Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
G

Guerre mondiale (Seconde) ou Guerre de 1939-1945 (suite)

Dernière réunion des trois Grands : Potsdam, 17 juillet - 2 août 1945

Si la vigueur de la résistance allemande a maintenu jusqu’à la capitulation du IIIe Reich l’unité d’action de ses vainqueurs, leurs relations, depuis Yalta, n’avaient cessé de se détériorer. Sans se soucier des engagements qu’il avait signés, Staline entend profiter aussitôt de sa victoire en installant des gouvernements communistes dans tous les pays libérés par l’armée rouge, qui doivent devenir des États vassaux de l’U. R. S. S. Ainsi que l’écrit Churchill en mai 1945, « un rideau de fer s’est abattu derrière le front soviétique ». Si les Américains, puis les Anglais parviennent à se faire admettre à Berlin le 3 juillet, leurs troupes se sont repliées dans les limites des zones d’occupation et, suivies d’une immense foule de réfugiés allemands, ont évacué à cette date la ligne de l’Elbe, la Saxe, le Mecklembourg et la Thuringe, tandis que les Soviétiques s’avancent jusqu’à Erfurt et Eisenach, à 150 km du Rhin.

Mais c’est encore le problème polonais qui cristallise la crise entre les vainqueurs. En juin, Staline, qui a invité à Moscou seize représentants des tendances non communistes de la résistance polonaise, les fait arrêter et condamner par un tribunal militaire soviétique. Cette fois, la réaction américaine est d’autant plus vive que l’attitude du président Truman vis-à-vis de Staline est beaucoup plus réservée que, celle de Roosevelt.

Pour sortir de l’impasse, une ultime conférence des trois Grands est réunie le 17 juillet à Potsdam avec Staline, Truman et Churchill, qui, battu aux élections générales anglaises, cède la place le 26 juillet à son successeur Clément Attlee, nouveau chef travailliste du cabinet britannique. Un compromis est adopté pour la Pologne : les Anglais et les Américains reconnaissent le gouvernement provisoire (et prosoviétique) de Varsovie, et les trois fixent provisoirement la frontière ouest du pays à la ligne de l’Oder (Odra) et de la Neisse (Nysa Łużycka) occidentale. La conférence statue ensuite sur des questions moins épineuses telles que la démilitarisation et la dénazification de l’Allemagne, le jugement des criminels de guerre, les réparations, la répartition des zones d’occupation en Autriche, l’évacuation de l’Iran, la révision de la convention de Montreux sur les Détroits, le maintien du statut international de Tanger et l’indépendance de la Corée. En prévision de la défaite du Japon, des lignes de démarcation militaires sont fixées entre ses vainqueurs : en Corée, le 38e parallèle entre Soviétiques et Américains ; en Indochine, le 16e entre Chinois et Britanniques.

La préparation des traités de paix est confiée au Conseil des ministres des Affaires étrangères d’U. R. S. S., des États-Unis, de Grande-Bretagne, de France et de Chine, qui siégeront à Londres et à Paris. Dès le lendemain (3 août) de la publication de ces accords, la France, qui n’a pas participé à la conférence, exprime ses réserves sur le fait de n’avoir pas été consultée sur le sort de l’Allemagne.


Une drôle de paix

Si l’été de 1945 marque la fin de la guerre, il est difficile de dire qu’il inaugure réellement la paix. Dans le monde entier, les séquelles de cette immense conflagration engendrent en effet d’inextricables conflits entre le monde occidental et le monde soviétique : à Berlin, isolé en zone soviétique mais occupé par quatre puissances ; dans les Balkans, « satellisés » par l’U. R. S. S., sauf la Grèce, en proie à la guerre civile ; en Iran ; dans la Chine victorieuse, mais qui, dès octobre 1945, entre aussi dans une guerre civile ; dans la Corée et l’Indochine divisées... En même temps, la ruine de l’Europe incite les peuples colonisés d’Asie, d’Afrique et du Moyen-Orient, où la Ligue arabe s’est constituée le 22 mars 1945, à secouer au plus vite le joug des « métropoles » pour prendre en main leur destin ; c’est de la guerre que naît ce qu’on appellera bientôt le tiers monde.

Alors que la question de l’Allemagne n’est pas près de son règlement, plusieurs traités de paix seront néanmoins signés à Paris en 1947, avec la Finlande, l’Italie, la Hongrie, la Roumanie et la Bulgarie. Quant au Japon, il est démilitarisé, doté d’une Constitution démocratique, occupé et contrôlé étroitement par les États-Unis ; il signera avec eux (mais pas avec l’U. R. S. S.) le traité de San Francisco en 1951. Un dernier traité de paix sera conclu avec l’Autriche en 1955.

L’effort de guerre allemand

Dans l’ensemble, l’Allemagne réussira à financer par ses propres ressources la moitié de son imposant effort de guerre. L’autre moitié sera fournie par les territoires occupés et singulièrement (40 p. 100) par la France. Anarchique jusqu’à la mort de Fritz Todt (févr. 1942), la production allemande d’armement, placée sous la haute autorité de Göring, directeur du plan, sera pour l’ensemble des années 1941 et 1942 nettement inférieure à celle de la Grande-Bretagne pour les avions (24 000 contre 31 000) et à peine supérieure pour les chars (14 500 contre 13 400). Le successeur de Todt, Albert Speer, saura planifier cette production sans trop diminuer jusqu’à la fin de 1943 la consommation allemande. Un effort considérable est accompli dans la fabrication de carburants et huiles synthétiques (3,8 millions de tonnes en 1943), mais, dès 1942, c’est le problème de la main-d’œuvre, confié au Gauleiter Fritz Sauckel, qui devient primordial. En 1943, 11 millions d’hommes servent dans la Wehrmacht, dont les pertes (tués, blessés, disparus et prisonniers) sont alors de 4 millions. Pour y remédier, les Allemands enrôlent à titre d’auxiliaires (dits « Hilfswillige ») de nombreux Russes, si bien que, compte tenu de leurs « alliés », les effectifs sur le front est comprennent 25 p. 100 d’étrangers. La main-d’œuvre civile comprend 30 millions de personnes, dont 8 dans l’industrie. En 1944, Sauckel aura ramené dans le Reich, au titre du Service du travail obligatoire, 6,3 millions d’ouvriers étrangers (dont 723 000 Français). Leur travail s’ajoute à celui de plus de 2 millions de prisonniers de guerre et aussi à celui des déportés des camps de concentration*. Aussi Speer réussit-il à faire passer la fabrication des chars de 9 400 en 1942 à 19 800 en 1943 et à 27 300 en 1944, et celle des avions de 13 700 en 1942 à 22 000 en 1943 et à 36 000 en 1944. Ces résultats sont obtenus alors que les bombardements aériens de la R. A. F. et de l’U. S. Air Force atteignent des proportions écrasantes : 48 000 tonnes de bombes en 1942, 207 000 en 1943, 915 000 en 1944. Cet effort de guerre se poursuivra jusqu’à la fin avec une étonnante efficacité : 7 200 avions sont encore construits dans les quatre premiers mois de 1945, ce qui porte la production totale allemande de 1939 à 1945 à environ 100 000 avions, chiffre un peu supérieur à la production anglaise (88 000 avions). Il permettra notamment l’engagement, à la fin de 1944, de nouvelles armes, tels les avions à réaction « Me 262 » (produits à 1 200 exemplaires) et les fusées de type « V1 » et « V2 », mises au point au centre de recherche de Peenemünde sous la direction de Wernher von Braun.