Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
H

hématologie

Étude du sang à l’état normal et pathologique. L’hématologie a connu au cours des toutes dernières décennies un développement qui lui vaut une place privilégiée parmi ce qu’il est convenu d’appeler les spécialités médicales.


À partir de l’étude morphologique, précisant l’aspect des cellules sanguines, et d’études physiologiques permettant de saisir pour chaque lignée globulaire leur lieu de production et de destruction, il a été possible d’identifier un certain nombre de maladies appelées hémopathies, correspondant à des altérations de ces mécanismes. Parmi les plus anciennement connues figurent les déficiences en globules rouges, ou anémies*. C’est ainsi que Thomas Addison (1793-1860) individualisa vers 1855 une maladie qui porte son nom dans les pays anglo-saxons et celui du Suisse Anton von Biermer (1827-1892) dans le nôtre. Ce dernier, en effet, relata plusieurs observations de cette maladie quelques années plus tard. Ultérieurement, divers auteurs, dont John Hunter (1728-1793), constatèrent que cette anémie s’accompagnait souvent de manifestations neurologiques et digestives. Les caractères hématologiques proprement dits de l’affection furent ensuite précisés grâce à la pratique systématique d’hémogrammes et surtout de myélogrammes après ponction de la moelle sternale. Mais c’est surtout à la suite des travaux du physiologiste américain George Whipple (né en 1878), mettant en évidence chez le chien le rôle capital du foie dans la réparation des pertes globulaires (1925) et de ceux de ses compatriotes George Minot (1885-1950) et William Murphy (né en 1892) [1926], aboutissant au traitement de la maladie par ingestion de foie cru, puis par ingestion ou injection d’extraits hépatiques purifiés, qu’une étape thérapeutique décisive fut franchie. Vers les mêmes années, William B. Castle proposait en traitement adjuvant un facteur provenant de la muqueuse gastrique. On s’aperçoit donc, à propos de l’exemple fourni par les acquisitions progressives concernant la maladie de Biermer, à quel point l’hématologie a pu bénéficier d’une méthode de diagnostic précis, l’hématocytologie, et de données expérimentales. L’aboutissement de cette démarche fut la découverte, en 1948, de la vitamine B12, dite « antipernicieuse », d’abord extraite de foies d’animaux, puis obtenue industriellement à partir de bouillons de cultures de divers Streptomyces. Ce principe vitaminique est vite apparu comme le facteur fondamental manquant chez les sujets atteints de la maladie de Biermer. Son utilisation thérapeutique a transformé le pronostic d’une affection autrefois très grave.

Bien d’autres causes d’anémies sont par ailleurs reconnues, qui relèvent de thérapeutiques diverses et dont le diagnostic peut être précisé grâce à des techniques variées. Au cours de certaines anémies particulièrement sévères, les transfusions de sang frais isogroupe, voire de culots globulaires s’imposent. Elles constituent une arme thérapeutique particulièrement utile dans la médecine moderne et justifient l’implantation de banques de sang dirigées par des équipes d’hémobiologistes dans les principaux centres hospitaliers.

À l’inverse, les polyglobulies essentielles ou secondaires, caractérisées par un excès de globules rouges, ont été traitées par des saignées avant de faire l’objet, pour certaines d’entre elles, de thérapeutiques radio-actives. Les travaux d’Henri Vaquez (1860-1936), de William Osler (1849-1919), notamment, ont contribué à la connaissance de ces affections.

Les hyperproductions de globules blancs sont connues depuis Rudolf Virchow (1845) sous le nom de leucémies, ou cancer du sang. Au début du xxe s. furent individualisées les leucémies aiguës et les leucémies chroniques, entre lesquelles se situent les formes frontières, connues grâce à G. Di Guglielmo (1886-1961) et à Paul Chevallier (1884-1960). Ces diverses variétés de leucémies sont l’objet des principales préoccupations des hématologistes et des cancérologues du monde entier (v. leucémie).

Il est aussi des affections de la moelle osseuse réalisant à l’extrême une aplasie de cet organe, portant suivant les cas sur la série blanche, sur la série rouge ou sur les deux séries à la fois ainsi que sur les plaquettes. Elles ont été particulièrement étudiées par Paul Ehrlich (1854-1915), Georges Hayem (1841-1933) et Werner Schultz (1878-1947).

Quant aux maladies primitives portant sur les ganglions lymphatiques, elles sont à rapprocher à maints égards de celles des globules blancs. Thomas Hodgkin (1798-1866) fut le premier, en 1832, à isoler des polyadénopathies chroniques non tuberculeuses, mais ce sont en fait R. Paultauf (1858-1924) et K. Sternberg (1872-1935), qui, en 1897, individualisèrent les caractères histologiques propres de la lymphogranulomatose maligne, appelée indifféremment maladie de Hodgkin ou maladie de Paultauf-Sternberg. La situation nosologique de cette maladie, bien qu’encore mal précisée, tend, actuellement, à être mieux définie grâce à de nombreux travaux portant sur les affections du système réticulo-enthélial et aboutissant au démembrement de celles-ci. Il est cependant à noter que, dès 1853, Virchow appelait lymphosarcomes les tumeurs ganglionnaires malignes (ce vocable étant aujourd’hui conservé) et qu’en 1893 H. Kundrat (1845-1893) attirait l’attention sur leur tendance à la généralisation à tout l’appareil lymphopoïétique. Leurs rapports avec certaines leucémies ont été prouvés par de très nombreux travaux expérimentaux modernes portant sur la transmission chez l’animal de lymphosarcomes et de leucoses. On peut ainsi formuler sans excès que les premiers sont des cancers des cellules blanches fixées au niveau des ganglions et les secondes des cancers des globules blancs circulants. D’ailleurs, l’existence de tumeurs solides au cours de leucémies vient corroborer ce fait, tel le chlorome, ou cancer vert d’Aran. De même est à en rapprocher le myélome multiple des os*, ou maladie de Kahler, que caractérise une prolifération anormale des plasmocytes.