Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
G

Gueldre (suite)

Dans ce bilan mouvant de la trame urbaine régionale, deux permanences apparaissent toutefois : Arnhem et Nimègue. Il semble étrange que deux agglomérations de plus de 150 000 habitants puissent exister à 17 km l’une de l’autre tout en présentant si peu de relations entre elles. Bien que Nimègue soit d’origine plus ancienne (romaine), leur site et leur évolution historique se ressemblent beaucoup : villes fortes sur des collines morainiques escarpées bordant le fleuve, étapes commerciales, au xixe s. villes de rentiers et de retraités attirés par l’agrément de leur cadre naturel, au xxe s. centres industriels et tertiaires. En fait, Arnhem, devenue seule capitale de la Gueldre en 1814, l’aurait sans doute emporté si, à la barrière physique des grands fleuves, ne s’était ajoutée la coupure psychologique de la frontière religieuse : Nimègue domine la Gueldre méridionale, catholique et rurale, qui lit sa presse, fréquente ses commerces et son université (catholique), et fournit une partie de la main-d’œuvre de ses usines. Arnhem, plus tertiaire et plus bourgeoise, rayonne sur les agglomérations résidentielles de la bordure méridionale de la Veluwe (en particulier Wageningen, où se trouve l’École supérieure d’agriculture) et une fraction de la Betuwe, et a partiellement supplanté Zutphen dans la desserte des communes protestantes situées à l’est de l’IJssel.

La Gueldre joue un grand rôle aux Pays-Bas dans le domaine du tourisme (elle compte le tiers des surfaces boisées néerlandaises et abrite le parc national de la Haute Veluwe, avec le musée Kröller-Müller), de l’élevage des volailles et des bovins (les prairies occupent 60 p. 100 de sa superficie agricole) et surtout de l’industrie : briqueterie (plus de 60 p. 100 de la production néerlandaise) utilisant les argiles fluviatiles, conserverie (de fruits notamment), papeterie (Veluwe), métallurgie de transformation, confection et chaussure (Nimègue), textiles synthétiques avec la puissante firme AKZO (fusion de l’AKU [Algemene Kunstzijde Unie] et du KZO [Koninklijke Zout-Organum]), dont le siège social est à Arnhem et qui possède aussi des usines à Ede. L’industrialisation et l’attrait résidentiel des collines boisées ont déterminé un fort accroissement de la population provinciale. Celle-ci s’est élevée de plus du cinquième entre 1960 et 1970. Plus du quart de cette augmentation résulte du solde positif de la balance des migrations (le plus élevé en pourcentage après celui de la province d’Utrecht). D’Amsterdam à Arnhem et au-delà se constitue actuellement un axe continu d’urbanisation qui pourrait rejoindre à long terme les grosses concentrations urbaines de la Rhénanie allemande.

J.-C. B.

guelfes et gibelins

Noms donnés à deux partis politiques italiens dont les luttes ensanglantèrent les xiiie et xive s.


Ces noms provenaient, par déformation, de ceux de deux grandes familles allemandes ennemies l’une de l’autre. L’une d’elles était la maison des Welfs (ou Guelfes) de Souabe, dont un des princes, Henri X le Superbe († 1139), duc de Saxe et de Bavière, avait disputé le trône impérial à Conrad III de Hohenstaufen (1138-1152), possesseur du château de Waiblingen (ou Gibelin) près de Stuttgart. À la suite de cette querelle, tout l’Empire s’était trouvé divisé entre les partisans des guelfes et des gibelins.

Ces dénominations apparurent pour la première fois en Italie au début du xiiie s., à l’époque où l’Allemagne était de nouveau partagée entre tenants du Guelfe Otton IV de Brunswick, fils d’Henri le Lion et petit-fils d’Henri le Superbe, empereur germanique de 1209 à 1218, et tenants du Gibelin Frédéric II de Hohenstaufen, soutenu par la France, qui lui disputait la couronne impériale.

Vaincu à Bouvines (1214) par Philippe Auguste, Othon IV laissa le trône à Frédéric II*, mais, lorsque le Hohenstaufen descendit en Italie combattre la papauté à l’époque du conflit entre le Sacerdoce et l’Empire, les partisans italiens de l’empereur prirent le nom de gibelins, tandis que, tout naturellement, ceux de la papauté se dénommèrent guelfes, en souvenir du Guelfe Otton IV, ennemi de Frédéric II.

Ces appellations survécurent en Italie, où elles servirent souvent à désigner des factions dont l’origine n’avait aucun rapport réel avec la vieille querelle entre les pontifes de Rome et les césars d’Allemagne. Au début du xvie s., par exemple, lorsque les Français commencèrent leurs expéditions en Italie, les guelfes regroupèrent tous les partisans du roi de France, tandis que ceux qui soutenaient l’Empereur, particulièrement Charles Quint, étaient les gibelins.

Mais ces conflits marquèrent profondément l’évolution politique de l’Italie. En effet, la guerre entre les papes et les Empereurs s’y doubla de conflits civils à l’intérieur de chaque cité. Leurs factions traditionnelles, qui rassemblaient habituellement les clients de deux familles rivales, trouvèrent dans la grande lutte du Sacerdoce (autorité ecclésiastique) et de l’Empire (autorité laïque) de nouvelles motivations pour réactiver leurs griefs. Lorsqu’un des deux partis l’emportait, il exilait les partisans du parti vaincu ; l’Italie vit ainsi une foule de proscrits politiques errer de cité en cité.

On peut dire en gros que les guelfes étaient maîtres à Florence, Milan, Ferrare, Padoue, Bologne et Mantoue, et les gibelins à Pise, Sienne, Crémone, Modène et Rimini.

La disparition de Frédéric II en 1250, celle de Manfred en 1266, puis du dernier Hohenstaufen en 1268, l’« enfant » Conradin, lâchement assassiné par Charles d’Anjou, que le pape avait appelé à son secours, portèrent un coup terrible au parti gibelin. La prépondérance guelfe s’enracina un peu partout ; elle avait son centre à Florence et cherchait de là à dominer toute la Toscane.

Au xive s., les dernières incursions des Empereurs germaniques en Italie — celle d’Henri VII de Luxembourg en 1310-1313 et de Louis IV de Bavière en 1323-1330 — redonnèrent un regain de vigueur aux gibelins et à tous les ennemis du pouvoir temporel des papes. Les points de résistance guelfes étaient alors : le royaume de Naples, où régnait l’Angevin Robert le Sage (1309-1343), et la Ligue toscane, conduite par Florence. Les gibelins s’appuyaient au contraire sur l’Italie du Nord, principalement sur Milan, aux mains de Mathieu Ier Visconti*.