Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
H

Hongrie (suite)

 T. Schreiber, la Hongrie de 1945 à 1955 (la Documentation française, « Notes et études documentaires », 1957) ; l’Évolution politique et économique de la Hongrie, 1956-1966 (la Documentation française, « Notes et études documentaires », 1966). / P. Kende, Logique de l’économie centralisée. Un exemple : la Hongrie (C. D. U., 1964). / M. Pécsi et B. Sárfalvi, The Geography of Hungary (Londres, 1964). / A. Blanc, P. George et H. Smotkine, les Républiques socialistes d’Europe centrale (P. U. F., coll. « Magellan », 1967). / J. Bognar, les Nouveaux Mécanismes de l’économie en Hongrie (Éd. du Pavillon, 1969). / La Hongrie, études géographiques (Société languedocienne de géographie, 1969). / Statistisches Taschenbuch Ungarns 1970, Budapest (Budapest, 1970). / G. Markos, Ungarn, Land, Volk, Wirtschaft in Stichwörtern (Vienne, 1971).


La littérature hongroise

La littérature écrite de langue hongroise ne prend véritablement son essor qu’au xvie s., sous la double influence de la Renaissance, dont le roi Mathias Corvin avait été au siècle précédent l’un des grands princes, puis de la Réforme.

Avant cette date, une littérature de langue latine avait donné à l’Occident chrétien des chroniques — dont la fameuse Chronica Hungarorum, imprimée en 1473 —, des hymnes religieuses et des hagiographies, ainsi que l’œuvre poétique de Janus Pannonius (János Csezmicei [1434-1472]), qui passa pour l’un des meilleurs poètes de son temps. Nous savons en outre qu’il existait en langue hongroise une littérature de tradition orale, mais longtemps imprégnée de chamanisme ; elle semble avoir été combattue par l’Église et ne nous est guère connue que par le truchement des chroniqueurs.

C’est donc paradoxalement au moment où le désastre de Mohács sonne pour le royaume de saint Étienne le glas de l’indépendance nationale que la langue hongroise — dont on ne découvrira qu’à la fin du xviiie s. la parenté avec le lapon, le finnois et les autres langues dites depuis lors « finno-ougriennes » — s’affirme dans ses premiers monuments. Forteresse et ghetto de la nation, c’est elle qu’il s’agit d’abord de défendre et d’illustrer. Jusqu’au xixe s., le latin se maintient comme langue officielle, et la domination des Habsbourg fait peser sinon jusqu’à la Première Guerre mondiale du moins jusqu’au « Compromis » de 1867 un danger permanent de germanisation sur le pays. Le souci d’élargir leur audience conduira du reste plusieurs auteurs de premier plan à ne pas rédiger leurs écrits en hongrois : au xviiie s., c’est en français que François II Rákóczi compose ses Mémoires ; plus près de nous, Sándor Ferenczi (1873-1933), disciple éminent de Freud, et le philosophe G. Lukács ont écrit en allemand l’essentiel de leurs œuvres.

Le premier écrivain d’envergure européenne, Bálint Balassi (ou Balassa) [1554-1594], est à la fois un poète et un soldat. Grand pourfendeur de Turcs — il sera tué au siège d’Esztergom —, il doit se défendre contre le mépris des nobles autrichiens et contre les cabales ourdies par sa propre famille, qui l’accuse d’avoir contracté avec sa cousine un mariage incestueux. Ses poèmes, composés pour être chantés, sont empreints d’une sincérité, d’une grâce, d’une fraîcheur qui ne seront égalées que deux siècles plus tard. Grand patriote et militaire également, le comte Miklós Zrínyi (1620-1664) compose à la gloire de son aïeul, héros de la lutte contre les Turcs, une épopée pleine de vie et de rebondissements, la Zrinyade (1651). En 1590 paraît la traduction intégrale de la Bible de Gáspár Károli (1529-1591), dont la langue exercera jusqu’à nos jours une influence considérable. Philologue et poète, Albert Szenczi Molnár (1574-1634) met en vers les Psaumes en s’inspirant des versions françaises de Clément Marot et Th. de Bèze. Péter Bornemisza (1535-1584), compose ses Sermons et adapte en hongrois l’Électre de Sophocle. L’Encyclopédie hongroise de l’humaniste János Apáczai Csere (1625-1659) prouve aux contemporains que le hongrois n’est pas moins apte que le latin à exprimer les notions les plus variées.

Malgré le faste dont continuent à s’entourer les princes de Transylvanie, derniers mainteneurs d’un État hongrois indépendant des Habsbourg et des Turcs, la langue et la littérature hongroises entrent pourtant déjà dans une période de décadence qui ne s’achèvera qu’à la fin du xviiie s. Seules les chansons des kuruc, soldats devenus partisans de Thököly et de Rákóczi, attestent la permanence de la veine poétique populaire, cependant que Kelemen Mikes (1690-1761), compagnon d’exil de Rákóczi, conte avec esprit la vie des émigrés dans ses Lettres de Turquie, publiées seulement en 1794.

Le redressement s’amorce avec György Bessenyei (1747-1811), jeune officier de la garde hongroise au palais impérial de Vienne, qui, abordant presque tous les genres, imite tour à tour les poèmes et les tragédies de Voltaire, les comédies de Marivaux, les écrits philosophiques de Pope. Grâce à lui et à ses amis, les idées de la Révolution française s’implantent en Hongrie. « Vos regards attentifs, tournez-les vers Paris », dira en 1789 le poète János Batsányi (1763-1845). L’influence de la littérature française est également sensible dans la poésie volontiers ronsardisante de Sándor Kisfaludy (1772-1844). Le charme et la simplicité de ses Amours de Himfy (1801 et 1807), suites de douzains en vers de sept et huit pieds, tranchent avec bonheur sur les versifications à l’antique des Dávid Baróti Szabó (1739-1819), Miklós Révai (1749-1807), Benedek Virág (1754-1830) et même Dániel Berzsenyi (1776-1836).

Non moins savantes, l’épopée burlesque de Mihály Fazekas (1766-1828) Mathieu le gardeur d’oies (1815) et surtout l’œuvre inspirée du poète vagabond Mihály Csokonai Vitéz (1773-1805) joignent à leur perfection formelle la chaleur de la verve populaire.

Mais cette époque est avant tout celle du renouvellement de la langue, dont Ferenc Kazinczy (1759-1831) se fait le champion. Le hongrois, naguère truffé de latinismes, en ressort épuré et considérablement enrichi. Sur le plan esthétique, Kazinczy se fait l’apôtre d’un classicisme dont il propose Goethe pour modèle. Parmi ses nombreux disciples, Ferenc Kölcsey (1790-1838) est de nos jours surtout connu pour son Hymne qui, mis en musique par F. Erkel, deviendra plus tard l’hymne national.