Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
H

Hemingway (Ernest Miller) (suite)

On considère généralement ce western espagnol en trois jours comme le dernier grand roman de Hemingway. Le suivant, Au-delà du fleuve et sous les arbres (Across the River and into the Trees, 1950) semble une parodie de Hemingway par lui-même. Un colonel américain revient mourir en Italie, où il a combattu. En attendant le glas, il se donne une fiesta : boit, chasse, pêche et aime pour la galerie et pour l’honneur. Mais cet ancien combattant parle plus qu’il n’agit. Il dorlote sa mort en gondole. Il ne meurt pas : il se laisse glisser. Il y a de l’humour noir et de la parodie dans cette mise à mort d’un demi-solde vieilli. Comme Thomas Mann, Hemingway a choisi Venise comme décor d’une sénescence qu’il redoute. Le colonel Cantwell, grognard fatigué, représente la déchéance, que Hemingway évitera en se suicidant.

Le Vieil Homme et la mer (The Old Man and the Sea, 1952) est au contraire une épure stoïque, qui reprend le thème traité vingt ans plus tôt dans l’Invincible. Le vieux pêcheur, qui n’a rien pris depuis quatre-vingt-quatre jours, est semblable au torero vieilli. Les requins dévorent l’énorme espadon qu’il prend. Le vieil homme rentre au port avec un plat d’arêtes. Personne ne sera témoin de sa victoire, qui est à la fois une défaite et son unique richesse. Seul avec la mer, il a fait son devoir, parce que cette force morale est sa seule certitude. C’est le dernier roman publié du vivant de Hemingway.

Îles à la dérive (Islands in the Stream, 1970) est une œuvre posthume. Hemingway eût probablement resserré d’un tiers ce livre un peu bavard et trop « ernestoïque ». Mais ce roman, composé de trois récits distincts, situés dans la mer de Cuba, résidence favorite de Hemingway, reprend les grands thèmes habituels de la mort, de la lutte inutile, de l’apprentissage du courage. Très autobiographique, il met en scène les épouses et les enfants de Hemingway, ses chats, son bateau, ses amis cubains. Une fois de plus, le roman d’aventures est en fait une quête spirituelle : Hemingway essaie une dernière fois de débusquer la baleine blanche qui hante son œuvre, le monstre sans visage qu’il affronte sans illusion, mais sans peur. Parce qu’il n’y a rien d’autre à faire ici-bas, que de monter en ligne avec ses cannes à pêche, ses fusils, ses copains et son whisky. « Le tout est de durer », disait Hemingway, ce desperado de l’écriture. Il a duré. Mais, quand les forces ont commencé à le trahir, il a devancé l’appel et s’est suicidé d’une balle dans la tête. C’était cela aussi son style. Un style qui durera.

J. C.

 J. K. M. McCaffery, Hemingway, the Man and his Work (New York, 1950). / J. Atkins, The Art of Hemingway (Londres, 1952). / P. Young, Ernest Hemingway (Londres, 1953 ; nouv. éd., 1965). / Ernest Hemingway, configuration critique, numéro spécial de la Revue des lettres modernes (Minard, 1957). / G. A. Astre, Hemingway par lui-même (Éd. du Seuil, coll. « Microcosme », 1959). / C. Baker, Hemingway, the Writer as Artist (Princeton, 1963) ; Ernest Hemingway, a Life Story (New York, 1969 ; trad. fr. Hemingway, histoire d’une vie, Laffont, 1971 ; 2 vol.). / R. Asselineau, Hemingway (Seghers, 1972).

hémiplégie

Paralysie atteignant une moitié du corps, la droite ou la gauche.



