Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Guilleragues (Gabriel Joseph de Lavergne, comte de)

Diplomate et écrivain français (Bordeaux 1628 - Constantinople 1685).


Appartenant à une famille parlementaire apparentée aux Montesquieu, Guilleragues fait de fortes études classiques, favorisées par les traditions familiales. La Fronde* à Bordeaux lui donne l’occasion d’approcher Condé* et Conti. Déjà célèbre par son esprit et ses chansons, il remplace Jean-François Sarasin (v. 1615-1654) comme secrétaire de Conti (1654). À ce titre, il protège Molière*, dont il devient l’ami et le collaborateur occasionnel (Ballet des Incompatibles, 1655). Dès cette époque, il se lie avec Mme de Sablé (1599-1678) et les familiers de celle-ci, comme l’abbé Bourdelot (1610-1685). En 1658, il épouse Anne-Marie de Pontac et devient en 1660 premier président de la cour des aides de Bordeaux.

En 1669 paraît toute l’œuvre imprimée de Guilleragues : les fameuses Lettres portugaises et un recueil de madrigaux et d’épigrammes intitulé les Valentins. Malgré le mystère qui a entouré la publication des Lettres portugaises, présentées par un « libraire artificieux » comme les lettres authentiques d’une religieuse portugaise séduite et abandonnée par un officier français, quelques initiés en connaissent le véritable auteur. Parmi eux doit figurer Louis XIV, puisque, dès la fin de l’année 1669, le roi s’attache Guilleragues comme « secrétaire de la chambre et du cabinet du roi », chargé d’écrire les lettres privées et intimes du souverain.

En 1675, Guilleragues, toujours pressé par ses besoins financiers, vend sa charge et devient directeur de la Gazette, en collaboration avec Bellinzani. « Il est chargé, dit Bayle*, d’en surveiller l’exactitude et le style. » Pendant cette période, Guilleragues fréquente tout ce que la France comporte de grands hommes : écrivains, comme Racine* et Boileau*, dont il est l’intime ami : hommes et femmes d’esprit et du monde, tels que La Rochefoucauld*, Mme de Maintenon, la marquise de Sévigné*, Mme de Coulanges (1641-1723) et Mme de La Sablière (1636-1693), dont il fréquente assidûment le salon ; courtisans, comme Colbert* et surtout son fils, le marquis de Seignelay, auquel il est très attaché ; peintres et musiciens, comme Mignard* et Lully*.

En 1677, Guilleragues est désigné comme ambassadeur à Constantinople, où il arrivera à la fin de novembre 1679, en passant par la vallée du Rhône, Toulon et Malte. Son prédécesseur, le marquis de Nointel (1635-1685), après des débuts brillants, s’est laissé déposséder des honneurs du sofa, qui distinguaient jusque-là l’ambassadeur de France. En outre, les affaires financières de l’ambassade et de la communauté des marchands sont dans un état des plus critiques.

Malgré les intérêts communs entre la France et l’Empire ottoman, les bonnes relations sont troublées par la faute des pirates barbaresques, d’Alger et de Tripoli notamment. La canonnade de Chio (1681), dans laquelle des mosquées sont touchées par les boulets de la flotte française attaquant des pirates tripolitains, déclenche la colère des Turcs et Guilleragues est mis à la prison des Sept Tours. Pourtant, la campagne turque contre l’Empereur en 1683, le remplacement du vizir et les bons rapports de l’ambassadeur avec beaucoup de Turcs influents amènent une amélioration des relations. Le 28 octobre 1684, Guilleragues est enfin reçu par le vizir avec les fameux honneurs du sofa, et, le 26 novembre, le Sultan lui-même lui accorde une audience solennelle avec les plus grands égards. En même temps, de nouvelles capitulations sont accordées, bien plus favorables que les précédentes, autant pour la protection des chrétiens que pour le commerce français du Levant.

C’est le couronnement de l’ambassade, l’une des plus honorables depuis le temps de Soliman II et de François Ier. Hélas ! rentré à Constantinople, où il a été reçu en triomphe par la colonie française, et au moment même où, dans son bureau, il se prépare à rédiger des dépêches au roi annonçant le succès de sa mission, Guilleragues meurt d’une attaque d’apoplexie. Il laisse sa femme et sa fille dans une demi-misère. La protection de Mme de Maintenon permet pourtant à Mlle de Guilleragues de conclure un mariage d’amour avec le marquis de Villiers d’O et de perpétuer à la cour de France, jusqu’à un âge avancé, le souvenir de l’homme d’esprit qu’avait été son père.

Bon administrateur, ambassadeur de talent, Guilleragues est aussi un merveilleux écrivain. Que ce soit dans ses œuvres légères, comme la Chanson du Confiteor ou les Valentins, dans les Lettres portugaises et dans sa correspondance, l’harmonie du style, la sensibilité la plus délicate jointe à un humour contenu font de lui l’égal des grands écrivains de son temps. Ses Lettres portugaises sont, dans un genre différent, une sorte d’équivalent de Bérénice, et les lettres privées que nous avons conservées de lui, à Mme de Sablé, à Mme de La Sablière, à Racine ou à Seignelay, le classent au premier rang des épistoliers, tout à côté de la marquise de Sévigné. La lettre à Racine révèle quel critique Guilleragues aurait pu être : nul, de son temps, n’a parlé avec plus de pénétration de la tragédie racinienne. Celle à Mme de La Sablière, d’une extraordinaire spontanéité, passe sans discontinuer d’un humour débridé aux vivacités du cœur. « L’oubli me paraît une mort », y écrit Guilleragues. Par une curieuse rencontre, il a fallu exactement trois cents ans d’oubli, après les Lettres portugaises, pour que son nom émerge de l’ombre comme celui d’un des écrivains les plus attachants du siècle de Louis XIV.

F. D.

 G. J. de Guilleragues, Lettres portugaises, éd. par F. Deloffre (Droz, Genève, 1972).

Guimarães Rosa (João)

Romancier brésilien (Cordisburgo, Minas Gérais, 1908 - Rio de Janeiro, Guanabara, 1967).


Guimarães Rosa exerça la médecine de 1930 à 1934. À cette date, il entra dans la carrière diplomatique, qu’il ne devait plus quitter jusqu’à sa mort. Il fut élu en 1963 à l’Académie brésilienne des lettres, et un pressentiment lui fit retarder la prise de possession de sa chaire ; quand il s’y décida finalement, il mourut trois jours après, le 19 novembre 1967.