Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
H

Hawaii (suite)

L’histoire

Cook* découvre en 1778 l’archipel d’Hawaii, qu’il appelle les îles Sandwich ; il y est assassiné en 1779. Les 300 000 indigènes, d’origine polynésienne, mènent alors un genre de vie archaïque. Ils se nourrissent de poissons et de racines de « taro », vivent en tribus, ignorent la propriété privée et pratiquent le polythéisme.

Hawaii devient très vite une étape sur la route maritime qui unit l’Amérique du Nord et la Chine. Les Blancs, qui font escale pour se ravitailler, sont charmés par l’hospitalité hawaiienne et la douceur du climat. En contrepartie, ils introduisent les armes à feu qui permettent à Kamehameha Ier (1782-1819) d’unifier l’archipel sous son autorité. Ils apportent aussi la lèpre, la syphilis, le choléra et la peste, qui déciment la population. Les ovins et les bovins qu’ils offrent contribuent à détruire la maigre végétation. Les Hawaiiens en viennent à douter de leurs propres valeurs ; le roi interdit en 1819 les principaux rites de la religion traditionnelle.

La colonisation commence. Venus de la Nouvelle-Angleterre, et précédant les catholiques et les mormons, des missionnaires protestants font connaître le christianisme, élaborent une langue écrite, ouvrent des écoles (en 1845, 80 p. 100 des indigènes savent lire), stigmatisent l’indolence des Hawaiiens. Souvent aussi, ils sont d’énergiques hommes d’affaires qui exploitent le bois de santal (très recherché en Chine). La famille royale, satisfaite de cette nouvelle source de revenus, entreprend l’exploitation intensive des forêts et achète aux commerçants américains des produits manufacturés. L’économie de marché remporte son premier triomphe.

En 1848, les Américains obtiennent l’instauration de la propriété privée et acquièrent ainsi de vastes portions du sol. Le temps des plantations de canne à sucre commence. Les planteurs font appel à une main-d’œuvre chinoise, puis japonaise. En 1875, le Congrès de Washington accorde aux sucres hawaiiens l’entrée libre sur le territoire de l’Union. Le boom dépasse alors toutes les espérances : en 10 ans, la production s’accroît de huit fois, en 20 ans de près de vingt fois. Au sucre s’ajoutent bientôt les ananas et le riz. Cet essor économique ne profite guère aux Hawaiiens. Ils ne sont plus que 71 000 en 1850, et leur nombre ne cesse de diminuer. Hawaii, qui en un siècle a perdu son âme et son genre de vie, perd son indépendance.

Depuis longtemps, l’archipel était l’objet des convoitises. Les Russes en 1815-16, des pirates espagnols en 1818, les Français à plusieurs reprises entre 1839 et 1851, les Britanniques en 1843 ont essayé d’imposer leur autorité. Leur échec tient aux rivalités qui les opposent et surtout à la relative proximité des États-Unis. Ceux-ci sont appelés toujours plus à l’ouest par leur « destinée manifeste ». Un projet d’annexion échoue avant la guerre de Sécession. En 1875, un traité de réciprocité limite la souveraineté d’Hawaii au profit des États-Unis ; il est renouvelé en 1887, malgré l’opposition des producteurs de sucre de la Louisiane. Mais, en 1890, un nouveau tarif douanier exclut des marchés de l’Union les sucres hawaiiens, au moment où la reine Liliuokalani (de 1891 à 1893) favorise une réaction antiaméricaine. À Hawaii, des planteurs américains se divisent. Les plus riches ne veulent pas d’une annexion par les États-Unis, qui supprimerait l’immigration d’ouvriers japonais sous contrat. Les autres n’hésitent pas ; à la suite du coup d’État contre la reine, en 1893, ils font appel à l’équipage d’un navire américain, renversent la monarchie et demandent leur rattachement à l’Union.

