Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
G

Guadeloupe (suite)

Les dépendances proches

• Marie-Galante (157 km2) ressemble beaucoup à la Grande-Terre. La majeure partie est occupée par un plateau calcaire assez peu bosselé par l’érosion karstique, qui culmine à 204 m au nord-est. L’île possède de belles plages protégées par un récif-barrière.

• La Désirade (20 km2) est un horst calcaire qui culmine à 273 m. Une terrasse littorale bordant la côte sud forme la seule zone exploitable de l’île.

• Les îles de la Petite-Terre (1,5 km2) ne sont que des récifs coralliens soulevés qui affleurent à peine au-dessus de l’Océan.

• Les Saintes, formées de deux îles volcaniques : Terre-de-Haut, d’une grande beauté, encadrant une baie magnifique, et Terre-de-Bas, massive et difficile d’accès, sont situées à 10 km au sud de la Basse-Terre et n’ont que 14,2 km2.

J.-C. G.


L’histoire

L’île fut découverte par Christophe Colomb en 1493 lors de son deuxième voyage en Amérique ; il lui donna le nom du célèbre sanctuaire espagnol consacré à la Vierge de Guadalupe, en Estrémadure, mais les Caraïbes, eux, la nommaient Karukera, l’« île aux belles eaux ». Durant plus d’un siècle, elle fut délaissée par les Européens.

Sur les conseils de Pierre Belain d’Esnambuc, gouverneur de l’île voisine de Saint-Christophe, Richelieu la fit occuper en 1635 par les capitaines Liénard de L’Olive et Jean Duplessis d’Ossonville. La Compagnie des Isles de l’Amérique finança l’expédition, mais des combats eurent lieu avec les indigènes, qui, en 1658, abandonnèrent l’île.

Les débuts de la colonisation furent difficiles, épidémies et famines décimant les Français. Vers 1644, on commença à y exploiter la canne à sucre. Le sucre restera d’ailleurs la principale richesse du pays, même après le développement de la culture du café et du coton au cours du xviiie s. En 1650, les colons firent appel à des esclaves africains, qu’ils préférèrent à des engagés volontaires expédiés par la métropole.

La Compagnie des Indes occidentales remplaça en 1664 la Compagnie des Isles de l’Amérique, mais, en 1674, elle aussi fit faillite, et la Guadeloupe fut rattachée directement à la couronne de France, qui la défendit contre les Anglais, lesquels l’envahirent à plusieurs reprises, notamment en 1691 et en 1703.

Jusqu’en 1775, date à laquelle elle retrouva son autonomie, la Guadeloupe resta sous la dépendance de la Martinique ; elle était moins favorisée que celle-ci, qui était mieux administrée et pourvue de l’excellent port de Fort-de-France. Redevenue autonome, l’île prospéra, et, à la Révolution, elle comptait plus de 100 000 habitants (13 969 Blancs, 92 545 esclaves noirs, 3 125 affranchis et gens de couleur).

Les Anglais s’en emparèrent en avril 1794, mais, quelques mois plus tard, un envoyé de la Convention, Victor Hugues (1770-1826), y débarqua à la tête d’une petite troupe ; il proclama l’abolition de l’esclavage, et, avec l’aide des Noirs révoltés, chassa les Anglais de l’île (déc. 1794). Victor Hugues exécuta ensuite les grands planteurs aristocrates qui s’étaient ralliés aux Anglais à la nouvelle de l’émancipation des esclaves, puis il organisa la guerre de course contre les vaisseaux de l’Angleterre, qui perdit de 1794 à 1798 plus de 800 navires.

Sous le Consulat, Bonaparte chargea le général Antoine Richepanse (1770-1802) de rétablir à la Guadeloupe l’ordre troublé par les Noirs qui s’étaient révoltés à l’annonce du rétablissement de l’esclavage (1802). L’île fut occupée par les Anglais à partir de 1810, mais restituée à la France en 1816.

Au xixe s., les sociétés sucrières de la métropole remplacèrent les grands planteurs, mais elles maintinrent le régime de la grande propriété. L’abolition de l’esclavage, en 1848, perturba l’exploitation du sucre, et des Indiens furent appelés pour remplacer les anciens esclaves ; le commerce sucrier était alors fortement concurrencé par les plantations asiatiques et par la culture de la betterave en Europe. C’est le régime de grande propriété qui fut la cause des troubles sociaux qui agitèrent l’île aux xixe et xxe s., et singulièrement en 1830, 1850, 1899 et 1924.

En 1946, la Guadeloupe est devenue un département français.

Le problème du surpeuplement et la baisse des exportations ont engendré un grave malaise économique et social, qui est à l’origine des mouvements qui réclament l’autonomie et même l’indépendance de l’île.

La vie politique de la Guadeloupe a été marquée en mars et mai 1967 par des émeutes à Basse-Terre et à Pointe-à-Pitre. Elles ont démontré l’étendue de l’audience du G. O. N. G. (Groupement des organisations nationales de la Guadeloupe), qui est d’orientation castriste et maoïste ; ce mouvement demande l’indépendance de l’île. Les communistes eux, solidement implantés, ne réclament que l’autonomie et le droit des Guadeloupéens à l’autodétermination. La crainte de voir les États-Unis attirer l’île dans leur orbite explique cette attitude. En janvier 1971, des grèves importantes ont été déclenchées par les ouvriers coupeurs de canne à sucre. Le gouvernement français s’est engagé à prendre des mesures de large décentralisation administrative au profit de la Guadeloupe.

P. P. et P. R.


Les problèmes démographiques

Après l’abolition de l’esclavage, de nombreux Noirs libérés quittèrent les plantations pour aller s’installer dans les régions morneuses jusqu’alors incultes. De 1854 à 1885, on fit venir 45 000 travailleurs indiens recrutés sur contrat de travail en Inde avec possibilité de retourner au pays à l’expiration du contrat. Au total, environ 38 000 Indiens devaient rester à la Guadeloupe. Bien que beaucoup se soient mélangés au reste de la population, dans les secteurs où ils se sont installés en grand nombre, ils forment encore des communautés originales (Saint-François, Le Moule, Port-Louis, Capesterre). Les métropolitains, venus comme fonctionnaires ou cadres, ne forment que 9,5 p. 100 de la population. Jusqu’à la veille de la Seconde Guerre mondiale, la population ne s’accroît que très lentement, la mortalité restant forte. En 1930, il y a moins de 200 000 habitants. Après 1946, grâce aux progrès de l’hygiène, se produit une véritable explosion démographique : 229 000 habitants en 1954 ; 283 000 en 1961 ; 313 000 en 1967. La mortalité s’abaisse de 14 p. 1 000 en 1950 à 7,5 p. 1 000 en 1970, alors que la natalité s’élève à plus de 35 p. 1 000 jusqu’en 1965. L’excédent naturel est considérable : 2,5 p. 100 en 1950, 2,8 p. 100 en 1959. Dans un pays aux ressources limitées, le problème démographique se pose dans toute son ampleur. La population est très jeune (52 p. 100 de moins de dix-neuf ans), et il faut faire un effort considérable de scolarisation ; il faut également créer des emplois nouveaux. L’émigration vers la métropole, phénomène déjà ancien, est encouragée et s’amplifie à partir de 1962. Le planning familial fait son apparition, mais son influence reste limitée. Sous l’effet des mouvements migratoires essentiellement, la natalité diminue actuellement (28,3 p. 1 000 en 1970), mais l’excédent naturel reste élevé (2 p. 100 par an).