Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
H

harpe (suite)

Le chromatisme naissant de la Renaissance fait préférer à la harpe, grande favorite du Moyen Âge, d’autres instruments capables de moduler (luth, claviers, guitare), les cordes de la harpe restant immuablement diatoniques. Des essais de harpes à doubles rangées de cordes (arpa doppia), puis à triples rangées, dont Mersenne et Praetorius nous ont laissé des exemples, tentent de redonner à la harpe une vogue éphémère.

Après un premier perfectionnement, dû en 1660 à des facteurs tyroliens, qui fixent à la console de la harpe des crochets qui, actionnés à la main, tiraient la corde en la raccourcissant d’un dix-septième environ, un luthier bavarois, Georg Hochbrucker, en 1697, imagine de faire fonctionner ces crochets à l’aide de pédales placées de chaque côté du socle de l’instrument. Perfectionnée de nouveau en 1720, la harpe d’Hochbrucker se répandit par toute l’Europe, avant que la harpe d’Érard vienne la supplanter.

Les cordes furent successivement actionnées par des crochets, puis par des sillets mobiles (béquilles). C’est le système à « fourchettes », inventé en 1794 par Sébastien Érard, qui a prévalu, ainsi que la harpe dite « à double mouvement », qu’il a présentée à Londres en 1811.

Malgré les recherches de différents facteurs et quelques perfectionnements apportés à la harpe d’Érard, c’est toujours sur ce même principe que sont fabriquées les harpes actuelles, par Érard (Paris), Obermayer (Munich), Löffler (Wiesbaden), Lyon & Healy (Chicago), Salvi (Gênes), Rasnoexport (Moscou), Cervenka (Prague).

Les pays celtiques continuent à utiliser des harpes diatoniques (ou semi-chromatiques) dont les cordes sont raccourcies à l’aide de palets actionnés à la main. Ces harpes sont fabriquées d’une façon semi-industrielle à Londres par Smith et par Morley, à Paris par Martin et à Tōkyō par Jujiya et par Yamaha.

Des essais de harpes chromatiques à cordes croisées connurent des vies éphémères. Jean Henri Pape (1845) avait pris un brevet pour une harpe de ce genre qui ne vit jamais le jour. Gustave Lyon, reprenant le même principe, sortit en 1896 une harpe qui, selon lui, répondait parfaitement aux besoins de la musique. Soutenu par la maison Pleyel (dont Lyon était le directeur), ce système ne survécut pas à la mort de son inventeur (1936).

Description de la harpe

La harpe à double mouvement se compose de 1 415 pièces. Elle comporte quatre parties essentielles :
1o le corps sonore ;
2o la console, qui reçoit le mécanisme et les chevilles d’accord ;
3o la colonne, qui réunit le corps sonore à la console ;
4o le socle, sur lequel se rejoignent le corps sonore et la colonne.

Le socle est creux. Il est percé en sa partie postérieure de créneaux à crans qui permettent d’accrocher les pédales suivant trois positions différentes (♭, ♮, ß). Ces pédales, au nombre de sept, correspondent aux notes de la gamme. Reliées par des ressorts à sept tringles qui passent à travers la colonne, le mouvement des pédales se répercute à travers le mécanisme placé dans la console.

Cette console a la forme d’un col de cygne. Formée de plusieurs épaisseurs de sycomore et de cormier disposées à fil contrarié, elle est recouverte de deux plaques de cuivre écrouies au marteau. Ces plaques, ainsi que la console, sont percées de trous permettant le passage des pivots de la mécanique et des chevilles d’accord.

La mécanique, placée à l’intérieur de la console, est composée de tringles, ou petites bielles d’acier se reliant sur des équerres de cuivre, montées elles-mêmes sur des pivots chargés de supporter les fourchettes. Celles-ci sont constituées par deux boutons en saillie, montés sur deux disques parallèlement à la face de la console.

Au bémol, la corde passe à vide entre les deux fourchettes ; accrochée au cran intermédiaire, la pédale imprime au disque inférieur une révolution partielle qui, se répercutant sur le disque supérieur, produit le premier demi-ton (♮). La continuation de ce mouvement, quand on accroche la pédale au cran inférieur, donne le second demi-ton (ß).

Sept moteurs, placés à partir du si4 à l’intérieur de la console, sont chargés de répercuter le mouvement des pédales à tout le mécanisme.

Le corps sonore est composé de trois placages de hêtre, de palissandre ou d’érable, renforcés à l’intérieur par une charpente en demi-cerceaux. La table de résonance est faite en spruce collé, pressé et séché au four. Elle est percée de trous destinés à recevoir les cordes. La tension de celles-ci sur la table exerce une pression de 2,5 t au diapason la3 = 435 périodes. Les cordes de la harpe sont en boyau de mouton de calibres différents, sauf en ce qui concerne les onze dernières cordes graves, qui sont en maillechort ou en cuivre, filées sur acier. Les ut sont colorés en rouge, les fa en bleu foncé. Les harpes modernes possèdent en général quarante-sept cordes. Ces cordes sont fixées sur la table de résonance par des boutons d’ébène.

F. V.


Les grands harpistes

Si les noms des harpistes de l’Antiquité, du Moyen Âge ou de la Renaissance nous sont parvenus, ils représentent surtout un intérêt anecdotique. C’est à partir du xviiie s., au moment où la technique de la harpe se développe, qu’apparaissent les grands virtuoses.

Les classiques


Christian Hochbrucker

(Tagmersheim 1733? - début xixe s.). Dernier fils de l’inventeur des pédales, il a composé des sonates pour harpe seule ou harpe avec accompagnement de violon bien conçues pour l’instrument et s’illustra à Paris (v. 1769-1789) comme virtuose.


Johann Baptist Krumpholtz

(Zlonice, près de Prague, v. 1745 - Paris 1790). Le plus grand virtuose de son temps, il a su associer la harpe aux timbres de différents instruments.

À côté d’eux, il faut citer : Philippe Jacques Meyer (Strasbourg 1737 - Londres 1819), auteur d’une méthode ; François Petrini (Berlin 1744 - Paris 1819) ; Michał Kazimierz Ogiński (Varsovie 1731 - id. 1800), auteur de l’article « Harpe » dans l’Encyclopédie de Diderot ; Jean-Baptiste Cardon (Rethel v. 1760 - Saint Pétersbourg 1803) ; Jacques Georges Cousineau (Paris 1760 - id. 1824) ; François Joseph Nadermann (Paris 1773 - id. 1835), qui fut le professeur de la classe de harpe créée à Paris, au Conservatoire, en 1825.