Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Haarlem

V. des Pays-Bas, capit. de la province de Hollande-Septentrionale ; 170 000 hab. (225 000 pour l’agglomération).


Dans la Hollande de la fin du Moyen Âge et du siècle d’or, Haarlem était célèbre pour son industrie textile ; il n’en reste que peu de chose aujourd’hui, et, si le secteur secondaire est bien représenté dans d’autres branches (métallurgie légère, arts graphiques, industrie alimentaire), la ville doit une part importante de son activité à ses fonctions tertiaires. C’est un marché agricole (pour les bulbes en particulier), un centre administratif, un foyer religieux, un centre de commerce et de services. Mais son autonomie fonctionnelle et son influence régionale sont de plus en plus réduites par la proximité d’Amsterdam, qui l’a attirée dans son orbite ; beaucoup d’habitants de la ville et surtout de sa banlieue résidentielle aisée (Heemstede, Bloemendaal) vont chaque jour travailler dans la capitale nationale. Située dans un cadre naturel agréable, bien desservie par les voies de communication, riche en témoignages d’une brillante histoire, Haarlem reçoit chaque année la visite de nombreux touristes.

J.-C. B.


L’école de peinture de Haarlem

Le premier atelier haarlemois connu est celui d’Aelbert Van Ouwater, actif entre 1430 et 1460. Sa seule œuvre connue avec certitude, la Résurrection de Lazare (Berlin), présente des affinités avec l’art de Van Eyck* en Flandre. L’école de Haarlem se détache progressivement de l’emprise flamande avec Geertgen* tot Sint Jans. Le Maître du diptyque de Brunswick, anonyme actif à Haarlem vers 1490, est peut-être identifiable avec Jacob Jansz, qui fut le maître de Jan Mostaert (Haarlem v. 1475 - id. 1555). Celui-ci, peintre de la cour de Marguerite d’Autriche à Malines, restera toujours marqué par le ton apaisé et le raffinement coloré de Geertgen. Le conservatisme de son art domine l’école haarlemoise à l’aube de la Renaissance.

Au xvie s., Haarlem s’ouvre aux influences italiennes maniéristes grâce à Maarten Van Heemskerck (Heemskerk 1498 - Haarlem 1574) et à Jan Van Hemessen (Hemiksen v. 1500 - Haarlem apr. 1563). Ce dernier, d’origine flamande, quitta Anvers pour se fixer à Haarlem à la fin de sa carrière.

Chez ces deux artistes, le conflit entre leurs ambitions classicisantes inspirées de modèles de Michel-Ange et leur tempérament expressionniste et tourmenté est alors caractéristique de l’école haarlemoise. Le célèbre graveur Hendrick Goltzius (Mühlbracht 1558 - Haarlem 1617) connut l’art de Bartholomeus Spranger, de Paulus Bril, de Titien grâce à son voyage en Italie en 1590-91. Il subit aussi l’influence de Dürer. Virtuose incomparable du burin, il affectionne ce maniérisme* outré, typique de l’école haarlemoise de la fin du xvie s. Avec Carel Van Mander (Meulebeke 1548 - Amsterdam 1606), peintre et premier historien de la peinture du Nord, et le portraitiste Cornelis Cornelisz, dit Cornelis van Haarlem (Haarlem 1562 - id. 1638), Goltzius fonde une académie maniériste à Haarlem. Goltzius aborde la peinture après 1600 et trouve un classicisme plus apaisé, mais souvent figé, notamment dans ses nus. Cornelis Cornelisz est l’un des tout premiers peintres de corporations, juste avant Frans Hals.