Le président Cleveland n’en veut pas. Hawaii devient alors une république américanisée. En 1897, le président McKinley, plus sensible à la nouvelle vague d’impérialisme, se déclare favorable à l’annexion. Il passe outre aux objections du Japon. D’ailleurs, la guerre de Cuba ouvre de nouvelles perspectives : sur la route des Philippines et de la Chine, Hawaii est indispensable. Le Congrès approuve le 6 juillet 1898. En 1900, Hawaii accède au statut de « territoire ».

Mais il faudra attendre mars 1959 pour que l’archipel devienne le 50e État de l’Union. Pourtant, l’essor économique est brillant au xxe s. La population passe de 154 000 habitants en 1900 à près de 800 000 en 1970. Portugais des Açores et de Madère, Philippins, Blancs et Noirs du continent américain viennent composer avec les Orientaux le plus diversifié des « melting pots » des États-Unis ; les « cosmopolites », issus du mélange de toutes ces races, forment à eux seuls une catégorie particulière. Quant aux Hawaiiens, ils ne sont plus que 12 000, soit 1,5 p. 100 du total.

La richesse d’Hawaii demeure le sucre et les ananas. Mais les dépenses fédérales sont une source considérable de revenus ; la base militaire de Pearl Harbor, dont l’équipement est autorisé par le Congrès en 1908, tragiquement bombardée par les Japonais en 1941, reprend une place primordiale avec l’engagement militaire des États-Unis dans les affaires d’Extrême-Orient. Enfin, le tourisme a stimulé l’économie en créant de nouveaux emplois, mais a contribué à enlaidir le paysage et à détruire le charme naturel des îles.

Honolulu, la capitale, reflète cette évolution générale. De 40 000 habitants en 1900, elle est passée à près de 320 000 habitants, tandis que, par son taux de criminalité, elle se situe au huitième rang des cités américaines.

A. K.


La population

Elle présente des caractères très originaux. Après une diminution brutale du fait de l’effondrement du nombre des indigènes (300 000 hab. lors de la découverte par Cook en 1778 et 56 897 en 1872), elle s’est accrue rapidement depuis 1880 : 89 990 habitants en 1890, 255 881 en 1920, 422 770 en 1940, 632 772 en 1960. Cet essor est dû à l’arrivée de quelque 400 000 immigrants venus de diverses régions du globe (principalement Chine, Japon, Corée, Philippines. Açores, Porto Rico...) pour travailler dans les plantations de canne à sucre et accessoirement d’ananas. Nombre d’entre eux quittèrent Hawaii à l’expiration de leur contrat, mais il en resta un pourcentage suffisant pour faire de l’archipel un exemple étonnant de société multiraciale. Actuellement, même en tenant compte des militaires, qui sont « caucasiens », c’est-à-dire de souche européenne à plus de 80 p. 100, le groupe racial dominant reste celui des Japonais, qui représente 29,3 p. 100 de la population totale, en ne considérant que ceux de « race pure ». Les Blancs, venus essentiellement des États-Unis, comptent pour 24,2 p. 100, les Philippins pour 7,2 p. 100, les Chinois pour 6,5 p. 100, les Portugais pour 3,2 p. 100..., et les Hawaiiens de pure race polynésienne ne font guère plus de 1 p. 100. Il est vrai que la race hawaiienne est beaucoup plus largement représentée dans la catégorie des métis, fort nombreux : 26,2 p. 100 du total de la population (dont plus de deux tiers ont au moins une goutte de sang polynésien). Cela témoigne du rôle capital des indigènes dans le processus de mélange racial. Ils ont fourni aux très nombreux immigrants souvent arrivés sans famille l’élément féminin qui leur a permis de faire souche dans l’archipel. Il s’est ainsi créé un climat favorable à la fusion entre les différents groupes, et le pourcentage des mariages interraciaux n’a cessé de s’accroître : 11,5 p. 100 seulement en 1912-1916 ; 22,8 p. 100 en 1930-1940 ; 37,6 p. 100 en 1960-1964.