Gueldre (suite)
Dans ce bilan mouvant de la trame urbaine régionale, deux permanences apparaissent toutefois : Arnhem et Nimègue. Il semble étrange que deux agglomérations de plus de 150 000 habitants puissent exister à 17 km l’une de l’autre tout en présentant si peu de relations entre elles. Bien que Nimègue soit d’origine plus ancienne (romaine), leur site et leur évolution historique se ressemblent beaucoup : villes fortes sur des collines morainiques escarpées bordant le fleuve, étapes commerciales, au xixe s. villes de rentiers et de retraités attirés par l’agrément de leur cadre naturel, au xxe s. centres industriels et tertiaires. En fait, Arnhem, devenue seule capitale de la Gueldre en 1814, l’aurait sans doute emporté si, à la barrière physique des grands fleuves, ne s’était ajoutée la coupure psychologique de la frontière religieuse : Nimègue domine la Gueldre méridionale, catholique et rurale, qui lit sa presse, fréquente ses commerces et son université (catholique), et fournit une partie de la main-d’œuvre de ses usines. Arnhem, plus tertiaire et plus bourgeoise, rayonne sur les agglomérations résidentielles de la bordure méridionale de la Veluwe (en particulier Wageningen, où se trouve l’École supérieure d’agriculture) et une fraction de la Betuwe, et a partiellement supplanté Zutphen dans la desserte des communes protestantes situées à l’est de l’IJssel.
La Gueldre joue un grand rôle aux Pays-Bas dans le domaine du tourisme (elle compte le tiers des surfaces boisées néerlandaises et abrite le parc national de la Haute Veluwe, avec le musée Kröller-Müller), de l’élevage des volailles et des bovins (les prairies occupent 60 p. 100 de sa superficie agricole) et surtout de l’industrie : briqueterie (plus de 60 p. 100 de la production néerlandaise) utilisant les argiles fluviatiles, conserverie (de fruits notamment), papeterie (Veluwe), métallurgie de transformation, confection et chaussure (Nimègue), textiles synthétiques avec la puissante firme AKZO (fusion de l’AKU [Algemene Kunstzijde Unie] et du KZO [Koninklijke Zout-Organum]), dont le siège social est à Arnhem et qui possède aussi des usines à Ede. L’industrialisation et l’attrait résidentiel des collines boisées ont déterminé un fort accroissement de la population provinciale. Celle-ci s’est élevée de plus du cinquième entre 1960 et 1970. Plus du quart de cette augmentation résulte du solde positif de la balance des migrations (le plus élevé en pourcentage après celui de la province d’Utrecht). D’Amsterdam à Arnhem et au-delà se constitue actuellement un axe continu d’urbanisation qui pourrait rejoindre à long terme les grosses concentrations urbaines de la Rhénanie allemande.
J.-C. B.