Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
G

Groupe 47 (suite)

Il n’est pas possible de parler de littérature du Groupe 47 et d’utiliser ce nom comme une étiquette qui permettrait de classer les écrivains à qui on l’aurait octroyée. Certes, de 1947 à 1949, une tendance esthétique (ou plutôt antiesthétique) se dessina parmi le petit groupe d’amis qui se réunissaient autour de Richter. En opposition au « style » forgé par la propagande nazie d’une part, et d’autre part à une littérature de « calligraphes » qui leur apparaissait par trop précieuse et abstraite, ces écrivains voulurent se forger d’abord un instrument de travail en épurant la langue allemande des scories qui l’encombraient. Wolfgang Weyrauch appela cette tentative la « table rase » (der Kahlschlag). Les œuvres de cette époque sont caractérisées par la simplicité de leur ton et la modestie de leur projet. Un poème, écrit par Günter Eich, porte le titre significatif d’Inventaire et commence ainsi :
Voici ma casquette
Voici mon manteau...
Il s’agissait de dire le monde, sans le regarder à travers un prisme déformant, quel qu’il soit. On avait soif d’authenticité après tous les mensonges et toutes les omissions du IIIe Reich.

Mais, à partir de 1950, le groupe décerna un prix, toujours à un manuscrit inédit, commençant ainsi à attirer l’attention de la presse et du public. En 1951, Heinrich Böll* reçut le prix du Groupe 47, pour sa nouvelle les Brebis galeuses, qui le rendit célèbre en Allemagne comme à l’étranger.


Le rôle du Groupe 47 dans la littérature allemande contemporaine

Certes, l’intérêt de l’œuvre de Böll est tel que, même sans le Groupe 47, cet écrivain eût trouvé l’audience à laquelle il avait droit. Cependant, grâce au Groupe 47, la consécration lui est venue très tôt. Enzensberger remarque à juste titre que les membres du groupe « étaient fiers d’avoir décerné un prix à des écrivains comme Heinrich Böll, Günter Eich, Martin Walser et Günter Grass*, à un moment où aucune académie ne se souciait d’eux ». En effet, à partir de 1951, le Groupe 47 s’est manifesté en tant que phénomène littéraire, et les journaux littéraires ont régulièrement rendu compte de ses séances de travail. Le Groupe 47 a joué ainsi le rôle de la métropole culturelle qui faisait défaut à l’Allemagne de l’après-guerre. Ses adversaires lui ont reproché d’exercer sur les lettres allemandes une véritable dictature. Mais le mérite du groupe est de n’avoir jeté d’exclusive sur aucune tendance littéraire, et d’avoir ainsi donné leur chance à des talents très différents. Ces différences sont sensibles à l’intérieur d’une génération où un auteur comme Günter Grass (né en 1927) et un poète comme Paul Celan (1920-1970) sont aux antipodes l’un de l’autre. Elles sont grandes également entre les générations : des écrivains comme le Suisse Peter Bichsel (né en 1935) ou comme Peter Handke (né en 1942), « révélé » lors de la séance de travail à Princeton (États-Unis) et dont les recherches ne sont pas sans faire penser à celles du Nouveau Roman en France, se sont fait connaître grâce au Groupe. Hans Werner Richter a également invité aux réunions du Groupe 47 des écrivains de la République démocratique allemande, comme Johannes Bobrowski (1917-1965), auteur de Levins Mühle (le Moulin à Lévine), à qui le Groupe a décerné son prix en 1962. La liste des écrivains qui ont lu une de leurs œuvres lors des séances de travail du Groupe comportait, en 1967, 191 noms !

Le Groupe 47 a été le point de cristallisation de la nouvelle littérature de langue allemande. Quel que soit son destin, il aura permis aux jeunes écrivains de briser l’isolement où ils se trouvaient au lendemain de la Seconde Guerre mondiale.

Le prix du Groupe 47

Le prix du Groupe 47 fut décerné pour la première fois en 1950.

Le lauréat est choisi à bulletins secrets par tous les participants. Le prix n’est pas décerné chaque année ; il doit obligatoirement couronner une œuvre encore inédite d’un écrivain inconnu du grand public.

