Peintre français (Tournus 1725 - Paris 1805).
Fils d’un entrepreneur et architecte qui commence par contrarier sa vocation, il est pris en amitié par Charles Grandon, peintre ordinaire de la ville de Lyon, qui l’héberge, puis l’invite à le suivre à Paris. Présenté par Pigalle* à l’Académie royale, Greuze, de caractère difficile, s’y rebelle contre l’enseignement de Charles Natoire, mais est quand même agréé en 1755. Ses premiers travaux lui ont valu la protection du fermier général La Live de Jully. Au Salon de cette année-là, le jeune peintre expose le Père de famille expliquant la Bible à ses enfants, peinture très remarquée pour deux raisons : la vogue des tableaux de genre hollandais et la mode, en littérature, des sujets édifiants.
Il accompagne en Italie l’abbé Gougenot et y demeure un an ; mais il ne semble pas y avoir été profondément impressionné par les grands maîtres de la Renaissance ; à Michel-Ange et aux dieux de l’Olympe, il préfère Jan Steen et ses paysans endimanchés, volontiers prédicateurs. Jean-Jacques Rousseau l’enchante.
En 1759 ou 1760, Greuze épouse la fille d’un libraire, Anne Gabrielle Babuti. Celle-ci est le type même de la femme idéale telle que naïvement il la conçoit ; sa jolie figure minaudière lui inspirera ses tableaux séduisants. Elle se montrera pourtant tout le contraire de ce qu’il a espéré : de cette méchante femme, épouse infidèle, acariâtre et dépensière, Greuze finira par se séparer en 1785, après qu’elle lui eut donné deux filles.
C’est au Salon de 1761 qu’il remporte son premier grand succès, avec l’Accordée de village (musée du Louvre), scène attendrissante où l’on voit un vieux père, au milieu de sa famille, recommander aux soins de son futur gendre, fringant jeune homme, la parfaite ingénue qu’il consent à lui confier. Diderot* admirera ce tableau : « Greuze est mon peintre. » Et Louis XVI en fera l’acquisition. En 1765, nouvelle réussite avec le Paralytique soigné par ses enfants (Montpellier) et la Jeune Fille pleurant son serin mort (Édimbourg). Sommé de présenter à l’Académie son tableau de réception, il consent à traiter un sujet d’histoire, mais en l’assaisonnant de sentimentalité, L’empereur Sévère reproche à son fils Caracalla d’avoir voulu l’assassiner (Louvre). Il revient bientôt à ses thèmes de prédilection, popularisés par la gravure, notamment la Malédiction paternelle, le Fils puni, la Cruche cassée (Louvre), le Tendre Désir (musée d’Édimbourg), la Dame bienfaisante (musée des Beaux-Arts de Lyon), etc. On lui doit aussi des portraits : Babuti, son beau-père, Sophie Arnould (Londres, collection Wallace), d’un réalisme aimable et appliqué, ainsi que ses autoportraits (dont deux au Louvre, où sont également conservés des dessins de l’artiste).
Les vertueuses compositions de Greuze n’ont pas toujours laissé de paraître un peu suspectes : « Beaucoup de ses femmes, a écrit Louis Hautecœur, semblent avoir emprunté à cette gourgandine qu’était Mme Greuze ses voiles défaillants, ses fichus entrouverts, ses attitudes languides, ses regards humides ; mais Rétif ne déclare-t-il pas que la vertu sans plaisir n’est plus la vertu ? Ne faut-il pas obéir aux impulsions de la nature, qui sont toujours droites et bonnes ? »
Ruiné par la Révolution, Jean-Baptiste Greuze mourut pauvre et délaissé.
M. G.
L. Hautecœur, Greuze (Alcan, 1913). / C. Mauclair, Greuze et son temps (A. Michel, 1926).