Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
H

Haydn (Joseph) (suite)

Dans les lettres qu’en 1789-90 il adressa à son amie viennoise Marianne von Genzinger, Haydn parle de son « désert », se plaint de n’avoir « aucune compagnie humaine » et de « toujours devoir être esclave ». Le 28 septembre 1790, la mort de Nicolas mit un terme à cette situation. Son fils, le prince Antoine, hérita de ses titres et biens, mais non de son goût pour la musique. Haydn, toujours maître de chapelle mais sans obligations précises, put enfin accepter les offres de l’imprésario londonien Salomon : 300 livres sterling pour un opéra, 300 pour six nouvelles symphonies, 200 pour sa participation à vingt concerts comprenant chacun une première audition de lui, et 200 de garantie pour un concert à son bénéfice. Cela à condition de faire le voyage de Londres. Le 15 décembre 1790, Haydn quitta son pays pour la première fois. La veille, il avait fait ses adieux à Mozart, qui devait mourir pendant son absence. Il resta à Londres de janvier 1791 à juin 1792 et y écrivit, notamment, ses six premières symphonies « londoniennes » (no 93-98). Ce séjour fut un triomphe artistique et personnel d’autant plus remarquable que, dans la capitale britannique, la vie différait fort de celle d’Esterháza. Après trente ans de demi-solitude, Haydn alla de réception en réception. Au lieu d’un public convaincu mais restreint, il enthousiasma des salles anonymes et bruyantes. En juillet 1791, l’université d’Oxford lui décerna le titre de docteur honoris causa ; il fut reçu jusqu’au sein de la famille royale. Tous ces événements, Haydn les nota de façon pittoresque sur quatre carnets presque intégralement conservés. Sur le chemin du retour, on lui présenta à Bad Godesberg le jeune Beethoven, qui le suivit à Vienne et auquel il donna en 1793 des leçons plus fructueuses qu’on voulut bien le dire. Certes, il négligea parfois ses exercices de contrepoint. Mais, dans une lettre au prince-archevêque de Cologne (23 nov. 1793), il parla de lui comme d’ « un des futurs grands compositeurs européens ». Surtout, il le mit au contact du génie créateur : il existe de la main de Beethoven une copie des esquisses du final de la 99e symphonie, celle qu’en 1793 Haydn composait en vue d’un nouveau voyage à Londres. Ce second séjour (janv. 1794 à août 1795), au cours duquel il mit un terme à sa production symphonique avec les six dernières « londoniennes » (no 99-104), valut à Haydn les mêmes honneurs et les mêmes avantages financiers que le précédent. À son retour définitif en Autriche, il était unanimement considéré, même dans son pays, comme le plus grand compositeur vivant. Il reprit du service chez les Esterházy, mais en résidant neuf mois par an à Vienne, l’été seulement à Eisenstadt. Jusque vers 1803, il fut une figure importante de la société viennoise, et dirigea très souvent ses œuvres en public ou en privé. Beethoven participa fréquemment aux mêmes concerts que lui. Le prince Nicolas II Esterházy ne lui demandant qu’une messe par an (six furent écrites de 1796 à 1802), il put composer ce qu’il voulait : concerto pour trompette (1796), hymne autrichien (1797), quatuors à cordes opus 76, 77 et 103 (dont le dernier inachevé). En outre, il renouvela complètement le genre de l’oratorio avec la Création (1798) et les Saisons (1801). Ces deux partitions — la première surtout — retentirent à l’échelle européenne ; à ce titre déjà, elles appartiennent au xixe s. En 1803, année du dernier séjour à Eisenstadt, son mauvais état de santé interdit soudain à Haydn toute activité créatrice : cela malgré des idées nouvelles qui se pressaient, mais qu’il ne parvenait plus à mettre en ordre. Un autre grand oratorio sur le Jugement dernier resta à l’état de projet. Sa maison de Gumpendorf, dans un faubourg de Vienne, se transforma en lieu de pèlerinage : Haydn y vit ses biographes Dies et Griesinger, Constanze Mozart et son fils cadet, le poète A. W. Iffland (1759-1814), Carl Maria von Weber* et, en mai 1808, toute la chapelle Esterházy (alors dirigée par J. N. Hummel [1778-1837]), qui vint lui rendre visite par petits groupes à l’occasion d’un concert à Vienne. Les honneurs officiels lui vinrent de Hollande, de Suède, de Russie, de France surtout. Il parut pour la dernière fois en public le 27 mars 1808, lors d’une audition de la Création au cours de laquelle plusieurs musiciens dont Beethoven lui rendirent hommage, et mourut dans sa maison de Gumpendorf le 31 mai 1809, quelques jours après l’occupation de Vienne par Napoléon. En 1820, ses restes furent transférés à Eisenstadt, où depuis 1954 seulement ils reposent à la Bergkirche dans un mausolée érigé en 1932 par le prince Paul Esterházy.

Johann Michael Haydn

(Rohrau 1737 - Salzbourg 1806).

Frère cadet de Joseph Haydn, Johann Michael le rejoignit en 1745 à la maîtrise de la cathédrale Sankt Stephan de Vienne, qu’il quitta vers 1754. En 1757, alors que Joseph menait encore une vie incertaine, il fut nommé maître de chapelle de l’archevêque de Grosswardein en Hongrie (actuellement Oradea en Roumanie). Peu avant son départ, il copia de sa main (5 sept. 1757) la célèbre Missa canonica de Fux, témoignant par là de son goût précoce pour la musique d’église et le style sévère. Il passa cinq ans à Grosswardein et y composa un bon nombre de partitions instrumentales et religieuses. En 1762, il entra dans la chapelle de Sigismund von Schrattenbach, prince-archevêque de Salzbourg, et accéda le 14 août 1763 aux postes de Hofmusiker et de Konzertmeister (premier violon). Il succéda à A. C. Adlgasser aux orgues de l’église de la Trinité (1777), à Mozart au poste d’organiste de la Cour et de la cathédrale (1781), à Leopold Mozart à diverses fonctions enseignantes (1787). Il rendit deux visites à son frère, en septembre-octobre 1798 à Vienne, et en septembre-octobre 1801 à Vienne (où il fut reçu par l’impératrice) et à Eisenstadt. Le prince Esterházy lui offrit la succession de Joseph vieillissant, mais il préféra ne pas quitter Salzbourg, où il mourut, trois ans avant Joseph, en laissant inachevé son second Requiem.