Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
G

Guevara (Ernesto, dit Che)

Homme politique argentin (Rosario 1928 - région de Valle Grande, Bolivie, 1967).



Introduction

Son père descendait de notables provinciaux et sa mère de l’aristocratie de Buenos Aires. Après une enfance provinciale, Ernesto Guevara fait des études de médecine à l’université de Buenos Aires et se passionne pour A. Schweitzer et Gāndhī. En 1951-52, il part avec un ami pour étudier les communautés de lépreux de l’Amérique du Sud. En moto, ils traversent le Chili et le Pérou, puis, sur un radeau, ils descendent un affluent de l’Amazone. Guevara rêve alors de devenir un grand médecin pour aider l’humanité.

En 1953, après avoir terminé ses études, il reprend son voyage, interrompu par la guerre civile en Colombie, et rejoint des amis au Guatemala. C’est là, au milieu de jeunes révolutionnaires venus de tout le continent et attirés par le réformisme du colonel Arbenz, qu’il commence à s’intéresser à la politique. Il reçoit alors le surnom de « Che ». Lorsque les États-Unis provoquent la contre-révolution militaire de juin 1954, il part pour le Mexique, où il va rencontrer les exilés cubains.


La révolution cubaine

Che Guevara fait la connaissance des frères Castro en 1955 et accepte de participer à leur tentative de débarquement en qualité de médecin. Après quelques mois d’entraînement au Mexique, les révolutionnaires s’embarquent sur le Granma et abordent à Cuba le 2 décembre 1956. L’échec initial permet à Guevara de donner sa mesure ; il écrira : « Ces consultations données aux paysans de la Sierra ont transformé ma résolution spontanée et quelque peu lyrique en une force sereine et de qualité. Il n’y a rien comme vivre une révolution pour faire l’éducation d’un honnête homme [...]. C’est le peuple qui forme ses chefs. » Fidel Castro dira, de son côté, que Guevara était aimé de tous et admiré pour son courage extraordinaire, doublement admiré en tant qu’étranger combattant pour Cuba : « S’il avait son talon d’Achille comme guérillero, c’était par excès de qualité agressive, à cause de son absolu mépris du danger. »

Le « petit médecin » devient ainsi le « comandante » de la brillante campagne de Las Villas, qui brise le régime de Batista. En 1959, à trente et un ans, le « Che » parvient à la gloire nationale et internationale ; directeur de l’Institut national de la réforme agraire (I. N. R. A.), président de la banque nationale et ministre de l’Industrie, il est la conscience de la révolution cubaine.

Au cours de ces brèves années, il fait connaître ses idées à travers quelque trois cents articles, discours, lettres et entrevues accordées à la presse. Qu’il s’agisse du budget cubain, de la stratégie révolutionnaire internationale ou de l’élevage des bêtes à corne, le style en est polémique et pressant ; l’urgence morale de l’action ne permet pas de développer une cohérence rigoureuse, mais donne l’occasion à l’enthousiasme et à la générosité de se manifester.

« Dans un monde dominé par les forces du mal, l’homme nouveau serait engendré par la révolution et la lutte sans merci. Si c’est une vraie révolution, on gagne ou l’on meurt. » Le « Che » a opté pour le marxisme parce que c’est pour lui la manière de rendre « scientifique » son honnêteté, sa générosité et sa décision de combattre, parce que, dans la théorie et les idéaux marxistes, il trouve ce camarade, incarnation de l’« homme nouveau », meilleur et plus pur qu’aucun autre. Le marxisme, avant d’être un système de lois économiques et sociales, est, à ses yeux, une morale révolutionnaire généreuse.

C’est pourquoi Guevara en vient à dénoncer les Soviétiques, au nom de l’éthique marxiste ; il a été auparavant éliminé, à l’été 1961, par les communistes cubains, qui dénoncent le « gauchiste » Guevara, coupable d’avoir critiqué les causes de la crise de production et prôné l’industrialisation et la sagesse économique. D’une certaine manière, il tombe comme Trotski à l’occasion d’un débat économique semblable.


Un, deux, beaucoup de Viêt-nam

Jusqu’en 1965, Guevara est resté révolutionnaire cubain à Cuba. À cette date, le Viêt-nam prend la priorité dans ses préoccupations : « Le Viêt-nam, qui incarne les aspirations, les espoirs du monde des peuples oubliés, est seul [...]. On doit l’accompagner jusqu’à la victoire ou la mort. »

Renonçant à ses fonctions cubaines, le « Che » prend congé de sa famille et de ses camarades, écrivant avec humour et ironie : « Je sens de nouveau les côtes de Rossinante sous mes talons, me voilà de nouveau sur la route, l’écu au poing [...] essentiellement rien n’a changé, sauf que je suis plus conscient, que mon marxisme est enraciné et nettoyé [...]. Laissez-moi dire, même si j’ai l’air ridicule, que le vrai révolutionnaire est guidé par un grand amour. »

Alors que les Américains parlent de sa mort, il part en secret pour le Congo et combat durant l’hiver 1965-66 avec les rebelles. Déçu, il rentre à Cuba. À la fin de l’année, il est en Bolivie pour y créer un autre Viêt-nam.

Après une préparation minutieuse et un démarrage hâté par la nécessité, le mouvement s’amorce en mars 1967, dans les forêts du Sud-Est. Malgré les embûches et l’isolement politique, les révolutionnaires mettent le gouvernement en difficulté et l’obligent à demander l’aide militaire américaine. Mais les guérilleros doivent ensuite se replier sur la défensive. En octobre, le « Che » est pris dans une embuscade et exécuté.

J. M.

➙ Amérique latine / Bolivie / Castro / Cuba.

 Che Guevara, Obra revolucionaria (Mexico, 1967 ; trad. fr. Œuvres, Maspéro, 1968 ; 4 vol.) ; Obras, 1957-1967 (Maspéro, 1970 ; 2 vol.) ; Scritti, discorsi e diari di guerriglia, 1959-1967 (Turin, (1969). / R. Vasquez Diaz, la Bolivie à l’heure du « Che » (trad. de l’espagnol, Maspéro, 1968). / P. Gavi, Che Guevara (Éd. universitaires, 1970). / M. Lowy, la Pensée de « Che » Guevara (Maspéro, 1970). / J.-J. Nattiez, Che Guevara (Seghers, 1970). / A. Sinclair, Guevara (Londres, 1970 ; trad. fr., Seghers, 1970).