Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
H

Hadamard (Jacques) (suite)

En 1897, Hadamard revient à Paris comme maître de conférences à la Sorbonne et, comme professeur suppléant, enseigne la mécanique analytique et céleste au Collège de France. Il devait accéder à cette chaire en 1909, en remplacement de Maurice Lévy (1838-1910). Dans l’étude des fonctions transcendantes entières, il prend avec Émile Borel (1871-1956) la suite de Henri Poincaré (1854-1912). Il suit avec passion l’œuvre de Georg Cantor (1845-1918), dont il aime à rappeler qu’elle est une des bases de la science contemporaine. Émile Borel, Henri Lebesgue (1875-1941) et René Baire (1874-1932) travaillent eux aussi sur les idées cantoriennes, mais une discussion restée célèbre s’élève de 1904 à 1914 entre ces quatre chercheurs au sujet de l’axiome de Zermelo. Seul des quatre, Hadamard accepte sans restriction cet axiome. L’avenir devait lui donner raison. En 1912, il est chargé de la chaire d’analyse à l’École polytechnique, chaire qu’il conserve jusqu’en 1936, et il succède à Henri Poincaré à l’Académie des sciences.

Il convient de signaler ses recherches sur les équations différentielles ou aux dérivées partielles, dont, jusqu’à la fin de sa vie, il se sent responsable. À plus de quatre-vingt-dix ans, il lit encore tous les mémoires nouveaux sur le sujet et entreprend d’écrire un ouvrage sur cette question.

À la suite de Vito Volterra (1860-1940), il joue un rôle fondamental dans la création de l’analyse fonctionnelle, où se sont distingués, entre autres, Maurice Fréchet (né en 1878) et Paul Lévy (1886-1971), création qui marque, autant que la théorie des ensembles, à laquelle elle est étroitement liée, un renouveau des mathématiques. On lui doit l’introduction en France des séminaires de mathématiques, et celui qu’il anime au Collège de France exerce une influence considérable sur la recherche. Toujours intéressé par les problèmes de pédagogie, il donne en 1898 et en 1901 une Géométrie plane et une Géométrie dans l’espace, longtemps rééditées.

La Première Guerre mondiale lui enlève ses deux fils aînés. La Seconde l’oblige à se réfugier aux États-Unis, où il publie un Essai sur la psychologie de l’invention dans le domaine mathématique, riche de remarques passionnantes.

J. I.

Hadrien

En lat. Publius Aelius Hadrianus (Italica 76 - Baïes 138), empereur romain de 117 à 138.


Publius Aelius Hadrianus était le descendant d’une famille du Picenum installée en Bétique depuis de nombreuses décennies. Il était le petit-fils d’une sœur du père du futur empereur Trajan et le fils d’un sénateur, ancien préteur. Il dut peu de chose à sa « patrie » espagnole, où il résida peu ; c’est à Rome qu’il accomplit sa formation intellectuelle et qu’il commença sa carrière. Très tôt orphelin, il eut comme tuteurs son cousin Trajan, qui venait d’accéder à la préture, et le chevalier Acilius Attianus, qui s’occupa directement de son éducation ; celle-ci fut orientée vers les lettres grecques, dont Hadrien resta un fervent adepte toute sa vie (on lui donna plus tard le surnom de Graeculus, le « petit Grec »).

Élève remarquablement doué, épris de philosophie, il sera l’un des hommes les plus cultivés de son temps. Son éducation pratique ne fut pas négligée ; Hadrien excellait dans tous les exercices physiques, et la chasse était son « sport » préféré.

Grâce à la protection de Trajan, il put aborder la carrière des honneurs et, dès 96, devint tribun de légion sur le Danube et le Rhin ; il fut questeur en 101 (il prend alors part à la première guerre de Dacie), tribun de la plèbe en 105 (il participe à la seconde guerre de Dacie), préteur en 106, gouverneur de Pannonie en 107 et consul suffect en 108 ; la faveur impériale, jamais démentie, fit de lui un légat en Orient en 114 et un gouverneur de Syrie en 117.

Entre-temps, par l’entremise de Plotine, femme de Trajan, il avait épousé une petite-nièce de l’empereur, Sabine (Vibia Sabina).

Ces faveurs et le rôle grandissant qu’il jouait auprès de l’empereur le désignaient comme le successeur de Trajan. Mais ce ne fut que sur son lit de mort, en Cilicie, que Trajan adopta Hadrien (8 août 117) ; certains doutèrent de la réalité de cette adoption, qui aurait été « fabriquée » par Plotine. Hadrien sut calmer les méfiances par une lettre au sénat, le refus des honneurs pour lui-même et leur rejet sur l’empereur défunt. Il mit de longs mois à gagner Rome, passant d’abord par Antioche ; puis il inspecta la frontière du Danube, allant même jusqu’en Dacie. Avant d’arriver dans la Ville, il avait dû faire exécuter quatre consulaires qui avaient comploté contre lui (118).

Il est vrai que le nouvel empereur affirmait nettement une politique que Trajan avait amorcée discrètement et qui ne plaisait pas à tous : l’arrêt des conquêtes, le retour à la paix ; il fit évacuer les territoires conquis au-delà de l’Euphrate, mais conserva à Rome le contrôle de l’Arabie et de la Dacie. À son arrivée à Rome, en juillet 118, Hadrien dut encore prodiguer des paroles d’apaisement.

Par sa formation, l’empereur avait une vision très large des réalités, et toute sa politique consista à intégrer toutes les parties de l’empire dans un même développement économique et intellectuel, seul capable de réaliser l’unité du monde romain pour le bien de tous. Dans cette intention, Hadrien passa une grande partie de son règne à parcourir les provinces pour mieux connaître les peuples et améliorer leur sort. Partout, il s’informait, écoutait les doléances, rendait la justice, ordonnait des travaux et pratiquait toutes les réformes qu’il jugeait nécessaires. Ces voyages, souvent coupés de longs séjours, à Athènes en particulier, lui permirent de renforcer les défenses de l’empire : fixation quasi définitive du limes germanique, organisation de routes stratégiques, construction d’un retranchement barrant la Bretagne* d’est en ouest (le « mur d’Hadrien »), réorganisation des routes et des postes en Afrique. La défense de l’empire nécessitait une armée forte, et Hadrien ne la négligea pas ; partout, il inspecta les légions (comme à Lambèse), y rétablit la discipline et sut les tenir en haleine. Pressé par la nécessité, et malgré son désir de paix, l’empereur fut obligé d’agir militairement contre les Sarmates, les Brigantes et surtout les Juifs révoltés en 132 à la suite de l’interdiction de certaines de leurs pratiques. Sous la conduite de Bar-Kokheba, les Juifs résistèrent jusqu’en 135 ; la brutale répression aboutit au rétablissement de la colonie d’Aelia Capitolina, fondée en 130 à l’emplacement de Jérusalem.