Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
H

hellénistique (monde) (suite)

Triparadisos, 321 av. J.-C.

Perdiccas avait voulu, après avoir usurpé le titre de tuteur des rois, imposer son autorité à Ptolémée Ier Sôtêr (très indépendant dans sa riche satrapie). Il fut assassiné. Ptolémée se vit proposer sa succession ; il ne l’accepta point, préférant se consacrer à la mise en valeur de l’Égypte, dont il faisait peu à peu sa propriété, et ne voulant pas avoir à affronter ses collègues pour obtenir l’empire du monde oriental.

Une nouvelle réunion des chefs militaires devenait nécessaire, d’autant que Cratère, à son tour, venait de mourir. À Triparadisos, en Syrie du Nord, le titre de régent fut donné au vieil Antipatros ; Antigonos le Borgne (Monophthalmos) se vit offrir la « stratégie » d’Asie (pouvoir illimité sur les territoires d’Orient) ; Séleucos Ier Nikatôr, un des assassins de Perdiccas, fut installé en Babylonie. L’empire d’Alexandre était déjà moribond ; comment Antipatros serait-il capable de faire respecter depuis la Macédoine, dont il n’était jamais sorti, son autorité par les rois installés en Asie, riches et puissants ? Déjà l’Orient semblait prendre ses distances, et l’hellénisme se découvrait d’autres capitales. Eumenês de Cardia, dernier dépositaire des pensées du conquérant et seul fidèle à ses désirs, inquiétait, détonnait parmi les généraux : on le mit au ban de l’empire.


Antigonos Monophthalmos

Antipatros mourut en 319 av. J.-C. Cassandre, son fils, malgré ses volontés posthumes, réussit à s’emparer de la Grèce et de la Macédoine ; il en profita pour faire assassiner les rois Philippe III (317), puis Alexandre IV (310-309), qui étaient tombés ainsi en son pouvoir. En débarrassant tous les diadoques du fils de Roxane, il leur ôtait tout motif de retenue ; la couronne était désormais à qui saurait la prendre. Antigonos, aidé de son fils Démétrios Ier Poliorcète (336-282 av. J.-C.), était le plus puissant ; il se noua donc contre lui une vaste coalition de tous ceux qui avaient peur qu’il ne les devançât.

Ptolémée, Cassandre, Lysimaque, le maître des détroits, aidés de Séleucos, qu’en 316 Antigonos venait de chasser de Babylone, l’obligèrent à lutter sur deux fronts. En Occident, malgré son habileté à ôter à Cassandre l’appui des cités grecques (il les avait proclamées libres), Antigonos ne put porter de coups décisifs. En Syrie, il fut vaincu, de façon inattendue d’ailleurs, par Ptolémée à Gaza (Séleucos en profita pour se réinstaller en Babylonie). En 311, une paix fut signée pour que chacun reprît souffle.

La lutte recommença au printemps 306. Démétrios Poliorcète (« le preneur de villes ») remporta à Salamine de Chypre une éclatante victoire navale sur les Lagides* ; son succès permit à Monophthalmos de se proclamer roi et de prétendre ainsi à la succession d’Alexandre. En 305-304, Ptolémée l’imita, mais il assumait le titre, lui, pour affirmer son droit à régner sans maître en Égypte, ce qu’il fit jusqu’en 283 av. J.-C. Cassandre, Lysimaque, Séleucos, à leur tour, furent proclamés « basileis » (rois). La guerre continuait. Démétrios, roi en Macédoine (306-287), reçut de son père la responsabilité de la lutte en Occident ; il se fit accueillir à Athènes comme un libérateur et sut redonner quelque vigueur à la ligue de Corinthe. Quelque temps, on put croire que, grâce à ces succès, Antigonos pourrait réunir sous son autorité toutes les terres qu’avait possédées Alexandre, mais, au cours de l’été 301, en Phrygie, à Ipsos, la fortune changea de camp. Le roi mourut sur un champ de bataille, écrasé par Lysimaque et Séleucos. Sa fin marqua le début véritable de l’époque hellénistique ; personne ne crut plus, désormais, qu’il était possible de sauvegarder l’unité politique des terres conquises par l’hellénisme ; les alliés se partagèrent les dépouilles (le grand bénéficiaire semblant être Séleucos). Il ne restait plus à chaque survivant qu’à assurer son pouvoir sur son domaine.


Les années de stabilisation (301-276)

Il fallut encore près de trente ans pour que le monde grec trouvât un semblant d’équilibre : Ptolémée Lagide tenait l’Égypte et Cyrène, et nul ne fut capable de l’inquiéter en ses domaines ; il ne voulait pas, néanmoins, renoncer à ses ambitions sur le sud de la Syrie. En 281, au Couroupédion, Séleucos dut se débarrasser de Lysimaque pour s’emparer de l’Asie Mineure ; il passa alors en Europe, où il fut assassiné, mais son fils Antiochos Ier put recueillir son héritage. Démétrios, lui, après Ipsos, ne perdit pas courage : roi sans royaume, il réussit néanmoins à reprendre pied en Grèce, et son fils Antigonos Gonatas put s’emparer de la Macédoine (après une victoire retentissante sur les Galates à Lysimacheia) et fonder ainsi la troisième des grandes dynasties, celle des Antigonides*.

Ce n’était pas pour autant la fin des ambitions. Le monde hellénistique ne connut guère la paix ; à l’intérieur, tel serviteur de roi réussissait à fonder, lui aussi, une dynastie (Philetairos de Pergame*, qui fut à l’origine de la fortune des Attalides), tel vassal se rendait indépendant ; sur les frontières apparaissaient des ennemis puissants : en deux siècles, le monde hellénistique devint une ruine que possédaient les Romains ou les Parthes. Mais, avant de succomber, il avait su devenir leur maître de civilisation.


Structures du monde hellénistique

Le monde hellénistique est le monde des rois. Ceux-ci exercent sur tous les territoires qu’ils dominent (les empires sont immenses ; les Attalides règnent sur 180 000 km2) un pouvoir absolu, au nom des droits que leur ont donnés les succès d’Alexandre et leurs propres victoires ; droit de la lance, qui les oblige à être d’abord chefs d’armée. Leur fonction est de protéger ceux qui se sont soumis à eux, de leur garantir la paix et la prospérité ; ils sont ceux par qui le monde est ce qu’il doit être ; ils en sont les « fondateurs » et les « sauveurs ». Les lois naissant des rois, la nature même et la vie dépendent d’eux. Un culte leur est rendu sous des formes diverses ; seule la Macédoine ne sera pas tentée de diviniser ses souverains.