Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

ampère (suite)

Les étalons de résistance et de force électromotrice peuvent être conservés, transportés ou comparés à ceux d’autres laboratoires ; utilisés conjointement, ils permettent de reproduire l’ampère. Le Bureau international des poids et mesures compare périodiquement les étalons des principaux laboratoires d’étalonnage électrique et assure l’uniformité mondiale des mesures électriques dans les grands laboratoires avec une précision meilleure que le millionième. La valeur assignée à ces étalons nationaux et aux étalons du Bureau international découle d’une moyenne des résultats de quelques mesures absolues faites avec beaucoup de soin dans plusieurs pays du monde.

La conservation de l’ampère au moyen d’étalons de résistance et de force électromotrice ne permet pas d’assurer une permanence parfaite de la valeur de ces étalons pendant plusieurs années. Une autre méthode pour conserver ou reproduire l’ampère utilise la relation qui existe entre la valeur du champ d’induction B, créé en un point à l’intérieur d’un enroulement conducteur parcouru par un courant continu, et la fréquence de précession du proton dans ce champ. Si l’enroulement conserve les mêmes dimensions géométriques, ce dont on peut s’assurer, il suffit de retrouver la même fréquence, que l’on sait mesurer avec une précision surabondante, pour être certain que l’intensité de courant électrique a été reproduite avec la même valeur. Les protons que l’on utilise sont les noyaux des atomes d’hydrogène de l’eau contenue dans un ballon. Avec une bobine auxiliaire, on produit momentanément un champ polariseur qui oriente les protons dans une direction perpendiculaire au champ B. Ensuite, pendant quelques secondes, les protons « précessionnent » dans le champ B à la façon d’un gyroscope et induisent un champ périodique dans une autre bobine auxiliaire ; la fréquence induite est mesurable au millionième près.

Si l’enroulement producteur du champ B a une forme et des dimensions permettant de calculer la valeur de B exprimée en teslas, la fréquence observée est 42,575 9 MHz/T.

J. T.

Ampère (André Marie)

Physicien et mathématicien français (Lyon 1775 - Marseille 1836).



Sa vie

Son père, ancien négociant en soieries, exploite un petit domaine à Poleymieux, près de Lyon. Le jeune Ampère est élevé sans maître, à la façon de l’Émile de Jean-Jacques Rousseau.

D’une grande vivacité d’esprit, l’enfant manifeste très tôt une curiosité extraordinaire pour tout ce qui l’entoure. Parlant de lui, plus tard, il écrira : « Avant de pouvoir lire, le plus grand plaisir du jeune Ampère était d’entendre des morceaux de l’Histoire naturelle de Buffon. Son père commence à lui enseigner le latin, mais, observant chez lui une exceptionnelle disposition pour les mathématiques (à treize ans, l’enfant compose un traité sur les sections coniques), il entend la favoriser et lui procure tous les livres utiles. Le jeune homme lit avec avidité tout ce qu’il peut en littérature, en philosophie et en mathématiques. Doué d’une mémoire étonnante, il connaît bientôt, d’un bout à l’autre, les vingt-huit tomes de l’Encyclopédie.

Il accueille avec transport la Révolution de 1789, dont les idées le plongent dans l’enthousiasme. Mais, après avoir perdu sa sœur aînée, qui a eu une grande influence sur son enfance, il va subir une nouvelle et terrible épreuve : son père, qui a accepté imprudemment la charge de juge de paix pendant le soulèvement de Lyon contre la Convention, est traduit en 1793 devant le Tribunal révolutionnaire et exécuté. André Marie tombe dans une prostration qui, dira-t-il lui-même, « frisait l’imbécillité ». Mais la lecture de Rousseau, éveillant en lui la passion de la botanique, va le sortir de cette crise.

Enthousiaste et passionné, Ampère s’adonne avec une même ardeur à la poésie et à la musique. Il compose, entre autres, une pièce romantique dont les vers préfigurent les Méditations de Lamartine :
Tout passe ! C’est ainsi que la course des âges
Sur les ailes du temps emporte nos beaux jours,
Qu’un ciel pur et serein se couvre de nuages,
Que l’absence succède aux plus tendres amours !
Ô Fanny ! C’est ici que mon âme éperdue
Nourrira les chagrins dont je suis déchiré.
J’y dirai tous les jours : « C’est là que je l’ai vue !
En me disant adieu, c’est là qu’elle a pleuré ! »

Malgré les travaux variés qui auraient pu l’absorber entièrement, Ampère n’ignore pas les passions de la jeunesse. L’histoire de son mariage est un vrai roman : il aperçoit un soir à la campagne une jeune fille blonde faisant un bouquet ; il ne l’a jamais vue et ne sait rien d’elle. Il n’en décide pas moins sur-le-champ de demander sa main. Et trois ans après, en 1799, il épouse cette Julie Carron, qui lui donnera un fils, Jean-Jacques, futur écrivain et académicien.

C’est en vue de ce mariage que le jeune Ampère, sans fortune, doit choisir une profession. Il commence par donner à Lyon des leçons particulières. Puis, en 1801, sur l’intervention de quelques amis, il est nommé, bien que sans diplôme, professeur de physique à l’École centrale de l’Ain à Bourg-en-Bresse. Mais la santé de sa femme commence à décliner, et il doit se rendre seul dans cette ville. C’est là que, tout en écrivant chaque jour à son épouse, et tout en se livrant à d’intéressantes expériences de chimie, il compose en 1802 ses Considérations sur la théorie mathématique du jeu, ingénieuse application du calcul des probabilités.

Lalande, puis Delambre, lors de leurs voyages d’inspection, remarquent la valeur exceptionnelle des travaux du jeune professeur, qui ne tarde pas à obtenir une chaire de mathématiques et d’astronomie au nouveau lycée de Lyon. Mais l’existence dans cette ville lui devient vite insoutenable, car la mort de sa femme, au moment même où allait cesser leur cruelle séparation, provoque en cet homme sensible un profond abattement. Il contractera en 1806 un second mariage qui ne lui apportera que des déceptions.