Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
H

Hongrie (suite)

La grande crise économique se fait sentir en Hongrie à partir de 1930 : la production industrielle régresse de 24 p. 100, et le tiers des ouvriers connaît le chômage. Les difficultés raniment les oppositions politiques et sociales. Le parti des petits propriétaires renaît pour défendre les intérêts paysans et, lors des élections de 1931, il devient le plus important parti d’opposition, suivi du parti social-démocrate, qui ranime, avec le parti communiste illégal, les mouvements ouvriers et les grèves.

En août 1931, István Bethlen démissionne ; mais il continue à jouer un rôle important à l’intérieur du parti unitaire, dont l’aile droite prend le pouvoir en octobre 1932, avec le gouvernement de Gyula Gömbös (1886-1936), qui essaie d’endiguer les mouvements sociaux et de transformer son parti en un mouvement de masse à tendance totalitaire. Il fait voter une nouvelle loi de réforme agraire (non réalisée), accentue la propagande révisionniste, continue la politique pro-italienne, favorise la signature du pacte italo-austro-hongrois du 17 mars 1934 et se rapproche enfin de l’Allemagne hitlérienne.

Gömbös se heurte à l’opposition conservatrice et antinazie de l’aile gauche de son parti. À sa mort, son successeur Kálmán Darányi (1886-1939) occupe une position centriste, laquelle est rapidement modifiée sous la poussée des mouvements d’extrême droite ; ceux-ci, nés de la propagande nationaliste de Gömbös et de l’insatisfaction sociale, aggravée par la crise économique, sont réunis en 1937 par Ferenc Szálasi (1897-1946) dans le parti des Croix-Fléchées.

Si l’élargissement du pouvoir du régent Horthy tend à limiter la portée d’un éventuel succès de l’extrême droite aux élections, et si le programme d’industrialisation annoncé à Győr le 5 mars 1938 sert à la fois le réarmement et l’atténuation des tensions sociales, la loi antisémite du 8 avril 1938 est de caractère nettement fasciste. Les milieux gouvernementaux conservateurs réussissent à faire démissionner Darányi (8 mai 1938) et à imposer Béla Imrédy (1891-1946), dont la politique tourne rapidement vers la droite sous l’influence de l’Allemagne.

Imrédy obtient, lors du démembrement de la Tchécoslovaquie, la restitution d’une partie de la Slovaquie (Décision de Vienne du 2 nov. 1938) ; il fait voter la deuxième loi antisémite et signe en février 1939 le pacte Antikomintern. Au cours du même mois, l’aile libérale de son parti réussit à imposer le conservateur et antinazi Pál Teleki, qui fait occuper, en mars, contre la volonté de Hitler, la Ruthénie et obtient avec l’appui de l’Italie contre l’Allemagne la deuxième Décision de Vienne (30 août 1940), qui restitue à la Hongrie le nord de la Transylvanie. En contrepartie, Teleki doit rejoindre le pacte tripartite germano-italo-japonais (20 nov. 1940). En vue d’inaugurer une politique de compromis, il conclut un traité d’amitié avec la Yougoslavie (déc.), mais l’Allemagne exerce en avril 1941 de très fortes pressions sur la Hongrie pour obtenir sa participation à l’attaque contre Belgrade. Lorsque l’armée allemande traverse la Hongrie sans son accord, Teleki se suicide.

Son successeur, László Bárdossy (1890-1946), participe à l’action militaire allemande, fait occuper la Bačka et, sans l’accord du Parlement, déclare la guerre à l’Union soviétique (27 juin 1941). Les démarches pressantes de Ribbentrop et de Keitel obtiennent que la Hongrie envoie sur le front russe, au lieu de 35 000 hommes, 200 000 soldats, ce qui dépasse la capacité militaire et économique du pays.

Bárdossy doit démissionner (mars 1942), et le gouvernement de Miklós Kállay (1887-1968) a pour objectif de se retirer progressivement de la guerre. Il y est poussé également par l’opposition antinazie et antiallemande, qui organise, avec la participation du parti communiste illégal et sous la couverture d’un « Comité commémoratif historique », une manifestation de masse le 15 mars 1942. Kállay, tout en réprimant les mouvements d’opposition, retire, après la défaite de Voronej (janv. 1943 ; 40 000 morts, 70 000 prisonniers), les troupes hongroises du front et établit des contacts secrets avec la Grande-Bretagne en vue d’une paix séparée.

Le 19 mars 1944, l’Allemagne occupe la Hongrie et impose le gouvernement de Döme Sztójay (1883-1946), qui légalise la persécution des opposants au régime et la déportation de la moitié de la population israélite. Les organisations d’opposition créent, dans la clandestinité, le « Front hongrois », mais la résistance organisée ne parvient pas à une ampleur réelle. Le 24 août, Horthy révoque Sztójay et nomme le général Géza Lakatos (1890-1970) à la tête du gouvernement en vue de préparer l’armistice. Celui-ci est annoncé par Horthy le 15 octobre ; mais l’armée allemande oblige le régent à démissionner et impose les Croix-Fléchées de Szálasi, qui prend la tête de l’État et instaure un régime de terreur sur les territoires qu’il contrôle encore devant l’offensive soviétique.


La République populaire

En décembre 1944, l’armée rouge encercle Budapest. Le gouvernement de Szálasi, qui a évacué une partie de l’armée et des équipements industriels et tenté, en vain, de mobiliser la population, s’enfuit en Allemagne.

Le 22 décembre, les partis et les organisations ayant constitué le Front national hongrois forment à Debrecen un gouvernement provisoire (sous la présidence du général Béla Dálnoki Miklós [1890-1948]), qui signe le 20 janvier 1945 le nouvel armistice. L’Assemblée nationale provisoire vote le 15 mars une loi de réforme agraire distribuant à 660 000 paysans environ 1 800 000 ha.

Lors des élections de novembre 1945, le parti des petits propriétaires obtient 57 p. 100 des suffrages, les partis social-démocrate et communiste 17 p. 100 chacun, et le parti national paysan 8 p. 100. Le nouveau gouvernement est formé par Zoltán Tildy (1889-1961), chef du parti majoritaire, avec la participation des autres partis : son but est la reconstruction du pays.

Le 1er février 1946, le Parlement proclame la république et élit Tildy pour président. Ferenc Nagy (né en 1903) lui succède à la tête du gouvernement ; mais le parti au gouvernement est affaibli par la démission ou l’émigration de nombreux dirigeants de l’aile droite.