C’est dans ce milieu académique ainsi qu’auprès des « caravagistes » d’Utrecht* que s’est formé Frans Hals*, dont le génie domine toute l’école haarlemoise dans la première moitié du xviie s. La plupart de ses grands tableaux de corporations sont conservés au musée Frans-Hals de Haarlem, installé depuis 1913 dans les bâtiments de l’ancien hospice des vieillards, fondé en 1608, où l’artiste peignit ses derniers chefs-d’œuvre (les Régents et les Régentes, 1664). Hals forma Jan De Bray (v. 1627 - v. 1697) ainsi que Johannes Cornelis Verspronck (1597-1662), tous deux bons portraitistes. Il eut aussi pour élève son jeune frère Dirck (Haarlem 1591 - id. 1656), qui fut, avec Willem Buytewech (Rotterdam v. 1591 - id. 1624), actif à Haarlem de 1613 à 1617, le créateur de ce genre de tableaux de conversations et de banquets champêtres qui firent fortune dans les Pays-Bas du Nord. Harmen Hals (1611-1669), le plus connu des fils du maître, a laissé des scènes de genre influencées par son père et parfois par Brouwer. C’est d’ailleurs, sous l’impulsion de Frans Hals, toute une brillante école de peinture de genre* qui se développe à Haarlem. Judith Leyster (Haarlem 1609 - Heemstede 1660), son mari Jan Miense Molenaar (Haarlem v. 1610 - id. 1668) et surtout Adriaen Van Ostade* animent avec brio et truculence le vaste panorama des mœurs hollandaises. Cornelis Bega (Haarlem 1620 - id. 1664) et Cornelis Dusart (Haarlem 1660 - id. 1704), tous deux élèves de Van Ostade, utilisent un mode plus galant et raffiné. Philips Wouwerman (Haarlem 1619 - id. 1668) recueille de son côté le goût de la « bambochade » et des petits paysages animés mis à la mode par Pieter Van Laer (Haarlem 1592? - id. 1642), qui fit carrière à Rome.

L’essor de l’école paysagiste de Haarlem contribua plus encore semble-t-il au rayonnement artistique de la ville. Esaias Van de Velde*, qui travailla à Haarlem de 1610 à 1618, puis en 1626, fut avec Salomon Van Ruysdael* et Hercules Seghers*, inscrit à la guilde de Haarlem en 1612, un des pionniers du grand paysagisme pur, création hollandaise qui triomphe à Haarlem grâce à Jan Vermeer de Haarlem (1628-1691) et à Jacob Van Ruysdael*, dont le génie préromantique sera reconnu par le xixe s. La peinture de marines naît dès la fin du xvie s. à Haarlem avec Hendrik Vroom (Haarlem 1566 - id. 1640) ; Cornelis Van Wieringen (Haarlem v. 1580 - id. 1633) et Jan Porcellis (Gand 1584 - Zoeterwoude 1632) lui succèdent.

Les peintres d’architecture de Haarlem, Pieter Saenredam (Assendelft 1597 - Haarlem 1665) en tête, imposent la rigueur géométrique des lignes, un art de silence et de lumières tamisées, aux grands monuments de Haarlem, encore visibles aujourd’hui : l’église Saint-Bavon (Grote Kerk) et l’hôtel de ville sur la place du Grand Marché, la nouvelle église (Nieuwe Kerk). Le goût de l’épure architecturale se retrouve à un degré moindre dans les vues urbaines de Job Berckheyde (Haarlem 1630 - id. 1693) et de son frère Gerrit (Haarlem 1638 - id. 1698). Cette tendance vers la simplicité et l’austérité d’essence protestante apparaît aussi dans les natures mortes et les vanités de Pieter Claesz (Burgsteinfurt v. 1596/97 - Haarlem 1661) ou dans celles de Willem Claesz. Heda (Haarlem v. 1594 - id. 1680), plus précieuses et transparentes. Par contre, Floris Van Schooten, actif à Haarlem entre 1605 et 1655, s’inspire plutôt des modèles flamands.

Le déclin artistique de ces divers genres frappe l’école haarlemoise à l’aube du xviiie s. Haarlem, à l’avant-garde du maniérisme, puis de la formation du style néerlandais au xviie s., ne retrouvera plus son éclat d’alors.

P. H. P.

➙ Pays-Bas.