Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
H

Hohenzollern de Roumanie (suite)

Ferdinand accède au trône le 11 octobre 1914 ; ses inclinations et son passé le portent, comme son prédécesseur, vers les Empires centraux, mais la pression de l’opinion roumaine, celle de la reine Marie — anglophile et francophile —, les nécessités diplomatiques et l’espoir d’arracher la Transylvanie aux Hongrois le font, peu à peu, passer dans l’autre camp. En août 1916, la Roumanie entre en guerre aux côtés des Alliés. Ferdinand Ier supporte avec dignité les rapides revers infligés à l’armée roumaine par les forces austro-allemandes, bulgares et turques. Quand, dès la fin de 1916, les Allemands occupent Bucarest, le roi, son gouvernement et le reste de son armée s’installent en Moldavie, Iaşi étant la capitale provisoire. De là ils portent des coups à leurs adversaires : ainsi, en juillet 1917, à Mărăşeşti, quand le général Alexandru Averescu sauve la partie non occupée du pays.

La victoire des Alliés permet à Ferdinand de réaliser le rêve des Roumains en annexant la Transylvanie et en récupérant la Bessarabie et la Bucovine. En 1918, la « Grande Roumanie » est proclamée ; le 15 octobre 1922, à Alba-Iulia, Ferdinand est couronné triomphalement roi de tous les Roumains.

La période consécutive à la guerre est consacrée à la consolidation de la situation de la Grande Roumanie, à l’intégration des populations des nouveaux territoires (Hongrois notamment), à la mise en place du suffrage universel, et à la poursuite de la réforme agraire (1921) : le roi est en fait le premier grand propriétaire à amorcer une redistribution des terres. D’autre part, Ferdinand Ier prend une part active aux initiatives légales destinées à protéger les juifs roumains des effets d’un antisémitisme souvent virulent.

Cependant, la question sociale — liée à l’industrialisation du pays — commence à se poser avec acuité, témoin les grandes grèves d’octobre 1920 et la création du parti communiste roumain en 1921. En politique extérieure, Ferdinand Ier pratique avec la France une politique d’amitié dans le cadre de la Petite-Entente.

Les dernières années du roi sont attristées par les déceptions causées par son fils aîné, Charles (Carol II), qu’il doit écarter du trône, en décembre 1925, au profit de son petit-fils Michel.


Charles II ou Carol II

(Sinaia 1893 - Estoril, Portugal, 1953), roi de Roumanie (1930-1940). Fils aîné de Ferdinand Ier, il fait ses études militaires à Potsdam ; il entre en Roumanie en 1914. Quatre ans plus tard, il contracte un mariage morganatique avec la fille d’un officier, Zizi Lambrino : un fils naîtra de ce mariage, qui est dissous. En mars 1921, Charles épouse Hélène, fille du roi Constantin Ier de Grèce ; ils ont un fils, Michel, mais leur union est aussi malheureuse que possible, Charles affichant sa liaison avec Magda Lupescu. En 1925, sous la pression du parti libéral d’Ion Brătianu (1864-1927), le prince doit renoncer à ses droits sur le trône au profit de son fils Michel. Cette exclusion est solennellement ratifiée le 4 janvier 1926 et confirmée à la mort du roi Ferdinand (20 juill. 1927). Charles II s’installe en Angleterre, puis en France ; en 1928, la princesse Hélène obtient le divorce.

Le conseil de régence instauré en Roumanie durant la minorité de Michel se montre très vite impopulaire, au point que les adversaires des libéraux prennent contact avec Charles, mais celui-ci ne veut pas se contenter d’une place dans le conseil de régence et, revenu à Bucarest, se déclare roi le 8 juin 1930 ; la réconciliation avec Hélène se révèle impossible ; en 1931, Mme Lupescu rentre à la Cour.

Après avoir louvoyé entre les partis qui s’entre-déchirent et laissé la Garde de Fer se livrer à une sanglante agitation, Charles II, en février 1938, établit sa propre dictature, faisant promulguer une Constitution à caractère autoritaire. En même temps, l’affaiblissement de l’influence française fait tomber le royaume sous la coupe du Reich hitlérien, qui trouve en Roumanie le blé, le maïs et surtout le pétrole, indispensable à l’économie de guerre allemande. L’entente germano-soviétique (1939) permet à l’U. R. S. S. de saisir la Bessarabie et la Bucovine du Nord (juin 1940). Charles II ne peut rien ou ne veut rien faire contre ces humiliations. Il y a pire : le 30 août 1940, à Vienne, Hitler et Mussolini obligent la Roumanie à rendre à la Hongrie le nord de la Transylvanie. Si bien que Charles, dès le 6 septembre, doit abdiquer en faveur de Michel et s’exiler. La Roumanie tombe alors sous la coupe du « conducător » Ion Antonescu (1882-1946).

En juillet 1947, au Brésil, Charles épousera Mme Lupescu ; il mourra en exil six ans plus tard.


Michel Ier

(Sinaia 1921), roi de Roumanie (1927-1930 et 1940-1947). Écarté du trône par son père Carol II le 8 juin 1930, Michel Ier est réduit au titre de grand voïvode d’Alba-Iulia. Sa mère, qui divorce d’avec le roi Charles en 1928, quitte la Roumanie. Redevenu roi le 6 septembre 1940, Michel doit subir la dictature d’Ion Antonescu. Mais, tandis que ce dernier met toutes les forces du pays à la disposition de son alliée, l’Allemagne hitlérienne, contre l’U. R. S. S., le jeune roi se taille une grande popularité comme opposant de fait au régime, car il approuve les efforts des chefs démocrates Iuliu Maniu et Dinu Brătianu pour arracher la Roumanie de la guerre ; il joue un rôle décisif dans le coup d’État du 23 août 1944, marqué par l’arrestation d’Antonescu. Il forme ensuite un cabinet de coalition et demande un armistice aux Alliés.

Cependant, l’influence communiste, prépondérante avec la victoire de l’U. R. S. S., impose le ministère Petru Groza (6 mars 1945) avant d’acculer Michel Ier à l’abdication (30 déc. 1947), prélude à la proclamation de la République populaire de Roumanie. Désormais, Michel, qui épousera en 1948, à Athènes, Anne de Bourbon-Parme, vivra en exil.

P. P.

➙ Roumanie.