Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Amiens (suite)

Ces implantations nouvelles ont modifié profondément l’éventail industriel, donnant désormais la deuxième place à la métallurgie (plus de 20 p. 100 de la main-d’œuvre industrielle), la troisième à l’industrie alimentaire (10 p. 100), la quatrième à la chimie (9 p. 100), et spécialement au caoutchouc ; plus loin, l’imprimerie et l’édition. Amiens est ainsi devenue la deuxième ville française du caoutchouc grâce à Dunlop, Goodyear et Pirelli (depuis plus longtemps à Saleux). Les savons et détergents, les charbons synthétiques et les produits pharmaceutiques complètent ce secteur de la chimie. Le travail des métaux groupe l’appareillage automobile et des fabrications plus dispersées : tôlerie, constructions électromécaniques, équipement industriel, persiennes, machines pour l’industrie du tabac. L’industrie alimentaire est très diversifiée (produits laitiers, salaisons, biscuiterie, café) ; l’édition demeure faible. Ce renouveau industriel est certes largement bénéfique, mais la grande importance des firmes étrangères comme la prépondérance du caoutchouc et de la mécanique, c’est-à-dire une dépendance étroite de l’industrie automobile, posent des problèmes de sécurité de l’emploi et imposent de diversifier les nouvelles entreprises (imprimerie, alimentation, pharmacie).


Le commerce et les services

La fonction commerciale et les services sont plus limités, quoiqu’ils soient en pleine évolution.

Amiens a quelques grands magasins — filiales de maisons parisiennes pour la plupart — organisés de plus en plus en libres-services, ainsi que des magasins à succursales d’origine locale, mais le commerce non alimentaire et le commerce de luxe restent encore faibles, et le rayonnement de la ville limité à 25-30 km environ pour l’essentiel des activités. Cependant, le développement urbain et la création de la Région Picardie tendent à accroître son activité commerciale et son rayonnement. L’actuelle expansion d’Amiens a fait naître des centres commerciaux dans les quartiers périphériques (Étouvie, Pigeonnier, etc.), et de grands supermarchés apparaissent à l’extérieur de la ville actuelle, alors que marchés, braderie et quinzaine commerciale n’attendent que la clientèle de la ville ou de l’arrondissement ; la foire-exposition de juin se veut un véritable carrefour économique de la Picardie. Les services s’adaptent peu à peu à la taille régionale. Amiens dépend encore de Lille ou de Paris pour les chèques postaux, de Reims pour l’I. N. S. E. E. En revanche, l’O. R. T. F. a ouvert un centre régional ; la maison de la culture est depuis 1966 un pôle d’attraction pour la ville et aussi pour un horizon plus large, voire parisien. Dans le domaine universitaire, malgré l’influence de Paris et de Reims sur le sud et l’est de la Picardie, Amiens attire les étudiants de toute la Somme, de la majeure partie de l’Oise, du nord-ouest de l’Aisne, voire du Boulonnais et de la haute Normandie, ce qui retentit sur certaines activités locales (librairies, loisirs).

Amiens est donc en pleine mutation après un demi-siècle au moins d’une léthargie économique et démographique qui freine encore un peu ce renouveau. La ville manque ainsi de logements modernes pour accueillir le personnel des services régionaux indispensables ou des industries tentées par la proximité de Paris (une heure de train), comme elle manque d’établissements commerciaux d’une certaine classe ; la création de ces logements ou services nouveaux est une lourde charge financière difficile à assumer en peu de temps. La ville et son environnement manquent aussi d’une main-d’œuvre qualifiée, que n’a pu préparer une formation professionnelle encore faible (sous-scolarisation liée au grand nombre des communes rurales picardes), et, là aussi, la naissance et le développement du centre universitaire sont une tâche coûteuse. Or, la population de l’agglomération augmente à un rythme rapide (2 p. 100 par an de 1954 à 1968), du fait de l’immigration essentiellement rurale autant que du croît naturel. L’afflux de population se porte surtout vers la périphérie. De grands projets sont donc en voie de réalisation ou à l’étude : campus universitaire à la périphérie immédiate de la ville, entouré d’établissements culturels et hospitaliers ; centre administratif régional entre ce campus et la ville actuelle ; allongement de celle-ci le long de la vallée de la Somme d’amont en aval. Cela va entraîner de profondes modifications du réseau de circulation comme de la structure urbaine proprement dite (nouvelles rocades, remodelage du centre-ville, nouvelles Z. U. P. et zones industrielles), car la ville actuelle est relativement peu dense, même après la reconstruction consécutive à la dernière guerre et visant avant tout à rebâtir une cité aux deux tiers endommagée.

Après 1945, Amiens s’est reconstruite en tant que ville et centre économique local ; depuis 1960, devenue capitale régionale, elle s’efforce de s’adapter à ce nouveau rôle.

J.-P. M.

➙ Picardie / Somme (départ. de la).

 A. de Calonne, Histoire de la ville d’Amiens (Piteux frères, Amiens, 1899-1906 ; 3 vol.). / G. Durand, Monographie de l’église Notre-Dame, cathédrale d’Amiens (Picard, 1901-1903 ; 2 vol.). / E. Maugis, Recherches sur les transformations du régime politique et social de la ville d’Amiens des origines de la commune à la fin du xvie s. (Picard, 1906). / A. Boinet, la Cathédrale d’Amiens (H. Laurens, 1951). / P. Vasselle, la Tragédie d’Amiens. Mai-juin 1940 (Librairie Leveillard, Amiens, 1952). / J. Estienne, Amiens (Alpina, 1953). / B. Champigneulle, Amiens (Challamel, 1955). / Mgr Stourm et M. Eschapasse, Notre-Dame d’Amiens (Hachette, 1960). / P. Deyon, Amiens capitale provinciale, étude sur la société urbaine au xviie s. (Mouton, 1967). / J. Estienne et F. Vasselle, le Bel Amiens (Yvert et Cie, Amiens, 1968). / P. Oudart, Amiens (la Documentation fr., 1974).