Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
H

histoire

Science qui s’attache à retracer l’évolution des sociétés humaines.


Généralités

Depuis l’apparition de l’écriture, l’histoire n’est autre que la mémoire de l’humanité. Grâce à elle, la vie de l’humanité peut être reconstituée à la fois dans son déroulement chronologique et dans ses innombrables composantes : politiques, économiques, sociales, culturelles. Les zones d’ombre s’effacent peu à peu ; les liens qui unissent les différentes générations dans la chaîne des temps apparaissent ; les éléments explicatifs de leur évolution dans leur double cadre chronologique et spatial sont mis en valeur et discutés.


Matériaux de l’histoire

Double objet de la quête historique, la résurrection et l’explication du passé de l’humanité nécessitent la mise en œuvre de nombreux documents qui conservent la trace matérielle — écrite ou non — du passage de l’homme sur la Terre, de ses activités, de son mode et de son genre de vie. Sans eux il est impossible de saisir ses réactions face à l’événement, réactions qu’il faut piéger tant au plan de l’individuel que du collectif en raison de l’insertion — volontaire ou non, acceptée ou non — de chacun des fils de l’humanité dans les structures plus ou moins contraignantes d’une société, d’un État, d’une civilisation.

Parmi ces matériaux, il faut aujourd’hui réserver une place importante aux vestiges matériels que met au jour l’archéologie*. Le champ d’action de cette science ne se limite plus en effet à l’étude des peuples qui ont ignoré l’écriture (ceux de la préhistoire de l’Ancien et du Nouveau Monde) ou de ceux qui n’ont laissé que de trop rares documents écrits (peuples du Proche-Orient ancien ou du monde gréco-romain) ; il s’applique aussi à celle des sociétés appartenant depuis longtemps à la civilisation de l’écriture.

Recourant de plus en plus fréquemment à la photographie aérienne, révélatrice des structures agraires et des sites villageois ou urbains apparemment disparus sous le manteau végétal superficiel qui les dérobe maintenant à notre vue, précisant les datations grâce à l’étude attentive des phénomènes géographiques (varves), biogéographiques (dendrochronologie, palynologie, phénologie) et physico-chimiques (thermorémanence, thermoluminescence, radio-activité), les historiens peuvent désormais éclairer, approfondir, voire renouveler notre connaissance des sociétés médiévales grâce à la prospection de nombreux champs de fouille ouverts. À l’essor de cette archéologie médiévale se sont attachés de nombreux historiens français (Michel de Boüard à Caen, Jean-Marie Pesez à Paris) et polonais (Józef Kostrzewski, Witold Hensel), ces derniers ayant porté principalement leur intérêt sur les sites de villages ou de centres préurbains (Gniezno, Poznań, Opole, Biskupin, etc.). Il en résulte une meilleure connaissance des biens mobiliers (instruments aratoires, matériaux de construction), des pratiques alimentaires (traces de consommation), des pratiques professionnelles (différenciation des activités à partir de l’outillage et des objets de consommation), des pratiques religieuses (cimetières, etc.) et, par contrecoup, une meilleure connaissance du niveau de vie et du degré d’acculturation des populations concernées.

Souvent irremplaçables pour qui veut approfondir la connaissance des civilisations anciennes, les matériaux archéologiques, même plus précisément datés, n’en restent pas moins secondaires et complémentaires des documents écrits, sources fondamentales de la recherche historique. Supportés par la pierre, par la cire ou par le papyrus pendant l’Antiquité, puis par le parchemin, utilisé en France dès 677, et enfin par le papier, qui, de Chine, où il apparaît dès 105 apr. J.-C., gagne Byzance en 1052 et l’Espagne, où il est utilisé à Játiva en 1154, ces textes ne peuvent, bien entendu, être étudiés avec profit sans une initiation préalable. Celle-ci doit, en effet, mettre l’historien à même d’en déchiffrer la graphie, d’en saisir le sens, d’en préciser la date de rédaction. Pour parvenir à de tels résultats, il lui faut d’abord recourir aux techniques éprouvées, mais en voie de renouvellement constant de l’épigraphie*, de la paléographie*, de la sigillographie* et de la linguistique*. Mais il lui faut aussi faire appel à celles, plus modernes, des hologrammes (v. holographie) ou de l’analyse spectrale ponctuelle par laser*, qui permettent de restituer la forme des caractères, la nature de leur support et de leur encre, et donc d’en localiser la composition dans le temps et dans l’espace. Ainsi identifiés, les documents écrits s’offrent à l’analyse de l’historien dans la diversité de leur origine, de leur nature et de leur contenu. Plus précocement étudiés, les documents narratifs nous permettent parfois, à travers le support de l’écrit, de saisir les traces, combien difficiles à interpréter souvent, de la tradition orale, seule apte, à l’origine des temps historiques, à assurer la transmission de la connaissance de génération en génération. Illustrée par les légendes antiques, par les sagas* scandinaves, par les épopées médiévales (Beowulf, Nibelungenlied, la Chanson de Roland), une telle tradition se révèle le seul instrument d’étude des mentalités des sociétés paysannes primitives, qui ne participent généralement que de manière très marginale et surtout très tardive à la civilisation de l’écrit. À condition d’en critiquer avec soin le contenu, d’en éliminer les interpolations savantes, d’en distinguer les composantes dans leur diversité structurelle et chronologique, composantes dont certaines peuvent s’être surajoutées même au xixe s. en Europe, voire au xxe s. dans d’autres continents au vieux fond mythique primitif.

Plus importants par leur contenu même sont les documents narratifs rédigés par les scribes des empires du Proche-Orient antique ou du monde gréco-romain, par les clercs tant des palais impériaux ou royaux que des principautés laïques ou ecclésiastiques du Moyen Âge pour assurer la conservation des faits mémorables vécus par chaque génération.