Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
H

histoire (suite)

Le siècle de l’histoire. Regard sur le présent

On a appelé le xixe s. le siècle de l’histoire : il est le siècle des grands livres et des grands écrivains. Sans doute, Chateaubriand* est-il à l’origine de cette inflexion du goût : le Génie du christianisme prépare une nouvelle école historique, qui va autant chercher à faire œuvre d’art qu’à reconquérir le passé. On assiste d’ailleurs à un véritable envahissement de la littérature par l’histoire, comme en témoigne l’abondance des drames et des romans historiques. « Tout prend aujourd’hui la forme de l’histoire : polémique, théâtre, roman, poésie », constate en 1831 Chateaubriand. Avant de proposer des faits et une interprétation, les historiens ont d’abord conscience d’écrire. De l’histoire narrative et dramatique d’Augustin Thierry, de l’histoire « philosophique » de Guizot* à la brillante facilité de Thiers* s’instaure un mode d’expression que résume la formule de Barante : « L’art historique, comme tous les arts [...]. » Dans la richesse de l’histoire romantique survivent quelques œuvres : celle de Tocqueville, remarquable de lucidité, celle d’Edgar Quinet, visionnaire enthousiaste, et celle de Michelet*, surtout, qui est une résurrection intégrale du passé. Résurrection : le mot implique la présence attentive, généreuse et sensible d’un écrivain, la vision d’un artiste inspiré. Qu’on relise ces lignes de la Préface à l’Histoire de France : « Ma vie fut en ce livre : elle a passé en lui. Il a été mon seul événement. Mais cette identité du livre et de l’auteur n’a-t-elle pas un danger ? L’œuvre n’est-elle pas colorée des sentiments, du temps, de celui qui l’a faite ? C’est ce qu’on voit toujours. Nul portrait si exact, si conforme au modèle, que l’artiste n’y mette un peu de lui [...] Si c’est là un défaut, il nous faut avouer qu’il nous rend bien service. L’historien qui en est dépourvu, qui entreprend de s’effacer en écrivant, de ne pas être, de suivre par derrière la chronique contemporaine [...] n’est point du tout historien [...]. L’histoire, dans le progrès du temps, fait l’historien bien plus qu’elle n’est faite par lui. Mon livre m’a créé. C’est moi qui fus son œuvre. »

L’histoire est objet de littérature parce que c’est un homme qui l’écrit. Aussi, en dépit des progrès de la science, en dépit de leur volonté d’être des hommes de science, les historiens de la génération suivante — Taine*, Renan*, Fustel de Coulanges — resteront avant tout des écrivains, s’il est vrai que ce par quoi ils nous captivent, c’est la manifestation d’une sensibilité liée à un pouvoir d’expression.

Mais, après eux, l’histoire se détache définitivement de la littérature. À la fin du xixe s., l’histoire historisante est l’histoire des professeurs ; aujourd’hui, l’histoire est devenue un travail d’équipe où s’interfèrent toutes les branches du savoir. Histoire sans littérature, ou alors la littérature est suspecte. On comprend l’anxiété d’un Lucien Febvre s’interrogeant sur l’avenir de l’histoire : « L’histoire se fait avec des documents écrits, sans doute. Quand il y en a. Mais elle peut se faire, elle doit se faire sans documents écrits s’il n’en existe point. Avec tout ce que l’ingéniosité de l’historien peut lui permettre d’utiliser pour fabriquer son miel, à défaut des fleurs usuelles. Donc avec des mots. Des signes. Des paysages et des tuiles. Des formes de champs et de mauvaises herbes. Des éclipses de lune et des colliers d’attelage. Des expertises de pierres par des géologues et des analyses d’épées en métal par les chimistes. D’un mot, avec tout ce qui, étant à l’homme, dépend de l’homme, sert à l’homme, exprime l’homme, signifie la présence, l’activité, les goûts et les façons d’être de l’homme. »

A. M.-B.

histologie

Étude microscopique des tissus animaux et végétaux et des cellules qui les constituent.


Discipline voisine de la cytologie, qui étudie les cellules isolées, l’histologie étudie maintenant, comme celle-ci, non seulement la morphologie des tissus, mais leurs constituants chimiques (histochimie) et leurs activités biologiques (histophysiologie).

En biologie, elle apporte des éléments fondamentaux à la physiologie, dont elle permet d’interpréter les résultats ; elle fournit des renseignements essentiels à l’embryologie et à la systématique, aussi bien dans le règne animal que dans le règne végétal.

En médecine, l’histologie proprement dite est l’anatomie microscopique : elle permet de connaître l’état normal des tissus et des organes. Les techniques histologiques appliquées aux tissus malades constituent l’histopathologie, ou anatomie pathologique microscopique : c’est la base de la pathologie dans toutes les branches de la médecine.


Historique

Née avec le microscope, l’histologie s’est surtout développée à partir de 1830, lorsque sont apparus les premiers instruments d’optique perfectionnés. Elle a connu un grand essor au milieu du xixe s. et au début du xxe s. Son histoire est d’ailleurs difficile à dissocier de celle de l’anatomie pathologique microscopique et de celle de la physiopathologie cellulaire. Les noms de Th. Schwann (1810-1882), de W. von Waldeyer (1836-1921), de C. Golgi (1843-1926) et de J. von Gerlach (1820-1896) à l’étranger, de V. Cornil (1837-1908), de L. Prenant (1861-1927), de L. A. Ranvier (1835-1922) et de Ch. Robin (1821-1885) en France ont notamment illustré cette histoire dans le domaine des structures tissulaires, des divisions et des multiplications cellulaires. L’histologie du système nerveux, particulièrement délicate et riche en implications physiopathologiques, a bénéficié plus spécialement des travaux de K. F. Burdach (1776-1847), de J. E. Purkinje (1787-1869), de P. E. Flechsig (1847-1929), de S. Ramón y Cajal (1852-1934), de A. Van Gehuchten (1861-1914), de F. Nissl (1860-1919) et de I. Bertrand (1893-1965).