Introduction

L’usage est de réserver le terme d’hémiplégie à celles de ces paralysies qui sont secondaires à une atteinte des neurones moteurs centraux (dont les cellules dites « pyramidales » se trouvent dans la partie du cerveau située près de la scissure de Rolando et dont les fibres descendent vers les neurones moteurs périphériques, situés pour la face dans le tronc cérébral et pour le reste du corps dans la moelle épinière). La lésion responsable de l’hémiplégie siège donc sur la « voie pyramidale », entre la zone motrice de l’écorce cérébrale (zone rolandique), du côté opposé à la paralysie, et la pyramide bulbaire, du même côté que la paralysie (la voie pyramidale croise en effet la ligne médiane au niveau de la moitié inférieure du tronc cérébral). Il arrive que la lésion siège au niveau de cette décussation, et c’est alors que l’on peut observer d’un côté une hémiplégie limitée aux membres supérieurs et inférieurs, tandis que la face, si elle est paralysée, l’est non pas en raison d’une atteinte pyramidale, mais en raison d’une atteinte du neurone moteur périphérique : il est réalisé alors un tableau dit « hémiplégie alterne » avec, par exemple, paralysie faciale droite, hémiplégie du bras et de la cuisse gauches.


Symptomatologie

Le déficit moteur est d’intensité variable. Lorsqu’il est également réparti sur les trois segments (face, membre supérieur, membre inférieur), on parle d’hémiplégie proportionnelle. La musculature du tronc peut être considérée comme normale dans l’hémiplégie. Dans la plupart des cas s’associe au déficit moteur un état spasmodique, ou spasticité, qui prédomine aux membres inférieurs sur les muscles extenseurs et aux membres supérieurs sur les fléchisseurs. Cette spasticité va de pair avec une exagération des réflexes ostéo-tendineux. Le réflexe cutané plantaire (provoqué en grattant la plante du pied) se fait en extension ; c’est le signe de Babinski. Lorsqu’elle est récente et s’est installée brutalement, l’hémiplégie est flasque, c’est-à-dire qu’au lieu d’une spasticité existe une hypotonie (un relâchement) musculaire.


Diagnostic

Reconnaître une hémiplégie ne présente de difficultés que lorsqu’elle est discrète (c’est alors une hémiparésie) ou qu’existe, quelle que soit son intensité, un coma profond. Dans ce cas, en effet, la motilité est abolie globalement, si bien que l’extériorisation de l’hémiplégie est aléatoire : on observe seulement une asymétrie du tonus ou de la réactivité motrice aux stimuli douloureux. La mise en évidence de l’hémiplégie aurait pourtant valeur de signes de localisation et, à ce titre, contribuerait au diagnostic étiologique du coma.


Causes des hémiplégies

Les hémiplégies reconnaissent des causes multiples, encore que la majorité d’entre elles correspondent à des accidents vasculaires cérébraux entraînant un arrêt de l’apport d’oxygène aux cellules cérébrales, et par suite une lésion de celles-ci. Il peut s’agir d’une ischémie, c’est-à-dire une diminution de l’irrigation du cerveau, secondaire à une occlusion artérielle : embolie venue du cœur ou des vaisseaux du cou, thrombose « in situ », conjonction d’une sténose vasculaire serrée et d’une petite embolie ou d’une chute du débit circulatoire général (chute de la tension artérielle). De tels accidents, volontiers nocturnes, s’installent rapidement, sans coma, quelquefois par à-coups successifs. Leur évolution est généralement assez favorable. En cas d’hémorragie cérébrale, quelle qu’en soit la cause (hypertension artérielle, malformation vasculaire), l’hémiplégie pourtant massive est initialement au second plan derrière le coma : elle ne régressera que très incomplètement. Parmi les autres causes d’hémiplégie, il faut citer les traumatismes crâniens, où l’hémiplégie témoigne d’un hématome ou d’une contusion cérébrale, et les tumeurs cérébrales, où l’hémiplégie se développe souvent de façon progressive et où elle peut être précédée d’une épilepsie localisée. Plus rarement est en cause un processus infectieux (méningite, encéphalite) ou inflammatoire. Certaines hémiplégies sont congénitales, témoignant d’une encéphalopathie périnatale dont la nature exacte est souvent difficile à préciser (souffrance fœtale, infection néo-natale). Les enfants porteurs de telles hémiplégies cérébrales infantiles prennent place dans le cadre dit « des infirmes moteurs cérébraux » (I. M. C). Les problèmes médico-pédagogiques sont prééminents ; ils sont d’autant plus facilement résolus qu’il n’y a pas d’épilepsie associée et que le quotient intellectuel est normal ou convenable.