En pinyin Xia Gui ; prénom de courtoisie Yuyu. Peintre chinois (actif v. 1190-1225).
Xia Gui est, avec son contemporain Ma Yuan*, le représentant le plus important de la peinture de paysage à l’époque des Song* du Sud (1127-1276). Il occupa un poste officiel à l’Académie impériale sous le règne de Ningzong (Ning-tsong, 1195-1224) et mérita la distinction honorifique de la Ceinture d’or. Ce sont à peu près les seules informations qui nous soient parvenues sur sa vie, car, dès l’époque Yuan, la préférence pour un style aux effets moins spectaculaires et moins concertés frappa d’ostracisme les œuvres de l’école « Ma-Xia » (« Ma-Hia »).
Il était originaire des environs de Hangzhou (Hang-tcheou), où la cour impériale avait dû se réfugier en 1127 sous la pression du Nord. La douceur luxuriante de ce site, différent des paysages sévères de la Chine du Nord, la poésie du lac de l’Ouest et des collines qui l’entourent, le milieu urbain raffiné, tout contribuait à renouveler l’inspiration des artistes et à insuffler un esprit nouveau à l’académie de peinture, recréée à Hangzhou. Cependant, si l’esprit est nouveau, plus lyrique, plus poétique, la coupure n’est pas totale avec l’époque des Song du Nord. Un peintre comme Li Tang (Li T’ang*), qui fut membre des deux académies de Kaifeng (K’aifong) et de Hangzhou, établit le lien entre les deux périodes ; il garde encore la vision grandiose des paysagistes des xe-xie s. (tel Fan Kuan [Fan K’ouan*]), mais son œuvre se teinte d’une sensibilité plus romantique.
Se réclamant de Li Tang, Xia Gui reprend sa technique des coups de pinceau « taillés à la hache », mais en les chargeant d’une intensité plus dramatique. Cette écriture audacieuse, qui deviendra caractéristique du paysage des Song du Sud, est mise tout entière au service d’une peinture dépouillée et elliptique. Plus encore que Ma Yuan, Xia Gui simplifie le thème et la forme. Dans ses paysages, les masses rocheuses sont réduites au minimum, tandis que les nappes de brume deviennent l’élément essentiel du fond, autour duquel toute la composition s’organise. Cette conception fragmentaire du paysage trouve son expression la plus parfaite dans la formule du rouleau horizontal. Dans Vue claire et lointaine d’un fleuve dans les montagnes, l’œil est constamment attiré puis repoussé des zones remplies aux espaces vides. Néanmoins, chaque section du rouleau, que le spectateur découvre au gré de sa lecture, constitue un tout cohérent.
Le support de papier, et non de soie, met en relief la virtuosité du pinceau de l’artiste et son génie de l’encre. La fermeté de la main apparaît tant dans les surfaces rocheuses, rendues à l’aide de coups secs (« coups de hache »), que dans les détails anecdotiques (ponts, pavillons, petits personnages), ou dans les feuillages, travaillés d’un pinceau effiloché. Par la seule richesse de ses dégradés, le lavis anime l’espace pictural.
Soutenu par une inspiration sincère, Xia Gui garde suffisamment de retenue pour éviter l’artificiel. Ses imitateurs, en revanche, tendront à la prouesse technique et à la mise en formules. Cet art, facile à saisir dans ses caractères extérieurs, connut une vogue considérable à l’étranger, au Japon notamment (v. Sesshū). L’Occident y a vu l’essence même de la peinture chinoise, alors que la critique lettrée, en Chine, ne lui a jamais accordé qu’une faveur modérée, préférant des créations à résonances plus profondes.
F. D.