Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
G

Guerre mondiale (Première) ou Grande Guerre de 1914-1918 (suite)

Italie, Moyen-Orient et Grèce

Inquiets des tractations de l’empereur Charles, les Allemands se décident, pour relancer l’Autriche dans la guerre, à lui faire cadeau d’une victoire. Le 24 octobre, 7 des meilleures divisions allemandes, conduites par le général Otto von Below, enfoncent à Caporetto le front italien, qu’elles refoulent jusqu’à la Piave. Cadorna, le généralissime italien (bientôt remplacé par Diaz), appelle les Alliés au secours. Foch et Robertson, suivis de dix divisions franco-anglaises, arrivent à Rapallo, où s’ébauche le premier et timide organe de commandement interallié (6 et 7 nov. 1917).

Conscients de l’importance politique et économique grandissante du Moyen-Orient, les Britanniques lui consacrent en 1917 des moyens considérables. Ils leur permettront de conjuguer leurs efforts en Mésopotamie, où ils reprennent Kūt al-‘Amāra et entrent à Bagdad (11 mars), et en Palestine, où le général Allenby déclenche en octobre une puissante offensive qui lui ouvre, le 9 décembre, les portes de Jérusalem. C’est à cette occasion que la Grande-Bretagne, qui entend jouer à la fois la carte sioniste et la carte arabe, affirme sa volonté « de créer après la guerre un foyer national juif en Palestine » (déclaration d’A. J. Balfour du 2 nov. 1917).

En Orient, l’année se termine sur une note optimiste pour les Alliés : ceux-ci viennent en outre de clarifier l’équivoque situation de la Grèce en provoquant l’abdication du roi Constantin Ier au profit de son fils Alexandre (12 juin). Ce dernier confie le pouvoir à Venizélos, qui déclare la guerre à l’Allemagne et à ses alliés (29 juin).

René Fonck, as de la chasse française (1894-1953)

Lorrain né à Saulcy-sur-Meurthe, sorti de l’École des arts et métiers, il est mobilisé avec sa classe en 1914. Passé aussitôt dans l’aviation, il a vingt-trois ans quand, en avril 1917, il arrive au célèbre G. C. 12, le groupe des « Cigognes ». Sa renommée est déjà bien établie pour avoir contraint, sans tirer un coup de fusil, un avion allemand à atterrir près de Moyenneville (Oise) le 6 août 1916. Le 30 septembre 1917, il abat près de Dunkerque le pilote allemand Kurt Wissemann, vainqueur quelques jours plus tôt de Georges Guynemer, et, à la fin de l’année, se classe, avec 20 victoires, troisième de la chasse française après Charles Nungesser et Alfred Heurtaux. Mais c’est en 1918 que Fonck va donner toute sa mesure. Le 9 mai, il réalise au-dessus de Grivesnes (Somme) le premier sextuplé de la guerre : 3 avions en 50 secondes avec 22 cartouches, les 3 autres au cours d’un deuxième vol de 5 minutes avec 30 cartouches. Il renouvelle le même exploit le 26 septembre après deux autres triplés les 25 juin et 14 août. Le 1er novembre, il remporte sa 75e et dernière victoire « homologuée », la 126e portée sur son carnet de vol... Quant aux autres, dira-t-il, « qu’importe qu’on ne me les ait pas comptées ; l’essentiel est que ces avions aient disparu des contrôles de l’adversaire ». Il a publié ses souvenirs sous le titre Mes Combats (1933).

Chasse aérienne.


1918, le dénouement

L’année s’ouvre par une importante initiative américaine : répondant à l’appel à la paix lancé par Lénine. Wilson précise le 8 janvier 1918 en un message au Congrès les 14 points qui doivent à son avis servir de base à l’ordre nouveau. Précédés de principes de droit international (liberté des mers, réduction des armements, etc.), ils abordent ensuite les problèmes cruciaux tels que la restitution de l’Alsace-Lorraine, l’indépendance de la Belgique, la résurrection de la Pologne, l’autonomie des peuples d’Autriche-Hongrie. Ce programme fera choc et indique de quel poids pèsent déjà les États-Unis, alors que leur présence militaire est encore quasiment nulle dans le camp des Alliés. Chez ces derniers, qui souffrent d’une grave crise d’effectifs, l’organisation d’un commandement unique se limite à celle d’un comité exécutif dirigé à Versailles par Foch (1er févr.) et chargé de préparer les décisions des gouvernements.


L’aventure allemande en Russie

Conscient de la précarité de la situation économique du Reich, qui impose une décision à court terme, Ludendorff entend l’emporter par une action militaire massive conduite avec le renfort des 700 000 hommes transférés du front de l’Est sur celui de France. Menée à base d’artillerie lourde et d’obus à gaz sous forme de coups de boutoir successifs, elle doit faire éclater le front occidental avant l’arrivée des forces américaines, c’est-à-dire avant l’été de 1918. Le calendrier étant impératif, Ludendorff presse les politiques, conduits par le ministre des Affaires étrangères Richard von Kühlmann, de conclure au plus vite lu paix avec la Russie. L’entreprise se révèle difficile, car, dans les négociations de Brest-Litovsk, les Russes, dirigés par Trotski, résistent aux exigences allemandes. Le 9 février, les Allemands imposent un traité distinct à l’Ukraine, qui la sépare de la Russie. Toutefois, il faudra une nouvelle action militaire qui, à partir du 19 février, portera les armées allemandes à Narva (135 km de Moscou), à Pinsk et à Kiev pour contraindre Lénine à signer le 3 mars le terrible traité de Brest-Litovsk (il arrache à la Russie 60 millions d’habitants et 25 p. 100 de son territoire). En mai, la Roumanie doit accepter la paix allemande de Bucarest, tandis que, forgeant des plans grandioses d’exploitation économique de l’Ukraine, les Allemands étendent leur occupation à Odessa, à Kharkov et à Rostov-sur-le-Don (7 mai). Attirés ensuite par les richesses du Caucase, ils s’engagent dans une folle aventure, encouragent la Géorgie à se proclamer indépendante (26 mai) et poussent jusqu’à Tbilissi. « Quelle importance, écrit Guillaume II le 8 juin, si nous réussissons à placer le Caucase sous notre influence, comme porte vers l’Asie centrale et menace vers la position anglaise des Indes ! » Singulière démesure qui absorbera jusqu’à la fin de la guerre une trentaine de divisions qui, fort heureusement pour les Alliés, manqueront à Ludendorff sur le front français.