Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Grèce (suite)

C’est à cette même époque qu’on passa du type du kouros immobile, caractérisé par sa frontalité rigoureuse et schématique, à limage de l’éphèbe rendu non seulement à la vie, mais à un volume tridimensionnel. La distance est grande qui sépare le seul kouros de bronze qui nous ait été conservé, celui du Pirée, dont la découverte remonte à 1959 (musée national d’Athènes), de l’éphèbe de Kritios (musée de l’Acropole). Dans cette œuvre magistrale, le grand sculpteur a suggéré à la fois le sentiment de l’espace et celui du mouvement. La première moitié du ve s. verra ainsi le corps humain se libérer de ses contraintes. Simultanément, le sourire stéréotypé de l’époque archaïque s’effacera pour laisser place à une expression calme et songeuse. Le modèle le plus connu du « style sévère » est le célèbre Aurige de Delphes, représentation d’un conducteur de char vainqueur à la course. Dressé sur son char, le jeune homme, légèrement tourné vers la droite, jette un regard plein d’une tranquille assurance sur le public venu l’applaudir.

Comme en architecture, le temple de Zeus à Olympie marque une étape importante en sculpture. Les métopes, qui retracent les travaux d’Héraclès, se caractérisent par la simplicité dynamique de leur composition. Les frontons ne se laissent pas enfermer dans le cadre d’une symétrie artificielle, mais sont, eux aussi, ordonnés selon les principes géométriques les plus clairs.

Trois sculpteurs marquent de leur emprise le ve s. : Myron*, auteur du fameux Discobole, Polyclète* et Phidias*. Ce dernier fut le plus fécond. Il fut aussi le plus célèbre dans l’Antiquité. Auteur des deux statues chryséléphantines de Zeus à Olympie et d’Athéna à Athènes, il dirigea l’élaboration du décor sculpté du Parthénon. Les métopes du Parthénon se distinguent surtout de celles d’Olympie par l’abandon d’une composition où dominent les lignes, droites ou obliques, au profit de courbes facilitant l’expression du mouvement. Celui-ci est partout présent dans la progression rythmée de la procession des Panathénées, le long de la frise de la cella. Les cavaliers dominent dans la foule recueillie des dédicants par l’animation fougueuse de leur monture. La procession s’avance vers les dieux de l’Olympe, majestueusement assis. Les deux œuvres les plus imposantes du Parthénon n’en demeurent pas moins les ensembles décorant les frontons. La naissance d’Athéna, à l’est, et la dispute d’Athéna et de Poséidon, à l’ouest, glorifiaient la déesse tutélaire de la cité en des compositions grandioses. Les acteurs de ces deux drames, pour la plupart vêtus, se meuvent dans un univers plus proche de la condition humaine que les héros encore très idéalisés, parés de la nudité héroïque, des frontons d’Olympie.

Avec le ive s. apparaissent déjà les tendances qui domineront à l’époque hellénistique. On peut dire, d’ailleurs, qu’en sculpture la division entre époque classique et époque hellénistique est purement arbitraire, la seconde de ces périodes ne faisant qu’amplifier les découvertes de la première. Le renouveau de l’art sculpté se caractérise par la recherche du réalisme dans les attitudes, les drapés ou l’expression. Les traits du visage dépeignent les sentiments animant le sujet, le mouvement gagne en liberté et en naturel. L’imagination de l’artiste joue un rôle qui va en grandissant, pour atteindre une place essentielle dans la composition des groupes monumentaux de l’époque hellénistique.

Parmi les chefs-d’œuvre du ive s., il faut mentionner la statue plus grande que nature d’Athéna, en bronze, découverte au Pirée en 1959, en même temps que le kouros dont il a été question ci-dessus. La déesse, vêtue d’un grand péplos et de l’égide, s’avance en tendant la main droite vers le spectateur. Son expression est empreinte de douceur et d’humanité. La même expression de douceur rêveuse apparaît sur le visage d’un éphèbe de bronze découvert près de Marathon (musée national d’Athènes) et rappelle les traits de l’Hermès à l’enfant, sans doute copie en marbre d’époque romaine du chef-d’œuvre de Praxitèle*. Le naturalisme, le réalisme qui pointent au ive s. évolueront dans les siècles suivants jusqu’au baroque qui caractérise certaines œuvres hellénistiques.


Céramique : les débuts de la figure rouge

La grande époque de la céramique grecque se situe entre 530 et 480 environ. C’est vers 530, en effet, qu’on peut placer une révolution d’ordre technique, l’invention de la peinture dite « à figures rouges ». Alors qu’auparavant les figures se détachaient en noir sur le fond rouge des vases, le nouveau procédé permet au peintre de dessiner les détails de ses personnages en noir, au trait, l’ensemble des figures étant réservé en rouge sur le fond noir. La voie nouvelle qui s’ouvrait ainsi permettait une peinture dont les possibilités étaient sans commune mesure avec celles qu’offrait la technique antérieure. Le rendu des formes, de la musculature, des tissus atteint une perfection nouvelle, jamais connue encore et inégalée par la suite. Durant cette période, les inscriptions se multiplient sur les vases, célébrant la beauté de jeunes éphèbes et surtout nous transmettant le nom des meilleurs artistes. On connaît ainsi plusieurs dizaines de peintres de premier plan, dont les œuvres nous sont conservées dans un état de totale fraîcheur. Dans ce domaine encore, dès le vie s. et durant les deux premiers tiers du ve s., la prééminence des artistes attiques est totale et incontestée, au point que la production des ateliers athéniens éclipsera toute concurrence.

C’est sans doute le peintre qui décora les vases du potier Andokidès qui fut à la source de cette invention artistique capitale. Il ne l’appliqua pas sans quelque timidité d’ailleurs, puisqu’il recourut sur certains vases aux deux techniques, l’une des panses recevant un décor en figures noires, l’autre un décor en figures rouges. Et il paraît manifestement plus à l’aise dans son mode d’expression habituel.