Le prix fut décerné :
en 1950, à Günter Eich ;
en 1951, à Heinrich Böll ;
en 1952, à Ilse Aichinger ;
en 1953, à Ingeborg Bachmann ;
en 1954, à Adrian Morrien ;
en 1955, à Martin Walser ;
en 1958, à Günter Grass ;
en 1962, à Johannes Bobrowski ;
en 1965, à Peter Bichsel ;
en 1967, à Jürgen Becker.

E. H.

 H. W. Richter (sous la dir. de), Almanach der Gruppe 47, 1947-1962 (Hambourg, 1962). / R. Lettau (sous la dir. de), Die Gruppe 47, Bericht, Kritik, Polemik (Neuwied et Berlin, 1967).

Groupe de recherche d’art visuel (G. R. A. V.)

Groupe artistique parisien (1960-1968).


L’art non figuratif s’impose comme tendance dominante après 1945, mais surtout sous ses aspects lyriques, tachistes et gestuels ; les œuvres constituées d’éléments géométriques et sériels n’ont que des positions de second plan, malgré des artistes aussi importants que Josef Albers aux États-Unis, Max Bill et Richard Lohse en Suisse. En France, la galerie Denise-René et le Salon des Réalités nouvelles, à partir de 1946, vont préparer le public aux recherches de l’abstraction* dite « froide » et de l’art cinétique*. Ces courants prennent toute leur importance vers 1960 : les formes géométriques développées dans les deux dimensions de la toile se prolongent désormais dans l’espace par l’utilisation d’éléments mobiles et un usage de plus en plus systématique de la lumière. Un vif intérêt se manifeste dans le public et la critique, dont témoigne la création du terme op’art (art optique), en pendant à pop’art. Des groupes d’artistes se créent en Europe pour mener un travail d’équipe : Zéro à Düsseldorf en 1958, N à Padoue en 1959, T à Milan en 1960. Cette même année se constitue, avec six participants, le Groupe de recherche d’art visuel de Paris.

Les intentions du G. R. A. V. sont nettement définies dans l’acte de fondation et certains textes postérieurs, comme celui de Le Parc, Art spectacle, spectateur actif, instabilité et programmation de l’art visuel (1962). Il s’agit tout d’abord d’en finir (une fois de plus !) avec la conception romantique de l’artiste (« dominer l’attitude traditionnelle de peintre unique et génial, créateur d’œuvres immortelles » [acte de fondation]). Pour cela, le groupe devra être un moyen de confrontation des conceptions et des activités de chacun. Les pouvoirs magiques de l’art, célébrés par les surréalistes, sont violemment récusés ; de même, le geste « inspiré » des abstraits lyriques ; de même, toutes les habiletés de métier. Une volonté de clarté, de précision, d’évidence des effets est proclamée, permettant une saisie immédiate, sans aucune part faite à l’imagination. Les matériaux sont ceux communément fournis par l’industrie. De là l’évidente nostalgie, au départ, des réalisations collectives anonymes, où seules comptent la conception, voire la programmation, et non plus la réalisation, qui peut être laissée à des exécutants. Il y eut symétriquement volonté d’en finir avec l’« œuvre d’art » objet de contemplation statique reçu par le spectateur à travers un écran de révérence culturelle. Le Parc insiste particulièrement sur les aspects changeants, instables, aléatoires, de l’œuvre, de ses déroulements imprévus dans le cadre d’une programmation. La part du spectateur doit être la plus active possible, jusqu’à le faire devenir un élément déterminant de l’œuvre elle-même. Morellet, de son côté, insiste sur les aspects agressifs de l’œuvre, sur son rôle d’éveil, d’excitation de l’esprit et des nerfs dans un univers contemporain devenu édulcorant à force de multiplier les stimuli anarchiques. Le dernier point de contestation du G. R. A. V. est celui du système de diffusion et du marché de l’œuvre d’art, ce qui l’a amené à accueillir favorablement la politique du multiple, de l’édition à grand tirage d’une œuvre réduite au rang de prototype.