévu la confection d’une carte sanitaire arrêtée par le ministre de la Santé publique, qui sera l’instrument de base de la politique de coordination et qui devra tenir compte de l’importance et de la qualité de l’équipement public et privé existant, de l’évolution démographique prévisible et de l’évolution des techniques médicales pour déterminer les limites des secteurs et des régions sanitaires qui sont les circonscriptions d’organisation du S. P. H. ; dans chaque secteur et dans chaque région, la carte, qui a une portée impérative, prévoit la nature, l’importance et l’implantation des installations comportant ou non les possibilités d’hospitalisation nécessaires pour répondre aux besoins sanitaires de la population.

Aux termes d’un décret du 6 décembre 1972, les établissements assurant le S. P. H. sont classés en :
— centres hospitaliers, comprenant des centres hospitaliers régionaux et des centres hospitaliers généraux ou spécialisés ;
— centres de convalescence, de cure et de réadaptation (éventuellement spécialisés) ;
— unités d’hospitalisation, constituant un hôpital local ou incluses dans un des établissements précédemment cités.

Des groupements interhospitaliers (obligatoires) et des syndicats interhospitaliers (facultatifs) assurent le regroupement des établissements.

Les services des centres hospitaliers peuvent se prolonger à domicile sous le contrôle du médecin traitant. La loi nouvelle prévoit d’ailleurs une collaboration plus étroite entre les établissements d’hospitalisation et les médecins non hospitaliers.

En raison de l’importance des dépenses d’hospitalisation (40 p. 100 des prestations de santé versées par les caisses d’assurance maladie), la gestion des hôpitaux fait l’objet actuellement d’études approfondies de la part des pouvoirs publics.

M. C. et P. Z.

Hopkins (Gerard Manley)

Poète anglais (Stratford 1844 - Dublin 1889).


À dix-huit ans, en écrivant « A Vision of the Mermaids » (« Vision de naïades ») ou « Winter with the Gulf-Stream » (« le Gulf-Stream en hiver », 1863), Hopkins exprimait déjà combien il était sensible à cette beauté dont Keats, qu’il admirait, a pu dire qu’elle constitue a joy for ever. Cependant, plongé dans les ferments oxoniens d’idées religieuses et esthétiques bien propres à bouleverser une âme juvénile, il se convertit au catholicisme en 1866 et entre dans la Compagnie de Jésus deux ans plus tard, non sans avoir auparavant fait brûler ses écrits de jeunesse. Ni l’autodafé ni l’entrée dans les ordres ne lui apporteront la paix. Tout au long de sa brève existence, Hopkins demeurera écartelé entre « The Fine Delight that Fathers Thought » (1889) et la représentation exigeante et austère qu’il se fait de son ministère. Poèmes, Correspondance, Carnets, Journaux permettent de suivre son douloureux combat en même temps qu’ils révèlent sa pensée et son art. La poésie, pour Hopkins, est la quête, délicate et virile à la fois, pour parvenir à l’essence même des choses, ce qu’il nomme inscape. Plus profonde se révélera la pénétration, plus intense sera l’appréhension et plus puissante se conservera l’empreinte, l’intress. Aussi les sonnets de 1877 « The Windhover » (« le Faucon »), « Pied Beauty » (« Beauté piolée »), « Hurrahing in Harvest » ou « The May Magnificat » (1878) et « Inversnaid » (1881) constituent-ils une éclatante célébration de la nature dans toutes les formes de sa beauté. Mais ces splendeurs — au demeurant éphémères, comme il l’exprime dans le petit chef-d’œuvre « Spring and Fall » (« Printemps et automne », 1880) — appartiennent à Dieu. On doit s’en détacher, il faut lui en faire offrande, aspirer à la « Beauté suprême », la Grâce : « The Leaden Echo and the Golden Echo » (« l’Écho de plomb et l’Écho doré », 1882). Car « À quoi sert la beauté mortelle ? » (« To what serves Mortal Beauty ? », 1885). Débat redoutable pour une âme à la sensibilité exacerbée, pour une conscience rongée de scrupules. C’est donc le cri arraché par de véritables tortures morales qui retentit à travers les Sonnets terribles (1885) : « [...] j’ai lutté, misérable, avec (mon Dieu !) mon Dieu. » (« Not, I’ll not, Carrion Comfort... » [« Non, désespoir, non, putride pâture »]) ; « No worst, there is none », « I wake and feel the Fell of Dark » (« Réveil : c’est la toison de l’Obscur... »). Au milieu des « noires heures/De nuit [...] » de cette agonie, dont les ondes se propagent plus douloureusement encore dans son corps miné par le surmenage et le regret d’avoir dû quitter l’Angleterre pour l’Irlande (« To seem the Stranger... » [« Paraître l’Étranger... »], 1885), surgit une lueur d’espérance, « [...] la Résurrection / Ce clairon du cœur ! [...] » (« That Nature is a Heraclitean Fire... » [« Que la nature est un feu héraclitéen... »], 1888). Il passe sur tous ces poèmes un grand souffle lyrique que ne saurait diminuer l’écriture « abrupte » et difficile. Hopkins, en effet, bouleverse délibérément la langue et la métrique. Pourquoi tenir à ce qu’un écrit soit « de toutes parts parfaitement clair », écrivait-il en 1878 à son ami le « poète lauréat » Robert Bridges (qui publia en 1918 les Collected Poems d’Hopkins). On pense à Mallarmé, à Joyce ou à Apollinaire. En réaction contre le conformisme de l’époque, Hopkins recherche le vocable rare, emprunte son vocabulaire au saxon, voire au terroir. Par ailleurs, il asservit la grammaire à l’écrivain et disloque la phrase. Jusqu’aux rythmes qui lui sont particuliers. Ce qu’il appelle sprung rhythm et qui consiste à scander seulement selon les temps forts les syllabes accentuées. On conçoit qu’un tel auteur apparaisse comme une exception dans l’âge victorien, même s’il participe — inconsciemment d’ailleurs — au combat que mènent chacun de leur côté Lewis Carroll, S. Butler* ou R. Browning*. On imagine également l’influence que l’œuvre de ce jésuite, sortie de l’oubli trente ans après sa mort, a pu exercer — tantôt par son accent tragique, tantôt par ses nouveautés formelles — sur toute la génération des poètes au début du xxe s., de W. H. Auden* à Cecil Day Lewis et à Dylan Thomas*.

D. S.-F.

 W. H. Gardner, Gerard Manley Hopkins (Londres, 1948-49 ; 2 vol.). / A. Heuser, The Shaping Vision of Gerard Manley Hopkins (Londres, 1958). / J. G. Ritz, le Poète Gérard Manley Hopkins (Didier, 1964).