Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
G

Grèce (suite)

168 : Pydna

Successeur de Philippe V, Persée avait su s’appuyer en Grèce sur le parti des gens mécontents de la politique conservatrice des Romains dans les cités, de la morgue des Achéens, leurs associés dans l’exploitation de la paix et de la « liberté » des Grecs. Paul Émile l’écrasa à Pydna, la monarchie antigonide s’écroula, et une nouvelle organisation dans le monde grec fut alors nécessaire : la Macédoine fut partagée en quatre républiques avant de devenir province romaine en 148. La Grèce, de nouveau libérée, restait soumise. Rhodes, elle, fut ruinée par Rome, qui favorisa contre son commerce le port de Délos.

J.-M. B.

Cité et religion

À l’époque classique, la vie religieuse est un des éléments de la vie civique. Les liens religieux sont le ciment le plus solide de l’État, comme ils le sont de la famille ; aussi n’y a-t-il pas de religion qui ne soit la religion de l’État ; les cérémonies, où se rassemblent tous les habitants de la cité, sont célébrées par des magistrats et non par un clergé professionnel.

Les dieux, en effet, servent à défendre la cité contre ses ennemis ; ce sont des divinités locales, qui n’ont d’autre fonction que de secourir l’État, dont ils sont membres, et leur nom d’Apollon, Athéna, Poséidon... ne doit pas faire oublier que l’unification du panthéon n’a jamais été que superficielle. Aussi le sentiment religieux se confond-il avec le patriotisme. La tiédeur dans la célébration du culte est considérée comme une trahison, d’autant que les dieux sont fort jaloux et susceptibles (il est vrai qu’en bons Méridionaux les Grecs ont le respect souvent gouailleur — il suffit de lire Homère ou Aristophane) ; ils n’accordent leur protection que moyennant l’observation scrupuleuse des rites, et la moindre réticence dans le corps des citoyens peut nuire à l’efficacité des cérémonies.

Une telle foi ne pouvait longtemps contenter les fidèles. Ni les intellectuels, que ne satisfaisait pas une religion dont la théologie n’était que rabâchage de vieilles légendes mythologiques, la morale inexistante, puisque l’injuste qui accomplit les rites l’emporte sur le juste négligent, et qui ne pouvait expliquer la marche du monde et des sociétés, les dieux laissant en fait la conduite de la terre aux hasards. Ni les inquiets, qui eussent peut-être préféré que les dieux leur assurent un au-delà confortable plutôt que de ne songer qu’au bien-être de leur cité. Dès le ive s., le déclin du pouvoir politique, les échecs de la cité portèrent de rudes coups à la religion civique. Les dieux, qui n’avaient pu empêcher la défaite de Chéronée, avaient perdu de leur prestige ; on s’apercevait qu’ils étaient bien loin, on bien paresseux, pour s’occuper vraiment des hommes : aussi préféra-t-on rendre un culte aux rois, véritables dieux, eux, dont un geste déclenchait la foudre d’une puissance immense, mais dieux facilement accessibles, dieux souvent bienveillants. De même, dans un monde où l’indépendance était restreinte, le patriotisme pouvait paraître moins nécessaire, et l’on avait le loisir de s’occuper de son propre destin : les cultes destinés à satisfaire les aspirations des individus florissaient, organisés en dehors de la cité (et parfois contre elle) par des associations cultuelles (les thiases) ; les sectes, qui souvent célébraient des mystères, se multipliaient, et la cité devenait le centre cosmopolite de cultes divers, entre lesquels chacun choisissait à son gré. Cette décadence de la religion politique allait paradoxalement de pair avec une multiplication et une amplification des fêtes religieuses, comme les panégyries (concours semblables aux jeux Olympiques), autour de temples de plus en plus nombreux ; les théores (ambassadeurs sacrés chargés d’annoncer l’ouverture des concours) ne cessaient de parcourir les cités, mais on ne sait pas si le désir d’honorer la divinité poliade n’avait pas parfois cédé le pas au désir de développer le prestige et le commerce de la cité qui lui consacrait des fêtes.

L’époque romaine, où la dévotion aux cultes de la cité fut souvent subordonnée à la célébration de la déesse Rome, la divinité protectrice de la seule vraie cité du monde, vit s’affadir, sauf dans des régions nouvellement conquises à l’hellénisme, les cultes civiques. Le christianisme vint peu à peu se substituer à eux, quoiqu’il eût, dans certaines régions (Athènes), bien du mal à pénétrer : ne prêchait-il pas l’égalité et la fraternité dans un monde de cités fondé sur la différence essentielle entre les citoyens et les sous-hommes (esclaves, étrangers) ?

J.-M. B.


La mythologie grecque

La mythologie grecque est l’une des plus riches qui soient, comme l’attestent l’abondance des monuments figurés et toute une tradition littéraire qui va d’Homère aux travaux des mythographes antiques. Un examen superficiel de ses données laisserait croire qu’il s’agit de légendes plus ou moins merveilleuses se présentant comme un tout cohérent, en quelque sorte codifié par les siècles et aisé à comprendre pour un esprit moderne. Il n’en est rien : de même que l’étude de la mythologie est de plus en plus féconde et aboutit à des progrès incessants et réguliers grâce aux découvertes de l’archéologie, de la linguistique ou de l’ethnologie, de même toute interprétation de ces mythes est en constante évolution. Il faut ajouter que la variété de ces récits — variété d’autant plus grande que chacun, du fait du morcellement ethnique de la Grèce, peut présenter plusieurs variantes —, leurs contradictions mêmes, parfois leur incohérence d’une légende à l’autre traduisent la vitalité du génie grec, qui voit dans l’histoire de ses dieux et de ses héros une matière vivante et non immuable.

On peut classer les récits mythiques grecs en fonction de plusieurs aspects, auxquels ils participent tous à des degrés divers : en fonction de leur valeur religieuse (et, en ce sens, la mythologie se confond avec la religion hellénique), nationale ou historique (la plus petite bourgade ou la plus humble famille attiques se réclament d’une origine divine ou héroïque), épique (pour autant que l’épopée mélange le plan divin et le plan humain) ou plus simplement artistique (le goût des belles fables, qui se retrouve chez tous les peuples, est plus manifeste encore chez les Grecs).